Dans le cadre du dossier CIA files sur le Sahara, Yabiladi revient sur un document de l'agence de renseignements américaine, qui révèle des divergences entre l'armée algérienne et Chadli Bendjedid dans les années 1980, concernant la question du Sahara occidental. Alors que les chefs militaires appelaient à l'escalade, le président algérien privilégiait la voie diplomatique. Un document déclassifié de la CIA, daté d'août 1985, met en lumière les divergences entre l'armée algérienne et le président Chadli Bendjedid, durant les années 1980, concernant la question du Sahara occidental. «Leur relation historiquement troublée [Algérie et Maroc] est à un niveau bas» en raison du différend et de l'alliance du roi Hassan II avec la Libye, indique la source. Celle-ci souligne que l'Algérie «ne souhaite pas que la situation se détériore au point de provoquer des hostilités militaires à grande échelle». Quant à la question du Sahara occidental, «les escarmouches se poursuivront probablement sans avertissement, le long de la berme défensive du Maroc» [mur des Sables, ndlr], prévoit la CIA. Les objectifs de l'Algérie Selon le même document, l'Algérie cherche à «maintenir la pression sur le roi Hassan II pour le forcer à négocier un arrangement permettant une certaine autonomie au Sahara». «A notre avis, le soutien continu de l'Algérie au Polisario et ses querelles diplomatiques avec Rabat sont les principaux éléments du programme de Benjedid visant à harceler Hassan II pour son 'intransigeance' sur le problème du Sahara occidental», affirme la même source. La CIA estime que «les Algériens croient probablement qu'ils peuvent rendre le conflit du Sahara occidental si coûteux qu'Hassan II acceptera, à un moment donné, une certaine autonomie saharienne». L'Algérie peut également anticiper sur son soutien au Polisario, qui pourrait être dissuasif pour Hassan II dans un projet plus ambitieux visant à ressusciter l'idée d'un «Grand Maroc», qui comprendrait non seulement le Sahara occidental, mais aussi la Mauritanie et certaines parties du sud-ouest de l'Algérie. Le président Chadli Bendjedid et le général Khalid Nizar Selon la CIA, le gouvernement algérien ne souhaite pas un conflit militaire majeur avec le Maroc, car «ses dirigeants se rendent compte que le terrain accidenté le long de la frontière limiterait une action militaire, qui pourrait conduire à des frappes transfrontalières de l'Algérie pouvant entraîner une guerre d'usure prolongée». «Alger pourrait également se rendre compte que le Maroc dispose d'un net avantage le long de la partie sud de la frontière et pourrait envahir Tindouf, la seule colonie algérienne significative dans le sud-ouest et le quartier général politique et militaire du Polisario. Rabat pourrait également lancer des frappes aériennes contre les installations pétrolières et gazières algériennes.» Document de la CIA Des désaccords internes en Algérie sur le Sahara Le document met en évidence un écart entre le président Bendjedid et l'armée algérienne. Dans ce sens, la CIA rapporte que le président algérien était «sous la pression de ses officiers supérieurs de l'armée pour qu'il prenne des mesures plus fermes vis-à-vis du Maroc». L'armée critique son «refus d'empêcher la réalisation des bermes défensifs par Rabat» et souhaite «une action plus musclée». Pendant ce temps, des officiers de tendance de gauche se seraient opposés aux alliances occidentales du président Bendjedid et cherchent à renforcer le Polisario. «Ces officiers veulent donner plus d'armes aux guérilleros du Polisario et leur faire mener la guerre contre le Maroc avec plus de vigueur», précise le même document. Ce dernier évoque les accusations du Maroc selon lesquelles l'Algérie aurait formé 17 dissidents marocains et facilité leur infiltration dans le royaume. «Bendjedid a peut-être décidé de parrainer l'activité des dissidents marocains comme une concession à ces officiers», indique-t-on. «Un autre scénario serait que les dissidents soient autorisés à résider en Algérie, mais que leurs projets et activités ne soient pas étroitement surveillés par le gouvernement. De hauts responsables sécuritaires et militaires opposés à Bendjedid ont peut-être parrainé les infiltrations, s'attendant à ce qu'elles échouent, pour embarrasser le président en illustrant aux étrangers les "contradictions" de l'image de politique étrangère modérée qu'il a cherché à établir.» Document de la CIA Les défis de l'Algérie Plus loin, le document note que les dirigeants algériens estiment nécessaire leur aide au Polisario, pour contrer ce qu'ils considèrent comme un expansionnisme marocain. «Bien que l'Algérie ait jusqu'à présent gagné la bataille politique au sein de l'OUA et du mouvement des non-alignés en obtenant une large reconnaissance diplomatique pour la RASD, ses perspectives sur le champ de bataille - où l'issue sera réellement déterminée - sont sombres», estime-t-on. «L'engagement du Maroc à mobiliser 80 000 hommes et à construire un périmètre défensif au cours des deux dernières années s'est avéré efficace pour défendre le territoire contre les attaques des 3 500 hommes du Polisario. De plus, l'union politique du roi Hassan II avec la Libye a créé une nouvelle menace potentielle sur la frontière orientale de l'Algérie, et l'Algérie devra désormais envisager une éventuelle action hostile de la Libye si elle devait se retrouver mêlée au Maroc dans une crise.» CIA Dans ce contexte, l'Algérie a entrepris diverses manœuvres. Mais la CIA retient que ces stratégies sont restées «souvent contradictoires» et axées sur les possibles manières de contrer les revers diplomatiques et militaires sous le président Bendjedid.