L'ONG Amnesty International a publié mardi un rapport sur «l'impunité» et la «torture» au Maroc. Le document relève «173 cas de torture et autres mauvais traitements infligés à des hommes, des femmes et des mineurs par des policiers et des membres des forces de sécurité entre 2010 et 2014». L'ONG fustige une nouvelle fois la convention d'entraide judiciaire signée entre la France et le Maroc. «La torture est utilisée pour étouffer la contestation et entache certaines condamnations prononcées par la justice». C'est l'une des conclusions du rapport d'Amnesty International publié mardi 19 mai. Ce dernier fait état de «173 cas de torture et autres mauvais traitements infligés à des hommes, des femmes et des mineurs par des policiers et des membres des forces de sécurité entre 2010 et 2014». Pour les auteurs, lorsque l'on remet «les inégalités en question» ou exprime ses «convictions» au Maroc, on court le «le risque d'être victime de violences et d'actes de torture». Amnesty International déplore surtout la législation sur les «fausses dénonciations» ou la «dénonciation calomnieuse» afin de poursuivre des victimes de torture présumées. «En s'appuyant sur ces lois, les autorités marocaines ont ouvert des poursuites contre huit personnes ayant porté plainte pour torture au cours des 12 derniers mois», précise l'ONG. Amnesty revient ainsi sur les cas des militants, Wafae Charaf et Oussama Housni, déclarés coupables et condamnés à deux et trois ans de prison respectivement pour «allégations mensongères» et «diffamation» après qu'ils ont porté plainte pour torture. Figurent parmi les victimes de cette pratique des étudiants, militants politiques de tendance de gauche ou islamiste, partisans de l'auto-détermination du Sahara occidental, ainsi que des personnes soupçonnées de terrorisme ou d'infractions de droit commun, note également l'organisation. Brutalité Mais ce qui dérange plus l'ONG, ce sont surtout les «techniques de torture brutales employées par les forces de sécurité sur des détenus». Selon l'ONG, il s'agit notamment de maintenir des détenus dans des positions douloureuses, notamment celle dite du «poulet rôti», où la victime est suspendue à une barre métallique par les poignets et les genoux. L'ONG cite le cas d'Abdelaziz Redaouia, un Franco-Algérien de 34 ans, qui a déclaré que des officiers l'ont torturé parce qu'il avait refusé de signer un rapport d'interrogatoire l'accusant d'infractions en relation avec les stupéfiants, après son arrestation en décembre 2013. Interrogée par Mediapart, la sœur du Franco-Algérien a contredit la réponse faite à Amnesty par le Maroc. Mirage «Le gouvernement marocain affirme que la torture appartient au passé, mais refuse de mener des enquêtes adéquates sur les allégations de torture», dénonce encore l'ONG. «Les responsables marocains renvoient l'image d'un pays ouvert, respectueux des droits humains. Mais tant que la menace de la torture planera sur les détenus et les voix dissidentes, cette image ne sera qu'un mirage», s'étonne Amnesty International, qui a également considéré la France comme un futur complice du Maroc, en signant la convention d'entraide judiciaire. Lundi, la Délégation Interministérielle aux Droits de l'Homme a reçu une délégation d'Amnesty International dirigée par Philip Luther, directeur programme MENA au sein de cette ONG. Celle-ci devait en effet remettre ledit rapport aux autorités marocaines. Si la partie marocaine se réjouit du dialogue avec l'ONG, elle regrette en revanche que «la manière et le timing choisis par l'ONG pour l'informer n'aient pas respecté les prérequis du dialogue et de l'interaction féconde».