Confronté à l'inertie de la justice marocaine au sujet d'une affaire qu'il a pourtant gagné à deux reprises, un MRE belge se demande si un jour il pourra récupérer tout ou parti des 11 millions de dirhams qu'il a investi dans un hôtel en 2009. Une histoire qui prouve de nouveau le décalage entre la volonté politique marocaine et sa concrétisation en mesures effectives sur le terrain. Récit des faits. Excédé, dégoûté, révulsé, trahi…. Les mots ne manquent pas pour décrire l'état d'esprit dans lequel Al Hossain Azdad se trouve actuellement. Ce MRE de Belgique, médecin de profession, le fait d'ailleurs savoir ouvertement : dégoûté, il ne remettra «plus les pieds au Maroc (…) avant d'avoir été rétabli dans son bon droit». Le bon droit auquel M. Azdad fait référence, c'est tout simplement celui d'avoir répondu naïvement à «l'appel lancé par les autorités marocaines exhortant les MRE à participer au développement économique de leur pays» il y a trois ans et de s'être retrouvé plonger, pour cette raison précise, au milieu d'un cauchemar juridique dont il n'entrevoit toujours pas la porte de sortie. Récit des faits Tout commence en 2009 pour ce quinquagénaire installé dans la petite ville de Seraing, en Belgique. Alors que les autorités marocaines multiplient les appels du pied à l'attention des MRE d'Europe pour les inciter à participer au développement économique du Maroc, M. Azdad décide d'apporter sa pierre à l'édifice et investit un million d'euros (11 millions de dirhams) dans un petit hôtel situé dans la région d'Al Hoceima. «Les économies de toute une vie» précise-t-il. Au départ, tout va pour le mieux. L'affaire tourne bien, le petit hôtel se faisant même une solide réputation sur le marché local. Mais en 2011, esquinté par les divergences récurrentes qui l'opposent à ses associés, M. Azdad décide de quitter la gérance de l'hôtel et de reprendre ses billes. Un repreneur propose alors de lui racheter ses parts pour 4 millions de dirhams. «C'est à partir de là que tout s'envenime avec mes associés qui s'y opposent fermement en recourant à tous les moyens» confie-t-il à l'Economiste, depuis son cabinet de Seraing. Il tente alors de trouver une solution à l'amiable avec ses adversaires en leur proposant une compensation financière mais ces derniers refusent et n'hésitent pas à recourir aux menaces et à l'intimidation pour le dissuader de vendre ses parts. Les relations continuent de se détériorer. Ayant atteint un point de non-retour, M. Azdad n'a plus le choix : il s'en remet alors à la justice marocaine. La descente aux enfers ne s'arrête pourtant pas là. Après plusieurs mois de procès, le tribunal de Fès (duquel dépend Al Hoceima) se prononce par deux reprises en sa faveur : une première fois, en première instance, dans un arrêt daté du 11 février 2011, et une seconde fois, en appel, huit mois plus tard, précise le quotidien marocain. Mais voilà que depuis l'annonce de ce second verdict, plus rien. Pas de dédommagement, ni de compensation, ni de mouchoirs pour pleurer. Rien. M. Azdad attend encore à ce jour que le jugement soit exécuté. En vain. Incohérence entre discours politique et réalité sur le terrain Excédé, le docteur ne cache pas son incompréhension face à l'incohérence des gouvernants marocains qui, d'un côté, multiplient les discours visant à encourager les MRE à investir dans leur pays d'origine mais qui, de l'autre, répondent aux abonnés absents dès lors qu'il s'agit de leur venir concrètement en aide. Et l'actualité récente ne lui donne pas tort. Pas plus tard que le 10 août dernier, le premier ministre, M. Abdellilah Benkirane, accompagné de 12 de ses fidèles sbires, n'inaugurait-il pas en grande pompe la journée spéciale des MRE à Rabat ? Le message transmis s'y voulait pourtant clair : prouver que les gouvernants du pays sont à l'écoute de la diaspora marocaine, et notamment de leurs préoccupations vis-à-vis des dysfonctionnements de l'appareil judiciaire marocain. Or, voilà que ces mêmes gouvernants sont aujourd'hui confrontés à un cas d'espèce des plus emblématiques et plus personne n'est là pour y répondre. Faut-il rappeler à M. Benkirane qu'une relation de confiance ne s'ébauche pas à coup de discours bien huilés mais qu'elle se construit sur la durée, par des actions concrètes? En attendant que les pouvoirs politiques marocains comprennent cela, Al Hossain Azdad poursuit son combat. Il a saisi le ministère délégué chargé des MRE et le Médiateur. Affaire à suivre…