L'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC) a annoncé hier avoir reçu 3 096 plaintes en 5 ans. Un nombre jugé très faible par Transparency Maroc qui se dit déçue par le gouvernement dirigé par le PJD, lequel avait pourtant placé la lutte anti-corruption au coeur de sa campagne électorale. Explications. Le nombre de plaintes enregistrées par l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC) «est très faible», indique à Yabiladi Abdessamad Sadouk, secrétaire général de Transparency Maroc. Il réagit ainsi à aux déclarations du président de l'instance, Abdesselam Aboudrar, au Forum de la MAP hier, mardi. Ce dernier a, en effet, révélé que l'ICPC a reçu au total 3 096 plaintes liées à des cas présumés de corruption entre 2009 et 2013. «A quoi bon dénoncer si cela n'aboutit à rien ?» Selon M. Sadouk, deux raisons expliquent le faible recours des Marocains à l'ICPC. «Premièrement, les dénonciateurs ne se sentent pas suffisamment protégés», affirme-t-il. Il ajoute ensuite que la loi afférente a été votée «dans la précipitation» en 2012 et ne répond pas aux requêtes de la société civile. «Cette loi offre aux dénonciateurs une protection civique alors que ce n'est pas le besoin. Il leur faut plutôt une protection économique. Il faut qu'après dénonciation, les gens puissent conserver leurs emplois, que les entreprises puissent poursuivre leurs activités», explique le dirigeant de Transparency Maroc. En deuxième lieu, il note l'indifférence des autorités face aux plaintes. «Les administrations donnent rarement suite à ces plaintes. Elles ne répondent pas. Les gens se disent : ''a quoi bon dénoncer si cela n'aboutit pas à quelque chose de concret ?''», explique M. Sadouk. «Le PJD nous a déçus» En juin dernier, Abdesselam Aboudrar annonçait que l'ICPC deviendra très prochainement l'INPPLC, soit l'Instance nationale de probité, de prévention et de lutte contre la corruption. Et ce, afin d'être «conforme à l'esprit de la Constitution de 2011» qui met un point d'honneur à la lutte anti-corruption. Au Forum de la MAP, le président de l'Institution n'a pas manqué de le réitérer, affirmant que cela marquera «un saut qualitatif dans la lutte contre ce fléau» au Maroc. Mais la section marocaine de Transparency International ne l'entend pas de cette oreille. L'ONG dénonce le projet de loi sur l'INPPLC, estimant qu'il est plutôt «contraire à l'esprit de la Constitution de 2011». «Il balaye totalement l'investigation par cette instance [dans les cas de plainte pour corruption». Au final, on se retrouvera avec une institution identique à l'ICPC actuelle», explique Abdessamad Sadouk, estimant que «ce texte est tout simplement irrecevable». Idem pour le projet de loi sur l'accès à l'information qui expose le demandeur d'information à des peines de prison allant jusqu'à 3 ans, s'il fait un autre usage de l'information que celui mentionné dans sa demande. «Ce texte est tout aussi hallucinant !», s'indigne-t-il. Dans son dernier rapport sur la corruption dans le monde, Transparency International - bien qu'ayant fait progresser le Maroc dans son classement – tirait encore la sonnette d'alarme, dénonçant une «corruption endémique et généralisée» dans le royaume face à l'«inaction de l'Etat». «Aujourd'hui nous sommes très déçus par le gouvernement dirigé par le PJD qui a mis la lutte anti-corruption au cœur de sa campagne électorale, mais n'a pas fait grand-chose trois ans après», déclare Abdessamad Sadok. Et d'ajouter : «Il n'y a aucune amélioration, pire que ça, nous voyons que les acquis de la nouvelle constitution sont en train d'être vidés». La lutte contre la corruption est depuis plusieurs années un véritable challenge pour le gouvernement marocain. Et aujourd'hui, société civile marocaine et observateurs internationaux attendent plus que des paroles, des actes.