Le bureau politique de l'USFP a organisé, samedi, un atelier sur les réformes à engager pour éradiquer la corruption. L'occasion pour bien de responsables, y compris au sein des appareils d'Etat, d'exprimer leurs coups de gueule. «Nous ne disposons d'aucune indépendance sur les plans interne et externe, nous n'avons pas le droit de sanctionner, alors nous nous contentons juste d'exprimer notre indignation», reconnaît le président du Conseil de la concurrence, Abdelali Benamour, au cours de l'atelier organisé, samedi 10 septembre, par le bureau politique de l'USFP sur les réformes politiques et économiques pour la lutte contre la corruption sous toutes ses formes. « Nous constatons énormément de pratiques qui ne respectent aucunement la concurrence. Entre autres, des entreprises se mettent d'accord sur un seul prix alors que d'autres font dans le monopole et la concentration qui représente un réel danger au Maroc », prévient Benamour soulignant la nécessité d'accorder au Conseil de la concurrence le droit de mener des investigations afin de lui permettre de traquer ce genre de pratiques. «Notre travail se limite, pour l'instant, à la consultation, aux études… Notre Conseil a donc préparé un projet de loi soumis, actuellement, aux autorités compétentes afin de pouvoir améliorer son travail en élargissant ses attributions. Et avec la constitutionnalisation de notre conseil, j'espère que les lobbys ne tenteront pas de freiner notre mission », souhaite le président du Conseil de la concurrence. La volonté de Benamour rejoint celle d'Abdeslam Aboudrar, président de l'Instance nationale de l'intégrité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (nouvelle appellation de l'Instance centrale de prévention de la corruption-ICPC). Pour ce dernier, il serait temps de coordonner le travail de la lutte contre la corruption que mènent plusieurs instances en même temps mais, chacune de son côté. « La Cour des comptes a dressé des rapports, mais nous n'avons aucune idée sur leurs suites », cite en exemple Aboudrar. Efficacité, c'est ce dont le Maroc a le plus besoin en matière de lutte contre la corruption. « L'arsenal juridique actuel est faible en ce qui concerne, notamment, l'accès à l'information et la protection des témoins », fait remarquer Aboudrar soulignant que les ministres ne sont pas poursuivis parce qu'il n'existe aucune instance (Cour spécialisée) pour le faire. L'ICPC ne peut sanctionner, mais elle brille par ses propositions, dont la mise en place de la Charte d'intégrité des partis politiques au cours des prochaines élections lui permettant d'expulser et de poursuivre tout candidat ayant violé ce pacte. L'ICPC veut, aujourd'hui, accélérer sa cadence, en se montrant prête à intervenir quand il le faut. « Reste à trouver une limite entre notre travail et celui de la justice », affirme Aboudrar. « La crise politique dont souffre le Maroc est celle de la confiance. Les Marocains ont besoin d'un gouvernement responsable qui ne se contente pas de promesses », lance le secrétaire général de Transparency-Maroc, Rachid Filali Meknassi. Ce dernier estime que poursuivre « la politique de l'autruche » ne fera qu'aggraver la situation. « La lutte contre la corruption devrait être une priorité au même titre que l'affaire du Sahara », estime Hassan Serghini, membre du conseil national de l'USFP. D'après ce dernier, la corruption sous toutes formes coûte énormément au Maroc et traduit bien des ras-le-bol. «Ce Mouvement du 20 février, ce n'est pas seulement quelques jeunes descendus dans les rues. C'est toute la conscience marocaine qui réagit », dit-il. Pour Hassan Serghini, chaque directeur, ministre, wali ou gouverneur doit répondre de toute corruption, fraude ou autres dès que le fait est avéré au sein de son administration ou territoire. Abdessamad Sadouk, président de la commission éthique et déontologie de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) reconnaît la grande difficulté que trouve son département à traquer la fraude au sein du secteur privé. Rien que l'appellation de la commission de la CGEM a posé problème. « En 2006, même l'appellation initiale de notre instance, à savoir « commission de lutte contre la corruption » n'a pas suscité l'unanimité et nous avons dû retourner à l'appellation soft, et vague, de l'éthique», a-t-il confié. La corruption prospère par voie des marchés publics mais aussi entre les entreprises au cours, entre autres, de différentes transactions. « Très peu de plaintes sont déposées. Malgré la garantie d'anonymat, les entreprises restent sceptiques. Et le manque d'engagement individuel influe nécessairement sur l'esprit collectif », regrette le président de cette commission de la CGEM. « Nous nous retrouvons ainsi face à des entreprises complices qui cherchent à corrompre, d'autres qui se font racketter, impuissantes d'affronter l'extorsion », explique Abdessamad Sadouk dénonçant la faiblesse de l'engagement de l'Etat et de la gouvernance interne au sein des entreprises.