Pays candidat à l'UE et membre de l'OTAN, la Turquie reste un pays indispensable pour l'Europe et les Etats-Unis. L'arrivée en force des Islamistes du PJD au Parlement turc a été accueillie avec satisfaction par les milieux d'affaires. L'Europe et les Etats-Unis se sont déclarés prêts à maintenir leur coopération avec la Turquie, malgré l'écrasante victoire électorale des Islamistes. Ils ont réaffirmé avec force que la Turquie, pays candidat à l'Union européenne et membre de l'Otan, doit rester attelée à l'Occident. Washington tient particulièrement à un pays charnière utile dans la guerre contre l'Irak. Le secrétaire d'État américain pour les Affaires politiques, Marc Grossman, en visite à Athènes, a déclaré : «Nous espérons que la Turquie continuera de s'approcher de plus en plus de l'Occident, via une association de plus en plus proche de l'UE». Cette dernière s'est déclarée prête à coopérer avec Ankara en soulignant son attachement à la poursuite des réformes engagées dans les domaines des droits de l'Homme. À Brucelles, on est conscient que l'ampleur de la victoire islamiste illustre la volonté d'un changement politique important ressenti par le peuple turc. L'Europe reste attentive à l'évolution du pays et à ce qui va se faire concrètement. C'est sur des réalités que le monde jugera. À Ankara, on s'attèle d'abord à rassurer. «Notre priorité actuelle c'est l'Union européenne», a déclaré Receb Taëb Erdogan, Président du Parti de la Justice et du Développement (PJD), qui a précisé qu'il comptait bien poursuivre la politique menée par ses prédécesseurs vis-à-vis de l'OTAN. Ces déclarations de bonnes intentions n'occultent pas toutefois le fait que l'avenir turc est plein d'inconnues : «D'une certaine façon, c'est la première véritable alternance en Turquie. Elle offre l'occasion de réformer un système figé par le carcan autoritaire de la Constitution de 1982, dont les militaires qui en furent les maîtres d'œuvre, reconnaissent aujourd'hui les effets pervers», affirme Ahmed Insel, professeur d'économie et intellectuel libéral convaincu que «le PJD seul aux commandes et conscient de ses responsabilités évitera d'afficher un islamisme de façade en multipliant les provocations comme le Rifah, parti islamique interdit il y a cinq ans». De nombreux observateurs prédisent une partie de bras de fer inévitable avec l'armée. «À un moment ou à un autre, le clash avec l'armée et la haute administration aura lieu. Les pressions sont fortes. La Cour Constitutionnelle doit se réunir dans quelques jours pour décider si Erdogan doit abandonner la direction du PJD, qui reste menacé d'une procédure de fermeture», rappelle-t-on. À peine installés au pouvoir, les Islamistes devront se mesurer aux recommandations du MGK, organe suprême contrôlé par l'armée, qui commencera par vérifier le respect par le PJD des principes républicains, notamment de laïcité. Au chapitre du concret, les milieux d'affaires sont contents de voir la Turquie dotée d'un gouvernement fort après tant d'années de fragiles et corrompues coalitions. Le patronat turc vient de rappeler «l'importance du respect des engagements pris avec le Front monétaire international et de la poursuite des réformes en vue d'une adhésion à l'UE». Une position positive qui verse dans les premières prises de positions exprimées par l'Occident et qui accompagne une remontée de la Bourse d'Istanbul (+6 %). Mais, il ne faut pas s'y tromper, l'avenir du prochain gouvernement se jouera au niveau de l'armée, dont les prérogatives sont énormes, qui se considère comme la gardienne des vertues d'une république turque laïque et démocratique, la Turquie d'Ataturk.