La condamnation récente de 6 homosexuels à Fqih Ben Saleh suscite de l'indignation chez les organisations des droits de l'homme. Human Rights Watch vient de dénoncer un procès «inéquitable» et appelle le Maroc à abolir certaines lois qui «établissent une discrimination à l'égard de certaines activités entre adultes consentants pour la seule raison qu'ils sont de même sexe». Alors qu'une campagne demandant la dépénalisation de l'homosexualité a été récemment lancée sur Youtube, six homosexuels marocains ont été condamnés par le tribunal de Fqih Ben Salah pour «homosexualité», «prostitution», «ivresse sur la voie publique» et «conduite en état d'ébriété». Ils avaient été interpellés en avril suite à une plainte déposée par le père de l'un d'eux, qui accusait les cinq autres d'avoir incité son fils à avoir des «comportements déviants». Le tribunal a finalement réduit la peine de deux des condamnés le 3 juillet. Le juge a ordonné la libération des accusés au motif qu'ils avaient besoin d'êtres «soignés» dans un centre de réadaptation en tant que «victimes de la société». Malgré ce petit ''ouf de soulagement pour les accusés'', les organisations des droits de l'homme sont montées au créneau pour dénoncer leur condamnation. «Les autorités marocaines devraient cesser de poursuivre en justice et d'emprisonner des personnes en raison de leur comportement dans l'intimité avec d'autres adultes consentants», a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. «Quelle que soit l'orientation sexuelle de ces six accusés, elle ne devrait pas les rendre passibles de sanctions pénales», a-t-elle estimé. Condamnation sans témoin, sans preuve Outre la liberté sexuelle que défend HWR, c'est la manière dont s'est déroulé le procès qui suscite l'ire de l'organisation. Sur ce point, HWR souligne qu'on pourrait également soulever des questions quant à l'équité du procès. La Cour d'appel de la ville de Beni Mellal a en effet «confirmé les verdicts prononcés contre ces hommes sur la seule base de déclarations faites par eux alors qu'ils étaient aux mains de la police», rappelle HWR. Selon cette dernière, bien que les accusés soient par la suite revenus sur leurs déclarations lors du procès, ils ont affirmé les avoir signées (lors de leur arrestation) sous la menace des policiers. En plus de ces failles dont le tribunal n'a pas tenu compte durant le procès, HWR indique, en se basant sur les déclarations de l'avocate, que la Cour d'appel n'a appelé aucun témoin à la barre et n'a examiné aucun autre élément de preuve. Ce qui scandalise encore plus l'organisation, c'est le fait que, durant l'audience, tous les accusés ont nié être homosexuels. Par ailleurs, HWR note un énième point de discorde dans cette affaire : la difficulté d'obtenir des détails. HWR signale en effet que l'affaire s'est déroulée dans une région reculée du pays, et que de nombreuses personnes liées à des procès au pénal en rapport avec des activités homosexuelles sont réticentes à en discuter publiquement. Un seul aveu Seul un aveu aurait été fait par l'un des accusés. Selon ce dernier (qui était en état d'ivresse lors des faits), il avait fait monter dans sa voiture une personne qu'il croyait de sexe féminin mais qui, en fait, était un homme. A l'exception de cet aveu donc, les six hommes ont nié tous les autres chefs d'accusation. «Que ce soit ou non d'autres charges réelles dans ce cas, et si les hommes bénéficient d'un procès juste ou pas, le gouvernement marocain doit cesser de poursuivre les gens pour homosexualité», estime HRW. L'organisation demande de ce fait au royaume, qui a ratifié en 1979 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), de respecter la Constitution de 2011. Dans son préambule, elle stipule que le Maroc s'engage à «bannir et combattre toute discrimination à l'encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l'origine sociales ou régionale, de la langue, de l'handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit».