, vice-président de CAPDEMA, s'exprime en son nom au sujet de la récente proposition de leur association mais aussi d'une nouvelle forme de militantisme qu'il va falloir faire évoluer. Tout juste récemment, deux associations, Cap Démocratie Maroc [1] et Anfass démocratiques [2], ont pris la décision de compléter et de soutenir une initiative citoyenne qui avait choisi de rédiger un texte de loi alternatif visant à réformer l'actuelle loi organisant la procédure de grâce royale. L'idée derrière cette proposition, communément appelée Grâce Démocratique [3], qui est disponible sur les sites de l'association était bien évidemment : plus jamais de Danielgate. Nous ne souhaitons plus jamais avoir à revivre ce drame, par le biais duquel l'Etat marocain s'est vu mettre à nu devant l'opinion publique nationale mais aussi internationale. Durant cette affaire, l'ensemble de la société civile a pu constater, une fois n'est pas coutume, que nous étions devant un Etat qui manquait cruellement de transparence. Pire que cela, notre Etat fonctionne avec un ensemble de règles juridiques désuètes qui ne cessent de prouver leur inefficacité. Et que pour d'étranges et obscures raisons, ce même Etat continue à ignorer ses dysfonctionnements internes et se contente tout simplement de vivre au jour le jour. Mais il y a aussi, à mon avis, une autre idée que cette proposition de loi porte. Cette entreprise citoyenne doit aussi être une ébauche à un tout autre chantier et qui est de la plus grande importance : la refonte de l'Etat et du pays. Car, il y a bien un moment où la contestation ne suffit plus, et que si l'on souhaite donner vie à quelque chose de plus grand, il est nécessaire de s'assoir autour d'une table et de concevoir, loi par loi, institution par institution, procédé par procédé, le pays que l'on veut pour l'avenir. Ce n'est pas là une énième apologie de la très célèbre rengaine «proposer au lieu de critiquer» quoi que je n'aie personnellement rien à lui en vouloir, mais il est surtout question ici d'une réflexion et d'un choix qui partent d'un amer constat de l'opposition progressiste au Maroc. Cette opposition, quoique je m'en réclame fièrement, manque cruellement de contenu, et il faut le dire. Car au-delà des slogans, des principes universels et généraux que notre opposition a pris pour habitude de transmettre de père en fils, il y a bien un réel manque de projets alternatifs. D'ailleurs par contenu, je signifie essentiellement tout un arsenal juridique, toute une analyse et critique économique, tout un projet sociétal touchant à la définition même que l'on veut donner à notre pays et qui devraient tous être présentés comme alternatifs à ce qui se trouve devant nous : un Etat archaïque, non-démocratique et qui ne saurait rejoindre le concert des nations vers le progrès. Il y a deux raisons pour lesquelles il est essentiel d'œuvrer, dans les combats à venir, pour cette conception du militantisme : La première est tout simplement d'ordre législatif. Lorsque CAPDEMA et Anfass sont venus avec cette proposition, d'aucuns se demandaient en fonction de quelle légitimité, deux associations de jeunes pouvaient prétendre avoir à offrir un texte de loi. Il faut pour cela savoir qu'en vertu de l'article 14 de la constitution, tous les citoyens marocains, quelles que soient leurs idées politiques disposent «du droit de présenter des propositions en matière législative. Un ou plusieurs groupes de la Chambre parlementaire concernée peut parrainer ces motions et les traduire en propositions de loi, ou interpeller le gouvernement dans le cadre des prérogatives conférées au Parlement.» Une loi organique devrait à l'avenir mieux préciser les modalités et les conditions par lesquelles des citoyens ou pourquoi pas des associations pourraient oser présenter des propositions de loi. J'accorderai à certains que d'un point de vue pratique et pragmatique, ce n'est pas très aisé à réussir, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'une proposition de loi courageuse. Mais encore une fois, on devra mener un combat bien particulier et que l'on ne retrouve dans aucun autre pays, et qui est celui : de l'application pure et simple de la constitution de 2011. La seconde raison répond aux interrogations de certains défendant que cette initiative puisse être vaine. Ces mêmes personnes se posent des questions légitimes et avec lesquelles je ne pourrai qu'être d'accord de manière générale : à quoi bon vouloir construire quelque chose, alors même qu'on est à l'extérieur du jeu politique, que ce même jeu politique n'est pas transparent et qu'il n'est pas de l'intérêt des hautes sphères du pays qu'il le soit ? A ces questionnements, l'on pourrait répondre ceci : faisons-le pour l'avenir. Pour ébaucher cette conception du militantisme dont nous avons réellement besoin à l'heure actuelle. Cette conception qui devrait en premier lieu être à l'adresse de ceux voyant le militantisme comme une continuité de jérémiades stériles autour d'un Etat qu'on ne saisit toujours pas et à l'opposé duquel nous présentons des concepts et des principes qui n'ont, jusqu'à l'heure actuelle, pas toujours été retravaillés et mis à jour. L'envie d'avoir un renouvellement de ces procédés âgés de quelques décennies se fait donc pressante. Et la réussite de cette entreprise, qu'est la grâce démocratique, peut en être le prélude. Si je puis résumer mes propos, ce serait tel que suit : on a un jour reproché à la jeunesse marocaine de ne pas trop s'intéresser à la chose publique et à la politique. Alors pour leur répondre, cette même jeunesse est sortie un fameux 20 février dans les rues portant un certain nombre de revendications. Soudain, par le biais de discours, de conférences et d'émissions télévisées, on est venu vers cette même jeunesse pour lui demander de proposer des alternatives, au lieu de critiquer. Soit. Voici actuellement avec cette proposition de refonte de la grâce royale ainsi que d'autres projets [4], une jeunesse qui se démarque très nettement de ce qui a trait à la contestation pour proposer des alternatives. Non pas que des principes, mais des textes de loi et des sujets dont il est nécessaire d'en débattre. A l'heure où nous en sommes, espérons qu'on n'aura pas à revenir vers nous pour nous demander d'appliquer nous même ce contenu dont il est question, et ce à l'intérieur des institutions. On sera dès lors forcés à leur montrer que nous en sommes parfaitement capables, à l'avenir. [1] http://capdemocratiemaroc.org/ [2] http://anfass.ma/ [3] http://capdemocratiemaroc.org/pour-une-grace-royale-democratique-%D9%85%D9%86-%D8%A3%D8%AC%D9%84-%D9%82%D8%A7%D9%86%D9%88%D9%86-%D9%84%D8%B9%D9%81%D9%88-%D9%85%D9%84%D9%83%D9%8A-%D8%AF%D9%8A%D9%85%D9%82%D8%B1%D8%A7%D8%B7%D9%8A/ [4] http://capdemocratiemaroc.org/category/academique/