Mohamed Lamouri a porté plainte pour discrimination contre la société Maximo, l'entreprise de livraison d'alimentation à domicile, où il effectuait un stage. Raison invoquée, on lui aurait conseillé de choisir un «pseudo» pour son activité qui consistait à téléphoner des clients pour leur proposer des promotions. Pour un phénomène pourtant très courant, la presse crie au scandale. Mais elle n'est pas innocente. L'histoire s'est déroulée la semaine dernière dans les Ardennes. Mohamed, âgé de 19 ans, est élève en terminale comptabilité dans un lycée professionnel à Charleville-Mézières. Il a été admis dans l'antenne ardennaise de Maximo à Tournes pour un stage d'un mois en tant que téléopérateur commercial. Tout se passait bien jusqu'à ce que le nouveau commercial soit abordé par un responsable. «J'avais préparé mon argumentaire ainsi : "Service clientèle, bonjour. Mohamed à l'appareil", quand le directeur adjoint est venu vers moi pour me dire : "Mohamed c'est pas courant. Tu vas t'appeler Alexandre, ça passe mieux"», a-t-il raconté à France 3. Le jeune homme se serait plaint par la suite auprès du directeur du site, qui aurait décidé de mettre un terme au stage. C'est ainsi que Mohamed Lamouri a porté plainte pour discrimination. Pratique courante dans les centres d'appels L'utilisation des pseudos ou prénoms «francisés» est une pratique extrêmement courante dans les centres d'appels en France, et même dans leurs filiales, notamment au Maroc. «C'est malheureusement une réalité aussi dans la plupart des centres d'appels», a confirmé à France Soir, Sandra Blaise, déléguée syndicale CGT chez Transcom. «On demande aux salariés de prendre un pseudonyme, prétendument pour des raisons de sécurité. Mais cela s'adresse prioritairement aux personnes issues de l'immigration», a-t-elle ajouté. Toutefois, peut-on forcément considérer cette situation comme un cas de racisme ou de discrimination ? L'entreprise veut que ses salariés ou stagiaires s'adaptent à la clientèle. En France, la discrimination liée au patronyme est une réalité. Une personne avec un nom et un prénom maghrébin ou subsaharien, a moins de chances qu'un candidat ayant un patronyme français, d'être convoqué à un entretien d'embauche ou de trouver un emploi. Dans les métiers commerciaux, la situation est la même. Un prénom autre que français peut rebuter le Français moyen dans l'acte d'achat. Dans un témoignage récolté par France Soir, Sonia Porot, téléconseillère dans un centre d'appels, le confirme d'ailleurs. Selon elle, il est fréquent de voir des salariés étrangers être confrontés a des réactions négatives d'usagers, comme «on ne veut pas parler à un étranger, on veut parler à un Français.». Dans cette affaire, la direction locale de Maximo s'est défendue de toute discrimination envers le stagiaire. «Quand j'ai signé la convention de stage, j'ai bien vu qu'il s'appelait Mohamed et ça ne m'a posé strictement aucun problème», a confié le directeur local de Maximo au quotidien régional L'Union. «Il est d'usage dans la profession que les télévendeurs changent leur prénom, ce qui leur permet de préserver leur identité et ainsi d'éviter de s'exposer personnellement. Contrairement aux allégations de Mohamed, le prénom d'Alexandre a été utilisé uniquement à titre d'exemple par la personne chargée de sa formation», a-t-il ajouté. Ce que dit la loi Pour l'avocat de Mohamed, Me Xavier Médeau, cité par France Soir, demander à un salarié de changer son prénom d'origine étrangère pour un prénom d'origine française est «une atteinte à ses droits et une discrimination considérée comme un délit pénal qui ne peut être justifiée par des intérêts économiques». Il a pris à témoin, un arrêt de la Cour de Cassation de novembre 2009, stipulant «que le fait de demander à un salarié de changer son prénom d'origine étrangère pour un prénom d'origine française est une atteinte à ses droits et une discrimination». Désormais, il appartient à la justice de trancher dans cette affaire. En attendant, le lycéen a trouvé un stage dans une autre entreprise. Enfin, discrimination ou pas, les médias doivent prendre leur responsabilité. Si Alexandre a plus de chances de vendre ses articles que Mohamed, à quoi est-ce dû ? En donnant chaque fois une mauvaise image des banlieues ou des immigrés, en taxant Mohamed, Mamadou, Karim, … de dangereux délinquants, ils ne font qu'aggraver davantage, la perception du Français moyen d'autres Français issus de l'immigration. Récemment, le magazine Le Point, s'est fait piéger dans la réalisation d'un dossier «Immigration Roms, allocations, mensonges… Ce qu'on n'ose pas dire». Dans un article sur la polygamie, les journalistes ont laissé croire qu'ils ont rencontré une femme, troisième épouse d'un Français. Ce qui n'était pas vrai. Non seulement l'entretien a eu lieu au téléphone, mais l'interviewé était un homme. Reportage de France 3