Le week end du 12 et 13 janvier, les premiers rafales à arriver au Mali ont traversé l'espace aérien marocain plutôt qu'algérien, alors que les deux pays avaient donné leur accord à la France pour cette traversée. L'appui renouvelé, hier, de la France au plan d'autonomie marocain, par la voix de Pouria Amirshahi, député de la 9e circonscription des Français de l'étranger, sonne comme un remerciement au soutien du Maroc. Pouria Amirshahi, le député de la 9e circonscription des Français établis à l'étranger et secrétaire de la commission des Affaires étrangères à l'Assemblée nationale française, affirme dans une interview à la très officielle agence de presse marocaine MAP, hier, lundi 21 janvier, en marge de sa visite de travail au Royaume les 19 et 20 janvier : «Le plan marocain d'autonomie dans les provinces du sud est sérieux et permet de dépasser les blocages.» Il représente une «voie acceptée par tout le monde», a ajouté M. Amirshahi. Un prêté pour un rendu. Hier, au même moment, Jeune Afrique révélait que les rafales français avaient survolé le Maroc plutôt que l'Algérie pour se rendre au Mali. «C'est une aubaine pour le Maroc sur le plan diplomatique. Il apparait encore une fois encore comme un allié fiable, un pays avec une véritable garantie de stabilité institutionnelle», analyse Abderrahim Kader, chercheur associé à l'Institut français de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). Marchandage diplomatique Pour la France, le soutien actif du Maroc à la guerre qu'elle mène au Mali contre les jihadistes, se paie par un soutien toujours plus fort et répété à la marocanité du Sahara. Qui sait si un nouvel accord de pêche, plus avantageux pour le Maroc que le premier, ne sera pas bientôt signé entre l'Union européenne et le Maroc, signe de la reconnaissance implicite de la marocanité du Sahara par l'UE, en remerciement des bons offices marocains dans la guerre au Mali ? Le marchandage diplomatique avec le Maroc, vaut également pour l'Algérie. Selon Abderrahim Kader, «il y a fort à parier que l'Algérie n'aurait pas accepté de céder à propos son espace aérien si François Hollande n'était pas venu en priorité en Algérie, en visite officielle, le 18 décembre dernier», souligne Abderrahim Kader, car depuis le départ l'Algérie ne veut absolument pas de cette guerre au Mali. Le chercheur va plus loin : «M. Bouteflika ne fait plus mystère de son intention de se représenter pour un quatrième mandat. Le silence complaisant, sinon le soutien de François Hollande, est probablement le prix demandé par l'Algérie pour accorder le droit aux avions français de traverser l'espace aérien algérien.» Escales près de Laâyoune Malgré cet accord, coûteux diplomatiquement, arraché par la France à l'Algérie, la voie empruntée finalement par les avions passe par le Maroc. Le 15 janvier, à Paris, au siège du Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, se fait présenter devant quelques journalistes les détails opérationnels du raid que quatre avions Rafale ont effectué, deux jours auparavant, sur les sites jihadistes de la région de Gao, dans le Nord-Mali, raconte Jeune Afrique. A l'écran (voir photo), le plan de vol que les chasseurs-bombardiers français ont suivi entre Saint-Dizier (France) et N'Djamena (Tchad) : la ligne évite l'Algérie pour passer par le Maroc où un arrêt ravitaillement est prévu au sud, aux environs de Laâyoune, visiblement. La ligne aérienne ainsi dessinée sur la carte rallonge nettement le vol des avions français. Aucune explication tactique n'a été donnée officiellement, mais il est possible que l'armée française n'ait pas voulu survoler, avant les bombardements, les villes tenues par les jihadistes. Une explication plus politique est également envisageable. «La maladresse de Laurent Fabius annonçant l'accord de l'Algérie pour la traverser de son espace aérien a été totale. Il est possible que François Hollande n'ait pas voulu que les tensions dans l'opinion publique engendré par ce survol ne se retourne contre son nouvel allié Abdelaziz Bouteflika», suggère Abderrahim Kader.