Les meurtres des trois étudiants musulmans perpétrés mardi par un Américain de 46 ans suscitent une grande émotion, et notamment dans la communauté musulmane à travers le monde. Une grande mobilisation a été mise en place depuis hier, et plusieurs sit-in de soutien sont organisés en Amérique et en Europe notamment. La médiatisation de l'affaire a pris de l'ampleur, mais les médias et les autorités restent prudents quant au caractère islamophobe de la tuerie. Détails. Le père de Deah Barakat en larme. Mercredi soir, la cour de l'Université de Caroline du Nord était bondée de monde. Des milliers de personnes sont venues veiller, bougies à la main, pour rendre hommage à Deah Barakat, son épouse Yusor Abu-Salha et sa belle-sœur Razan Abu-Salha assassinés mardi à leur domicile. Elles ont ainsi répondu à l'appel de la Muslim Public Affaires Council, une organisation de politique publique et de défense des intérêts des musulmans américains fondée en 1986. Devant la foule, plusieurs responsables ont pris la parole pour exprimer leur désolation. La primeur était donnée à la chancelière de l'Université de Caroline du Nord qui annonce avoir ainsi perdu «d'excellents étudiants». «Un tel acte de violence va à l'encontre de la fibre même de notre société. Il crée également un sentiment de vulnérabilité pour nous tous, en particulier les membres de la communauté musulmane», a affirmé Carol L. Folt, rapporte Msnbc. L'imam Abdullah Antepli, un représentant en chef des affaires musulmanes et adjoint de la Faculté des études islamiques à l'Université Duke a, pour sa part, exhorté la communauté musulmane à ne pas tirer de conclusions hâtives «pour le bon déroulement de l'enquête». Il faisait ainsi allusion au caractère islamophobe de la tuerie, tel que dénoncé sur les réseaux sociaux notamment. Le religieux a reconnu les tensions actuelles vis-à-vis de la communauté musulmane en raison de la lutte contre Daesh dans laquelle les Etats-Unis sont engagés. D'après lui, la fusillade de mardi «a révélé la vulnérabilité de le communauté musulmane». Il a également révélé qu'hier, mercredi, de nombreuses familles musulmanes n'ont pas envoyé leurs enfants à l'école. Ce qui met en évidence le sentiment de peur suscité par cette tuerie. Craig Hicks avait déjà montré son arme à feu aux victimes En larmes, les familles des trois victimes étaient également présentes. Lorsque Msnbc a demandé au frère aîné de Deah Barakat, Farris, s'il pensait que les assassinats étaient racistes, il a répondu : «Oui je le pense et ma famille aussi». Il a raconté comment la femme de son frère, Yusor, avait peur de Craig Hicks qui était en fait leur voisin. Selon le récit du jeune homme, le meurtrier présumé frappait fréquemment à leur porte pour se plaindre du bruit ou de leurs invités qui selon lui occupaient trop de place dans le parking. «Elle avait peur de lui et se sentait menacée en sa présence. Il est venu une fois, a ouvert sa veste et lui a montré son arme à feu», a confié Farris. Le père de Yusor et Razan a rapporté au News Observer que le suspect avait reproduit le même geste devant le couple. La famille Barakat a donné une conférence de presse dans laquelle elle a exprimé sa douleur et le choc subi suite au drame. Après la fusillade, Craig Hicks s'est enfui. C'est un habitant de l'immeuble qui a alerté la police. Mais d'après la presse américaine, l'homme s'est ensuite rendu de lui-même à la police avant d'être transféré à la prison centrale où il est toujours enfermé. En conférence de presse hier, mercredi, sa femme – Karen - a affirmé que la tuerie n'avait rien à avoir avec la religion. L'élan médiatique prend de l'ampleur, mais les internautes dénoncent la prudence Alors que sur sa page Facebook, Craig Hicks affichait de manière ostentatoire son aversion pour les religions, la police ne privilégie pas cette piste. Celle-ci a juste déclaré, selon News Observer, que les crimes ont été précédés «par un différend au sujet du stationnement dans le parking d'une copropriété du quartier, non loin de l'Université». Bien que la presse ait tardé avant de commencer à parler de cette tuerie, le sujet a fini par susciter de plus en plus l'intérêt des médias. Et les internautes s'en félicitent. #ChapelHillShooting was the #1 story today according to Google. Let's keep the momentum going! — Riham Osman (@Riham_Osman) 12 Février 2015 Cependant, la presse américaine reste prudente. Les médias ont mis du temps avant d'évoquer l'aversion religieuse du présumé meurtrier pourtant très frappante sur son profil Facebook. Les articles retraçant le profil de Craig Hicks comme celui du site du Talkingpointsmemo.com sont rares. Le directeur national du Muslim Public Affaires Council, Nihad Awad, a appelé les autorités à «répondre rapidement à la spéculation d'un motif de partialité possible» de la part de l'Etat dans le cadre de cette affaire. D'autant plus que de nombreux Américains appellent à la réaction des autorités, le président Barack Obama notamment, qui ne se sont pas encore exprimé sur ce drame, du moins officiellement. D'autres sit-in aux USA, au Canada et en Grande Bretagne La tuerie de Chapel Hill a poussé le Washington Post à faire un article sur l'évolution des crimes de haine anti-musulmans aux Etats-Unis. Ceux-ci sont cinq fois plus élevés aujourd'hui qu'avant le 11 septembre. De son côté, la mobilisation pourrait encore continuer. Le Muslim Public Affaires Council va organiser, jusqu'à vendredi 13 février, plusieurs sit-in aux Etats-Unis, au Canada, mais aussi en Grande Bretagne, en guise de soutien aux familles des victimes. Reportage sur la tuerie dans le dernier numéro du Rachel Maddow Show diffusé mercredi