L'Association marocaine des droits humains (AMDH) a présenté, ce mercredi à Rabat, son rapport concernant les violences ayant accompagné la tentative de traversé de la clôture de Melilla, le 24 juin, par près de 2 000 migrants. Alors que le bilan officiel fait état de 23 morts, l'ONG maintien celui de 27, tout en réfutant l'hypothèse d'une action coordonnée par les réseaux de trafic. L'Association marocaine des droits humains (AMDH) a maintenu le bilan faisant état de 27 morts parmi les migrants, qui ont fait partie des 2 000 ressortissants étrangers ayant tenté de traverser la clôture de Melilla, le 24 juin dernier. «Nous avons déjà donné ce chiffre lorsque les autorités ont fait état d'un premier bilan provisoire, revu après à la hausse à 23», a indiqué ce mercredi Omar Naji, membre de l'AMDH-Nador et chargé du volet migration et asile. «Les sources concordantes auxquelles nous avons eu accès concluent qu'il y a bien eu 27», a-t-il insisté, en présentation du rapport de l'ONG sur le drame survenu ce jour-là. Selon le bilan officiel, 77 autres migrants et 140 membres des autorités marocaines ont été blessés. «Pour la première fois lors d'une tentative de passage frontalier à Melilla, les forces marocaines ont cerné les migrants, sans leur laisser d'issue pour leur donner la possibilité de revenir en arrière et regagner leurs campements, comme cela s'est toujours fait», a souligné l'association. Selon elle, «l'usage excessif de gaz lacrymogène» des côtés marocain et espagnol, ainsi que «l'encerclement des ressortissants sur une superficie étroite au pied de la clôture» auraient eu un rôle dans l'effet de bousculade et d'asphyxie, ayant conduit à la mort des premières victimes. Les réseaux de trafic «investissent souvent le passage en mer» Concernant la tentative d'enterrement au cimetière de Sidi Salem, à la suite du drame du 24 juin, l'AMDH a indiqué que sa section locale avait alerté contre une initiative «des autorités sans identification et sans autopsie». L'ONG souligne avoir «constaté une présence inhabituelle d'agents d'autorités (Pacha de Nador, Caid du quatrième arrondissement et plusieurs auxiliaires d'autorité) en train de superviser le creusement de 21 tombes dans le carré réservé aux migrants». «L'un des responsables du cimetière a déclaré à l'AMDH-Nador en avoir reçu l'ordre», retient le rapport. Celui-ci ajoute que la publication de photos et la mobilisation qui a suivi «ont sans doute poussé les autorités à abandonner cette action, après avoir finalisé le creusement de 16 tombes seulement». Le drame de Nador – Melilla questionne le partenariat migratoire Maroc-UE (CNDH) Outre la reconstitution des faits, avant, pendant et après le 24 juin, le rapport est revenu sur l'hypothèse d'action coordonnée et de l'éventuelle implication de réseaux de trafic d'êtres humains. «La migration par saut à travers la barrière de Melilla a toujours été une migration gratuite ouverte à tous les demandeurs d'asile qui y adhèrent sur décision personnelle», en s'installant dans les campements de forêt, estime l'ONG. Celle-ci rappelle que c'est «la voie de migration qui a toujours attiré les migrants qui n'ont pas les moyens financiers pour payer une place dans un convoi en mer». «Le jour du 24 juin, les migrants dont la majorité est soudanaise, sud-soudanaise et tchadienne, ont été rejoints sans aucune contrainte par d'autres migrants de nationalités burkinabé, guinéenne, sénégalaise et autres pour participer à cette tentative», indique encore l'AMDH. Dans un rappel historique, elle souligne que «la migration par mer des subsahariens, qui est payante et complètement sous la main de réseaux de trafiquants, n'est apparue à Nador que depuis 2017, directement après la finalisation des travaux de construction de la quatrième barrière de Melilla à lames tranchantes». «Devenue difficilement infranchissable avec une militarisation accrue de cette frontière, la migration s'est orientée vers la voie marine», explique l'ONG. A partir de 2017, l'organisation a constaté «la réorientation de la migration des subsahariens vers la voie marine contrôlée par les réseaux de trafiquants». Elle a estimé que ce changement «n'était que la conséquence des politiques migratoires européennes et marocaines qui, en rendant la barrière presque infranchissable, ont surtout favorisé l'installation d'un marché de la migration sous la main de réseaux de trafic et de traite». Des violences de l'autre côté de la clôture Dans un autre registre, l'AMDH a estimé à presque 100 le nombre de demandeurs d'asile refoulés à chaud de l'autre côté de la clôture de Melilla, au cours des événements du 24 juin. Elle a dénoncé, dans ce sens, des violences de la part des agents espagnols et marocains, lesques «ont pénétré au-delà de la barrière pour les récupérer». ONU : Le HCDH appelle l'Espagne et le Maroc à faire une enquête «efficace et indépendante» «L'AMDH-Nador ne peut pas confirmer que parmi les 100 demandeurs d'asile refoulés à chaud, aucun n'a trouvé la mort par la suite avant ou après avoir été récupéré par les forces marocaines. Les autorités de Melilla, si elles se disent transparentes, doivent divulguer les données des caméras de surveillance et de l'hélicoptère qui survolait la zone», a plaidé l'association dans son rapport. «La responsabilité des autorités espagnoles est totale concernant le non-respect du droit d'asile et les violences subies par les 100 demandeurs d'asile refoulés», a ajouté la même source, qui a déploré l'absence d'une enquête indépendante afin de «définir clairement les responsabilités».