Il est jeune. Il est cuisinier et à la fois acteur. Il est originaire d'Oujda, à l'Est du Maroc. Il, c'est Abdel Alaoui, animateur sur la chaîne française Canal+ de la rubrique gastronomie de l'Edition spéciale. Son portrait robot est facile à établir : chemise blanche, cravate noire, pantalon jeans et baskets, bref, rien qui ressemble vraiment, à première vue, à un cuisinier. Zoom sur un parcours...assez épicé. Il ne porte pas de toque, mais Abdel est un vrai cuisinier. Il en est même un chef. Les grands gourmets et fidèles téléspectateurs qui le suivent à l'écran lors de la diffusion de la rubrique gastronomie de l'Edition spéciale, vous en diront autant. A moins qu'ils ne se perdent dans la mixité culinaire, ô combien réussie, dont Abdel dévoile tout son talent pour l'art de la cuisine. D'un art il s'agit effectivement, puisque notre jeune cuistot marocain sait bien mettre en commun goûts et saveurs. Abdel est un fils d'immigrés marocains qui s'étaient installés à Saint-Germain-en-Laye, depuis la fin des années 1970. Ses premiers pas en cuisine ne furent pas faciles puisqu'il était obligé de vivre sa passion en secret. Normal : quel autre père de famille aurait accepté de voir son fils s'intéresser à la cuisine là où les enfants de son âge rêvent déjà de devenir pilote d'avion de ligne ou richissime ingénieur ? Aucun sans nul doute. Le « Zizou » d'Abdel, c'était Joël Robuchon. « Mes parents étaient convaincus que la cuisine est un domaine réservé aux femmes. J'ai dû leur expliquer qu'en France, et c'est d'ailleurs regrettable, c'est plutôt un métier d'homme. Ils ont même demandé à un imam si le fait de manipuler du porc ne posait pas un problème religieux », déclare le jeune cuistot à l'hebdomadaire Jeune Afrique, qui maintenant, a su conquérir la fierté de ses parents et n'a plus besoin de se cacher pour exercer son métier. De toute façon, comment le pourrait-il en s'affichant sur les écrans de Canal+ ? Difficilement certes. Son parcours scolaire...ou plutôt culinaire, reflète bien les ambitions qu'il nourrissait en lui. Arrivé en classe de troisième, « milieu de l'année scolaire, j'ai décidé de quitter le collège pour m'inscrire dans une école d'hôtellerie et de restauration », raconte-t-il. Par un hasard très chanceux – voire providentiel – il fit la connaissance de Jacques Pactol, l'ancien chef du « Relais & Châteaux » de Cazaudehore, qui accepta de lui financer ses études. Des études qui constitueront la clé pour ouvrir beaucoup de portes, en l'occurrence celle du Balzac, célèbre restaurant de Paris, en 1998. Il débuta au plus bas de l'échelle des cuistots, comme commis. Il y fit une autre rencontre – providentielle – qui va booster sa toute jeune carrière : Abdel va rejoindre Guy Guenego, devenu chef cuisinier au Méridien, qui lui propose le poste de demi-chef de partie. « Ensuite, tout s'accélère ». Il sera en effet promu chef de partie, juste un an plus tard. Notre jeune cuistot va bientôt se découvrir une autre face cachée de sa personnalité : son penchant pour le théâtre qui sommeillait en lui. Cette seconde passion, il la vivait comme une seconde nature dans le RER, entre la porte Maillot et Saint-Germain, au fil des pages des ouvrages de Molière, Courteline, Jean-Michel Ribes et bien d'autres grands auteurs. Ne pouvant plus résister à l'appel des estrades et des coulisses, il trouve un arrangement avec son chef afin d'aménager ses horaires de travail, pour pouvoir suivre des cours d'art dramatique. Ainsi, il s'inscrit à l'école Jean-Périmony, à l'insu, bien sûr, de ses parents. L'on serait tenté de dire que le jeune cuistot-acteur aime vivre en secret ses passions, doutant fort que ses parents lui permettent de se lancer dans le théâtre. A peine débarqué, son formateur, qui ne sait pourtant rien de son étudiant, confie à Abdel un rôle de cuisinier dans la pièce de L'Avare de Molière. Hasard, coïncidence, ou encore...«Providence» ? Allez savoir ! En 2003, Abdel intègre les cuisines du Fouquet's et, parallèlement, joue la comédie à ses heures de loisirs et réussi à combiner deux arts qui s'adressent à plusieurs organes de sens du corps humain, bien différents les uns des autres. Un mélange qu'il réussit bien en ayant eu « l'idée de mêler cuisine et comédie », lorsqu'il se retrouvait avec ses amis. C'est ainsi qu'est née une première réalisation, de cinq minutes intitulé «Abdel Cook ». « Avec mes amis, on a acheté cent enveloppes, on y a mis cent DVD accompagnés d'un dossier de presse, et on les a envoyées à cent boîtes de production », déclara t-il. Un an plus tard (ce n'est pas trop tôt !), Abdel reçoit une proposition de la chaîne Discovery. En 2004, SOS Abdel est lancé sur les ondes de la chaîne américaine. L'idée est de débarquer dans la maison d'une star et « cuisiner avec ce qu'il a dans ses placards ». Un défi facile à relever pour notre cuistot-acteur. Résultat : un grand succès qui n'a pas duré assez longtemps malheureusement, pour des raisons financières. Le jeune cuistot décide alors de s'installer aux Etats-Unis, le temps d'apprendre la Langue de Shakespeare. Abdel finit par quitter le « nouveau monde » pour le « vieux continent », plus précisément à Londres, afin d'approfondir son niveau en Anglais en vue de revenir dans le pays de l'Oncle Sam et « intégrer l'Actor's Studio, à New York ». De l'Angleterre à la France, il ne lui fallut qu'un tout petit détour, en attendant le « grand bond » qui devrait le ramener aux Etats-Unis. Ses prévisions changèrent brusquement : Abdel reçut une proposition de Canal+. En effet, la célébrissime chaîne française lui propose d'animer une rubrique culinaire dans L'Edition spéciale. « Passer sur Canal+, je n'arrivais pas à y croire, c'était trop beau ». Trop beau...mais vrai tout de même. Et son expérience pour Discovery y est pour beaucoup. « La vérité est que les décideurs français n'aiment pas prendre des risques. On attend de voir ce qui se passe ailleurs avant de le dupliquer. C'est Discovery qui a d'abord cru en moi. » Aujourd'hui, Abdel Alaoui vit ses deux passions dans le petit écran, au grand bonheur des milliers de personnes à travers la France – et même au-delà – qui ne ratent aucune de ses émissions sur Canal+. La clé de sa réussite ? Abdel l'attribue à sa motivation...et disons le aussi : à la chance qui l'a toujours accompagnée. Il est actuellement en préparation d'un one-man-show prévu pour la rentrée en septembre, d'une pièce de théâtre et d'un livre de cuisine qui sera publié aux éditions Hugo et Compagnie. Et comme pour « épicer » le tout, son propre restaurant, Wok & Co, verra le jour à Saint-Germain-en-Laye, dans...moins de deux mois. A vos cuillères !