La coalition associative Printemps de la dignité a fustigé la non mise en œuvre effective de dispositions égalitaires, six mois après l'adhésion du Maroc à deux protocoles de l'ONU. L'occasion des 16 jours de lutte contre les violences faites aux femmes a été de mettre en garde sur les inégalités qui s'accentuent. Les 16 jours de lutte contre les violences faites aux femmes pour l'année 2022, initiés par l'ONU, sont l'occasion pour faire le point sur la protection contre les discriminations fondées sur le genre. Au Maroc, la coalition associative Printemps de la dignité a saisi «particulièrement les responsables politiques, juridiques, sécuritaires et les différentes parties prenantes», pour commencer ce bilan par les retombées de l'adhésion du royaume au protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égards des femmes (CEFED) et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Depuis cette initiative, en avril dernier, l'application de ces instruments «au niveau politique, juridique ou procédural» a été le grand absent, selon le collectif, qui a publié ses remarques, ce vendredi 25 novembre. Dans le même sens, la coalition a dit exprimer «sa colère», au vu de la situation des femmes qui n'est plus seulement au point mort, mais qui se détériore, en raison de nombreux facteurs. Printemps de la dignité énumère ainsi «les régressions des droits des femmes, face à la crise résultant de la Covid-19, de la sécheresse, de la hausse exceptionnelle et continue des prix, de la cherté de la vie, ainsi que de l'atteinte aux droits et au libertés, du fait d'un arsenal juridique qui perpétue les discriminations et légitime la violence, et des mécanismes, des programmes et des politiques publiques et territoriales qui aggravent la vulnérabilité et renforcent l'injustice sociale». Le collectif d'associations tient «le désintérêt du gouvernement» comme essentiellement responsable du renforcement de ces inégalités, tout en pointant «l'exclusion des revendications du mouvement féministe du calendrier des priorités de l'exécutif, ce qui indique l'absence d'une volonté réelle d'une réforme législative et institutionnelle fondée sur l'interdiction des discriminations, la criminalisation de la violence, la prise en charge des victimes et qui met un terme à l'impunité des agresseurs». Khadija Rebbah : «Une révolution de réformes des lois est urgente pour changer les mentalités» [Interview] Divergence des méthodologies entre exécutif et ONG Les divergences entre le tissu associatif féministe et le gouvernement ont particulièrement été pointées, il y a quelques semaines, par une vingtaine de structures ayant participé au débat initié par le ministère de la Justice, sur les réformes des dispositions régissant le mariage. Printemps de la dignité, parmi les signataires d'une déclaration collective, a notamment souligné la démarche du département qui tend à «fractionner» des questions nécessitant une approche globale, notamment en termes d'interdiction du mariage des mineures, de réflexion sur le partage des biens ou encore de l'héritage. Revenant au mariage des mineures, dans cette nouvelle note, Printemps de la dignité rappelle que 12 600 contrats ont été conclus pour des filles de moins de 18 ans au cours de l'année 2022, au niveau des tribunaux de famille. Par ailleurs, elle évoque «la détérioration des conditions économiques des femmes», sur la base du dernier rapport du Haut-commissariat au plan. Selon les chiffres actualisés, 3,2 personnes supplémentaires ont basculé dans la vulnérabilité et la pauvreté, dont une majorité de femmes. Faute de «mécanisme de prise en charge sociale, beaucoup d'entre elles cherchent une opportunité d'emploi à l'étranger et mettent leur vie en péril en empruntant des embarcations de fortune (embarcations de la mort) ou en cherchent désespérément à décrocher un contrat de travail à l'étranger», rappelle la coalition. Cette dernière évoque aussi la violence à l'égard des femmes et des filles sous toutes ses formes, dans l'espace privé ou public, comme en ont témoigné les révélations à ce sujet dans le milieu universitaire. «On se rappelle aussi l'exploitation sexuelle, le viol, dont a été victime une enfant appelée Mariam, le 8 septembre 2022, dans la commune de Boumia, région de Midelt, et qui a eu pour conséquence une grossesse non désirée suivie d'un avortement clandestin qui a entrainé sa mort», rappelle la même source. Maroc : La loi sur l'avortement, une urgence pour les ONG Selon Printemps de la dignité, les responsables gouvernementaux concernés «manquent de vision claire en ce qui concerne la promotion des droits des femmes». Dans ce contexte, la coalition appelle à «faire de la mise en œuvre du nouveau modèle de développement une opportunité pour éliminer la discrimination et la violence à l'égard des femmes, ce qui ne peut être atteint que par l'adoption d'une véritable politique publique sensible au genre dans tous les domaines». La coalition appelle aussi à l'amendement de la loi 103.13 relative à la lutte contre la violence faite aux femmes et «la promulgation d'une loi globale prévoyant la diligence voulue de l'Etat et garantissant la prévention et la protection des femmes contre la violence, la punition des agresseurs la prise en charge des victimes». Une réforme «globale et radicale du Code pénal, du Code de la procédure pénale» et du celui de la famille sont également nécessaires, afin de «garantir la protection des libertés individuelles, la dignité humaine des femmes, la sécurité des citoyens et citoyennes sans discrimination fondée sur le sexe», selon le collectif. Ce dernier insiste, par ailleurs, sur «la dépénalisation de l'avortement médicalisé et son organisation dans le cadre d'une politique publique de la santé, qui prend en compte la dimension juridique, la dimension de la santé et la dimension de l'éducation et de la sensibilisation», en plus de la ratification de la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et conte la violence domestique, ou encore celle de la Convention 190 pour l'élimination de la violence et du harcèlement sexuel sur les lieux du travail.