À l'approche de l'examen du rapport périodique du Maroc par le Comité CEDAW au sein du Haut-commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU, l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) a présenté le rapport parallèle des ONG en la matière. Elle insiste pour que la récente adhésion du pays aux mécanismes onusiens contre les inégalités de genre soit suivie d'actions. Le 21 juin prochain, le rapport périodique national du Maroc sera examiné par le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, au sein du Haut-Commissariat aux droits de l'Hommes à Genève (Suisse). En attendant, des ONG dans le pays ont soumis leurs rapports parallèles à l'instance onusienne. Ce mercredi 25 mai, l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) a dévoilé son rapport parallèle aux cinquième et sixième combinés du gouvernement. Il est désormais consultable sur le site du Haut-commissariat. Pas moins de 33 organisations et coalitions associatives ont contribué à sa rédaction. «Nous avons commencé par soumettre un rapport préliminaire en préparation de la pré-session, pour orienter les questions à travers lesquelles ce rapport final sera examiné», a déclaré à Yabiladi Amina Lotfi, présidente du bureau de l'ADFM à Rabat. Ce premier document «informe le comité de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes (CEDEF) sur l'appréciation des avancées du Maroc par les associations féministes», a-t-elle ajouté. «Le rapport national du Maroc va être examiné en juin prochain. Nous allons nous y rendre à Genève et nous avons des rencontres informelles avec les membres du comité de la CEDEF. Cela permet d'orienter les questions et les remarques, sur la base des recommandations faites par l'ONU au Maroc concernant le troisième et le quatrième rapport. Le gouvernement donne ses réponses et nous faisons nos constats de notre côté, en tant que société civile», a encore souligné la militante. Khadija Rebbah : «Une révolution de réformes des lois est urgente pour changer les mentalités» [Interview] Des revendications réitérées plus que jamais Amina Lotfi indique à Yabiladi que «ce rapport regroupe les revendications portées par le mouvement féministe depuis 2008 et qui n'ont cessé d'être réitérées, mais surtout celles portées de 2011 à nos jours». D'ailleurs, «toutes les associations féministes au Maroc ont un jour ou l'autre mobilisé, communiqué, sensibilisé, plaidé, produit des mémorandums, aussi bien pour la lutte contre les violences que pour la mise en place de mécanismes de recours, ou encore donné des appréciations sur les projets de loi, notamment 103.13 dans sa phase d'examen ou encore celui relatif à l'autorité pour la parité et la lutte contre les discriminations», a-t-elle rappelé. Cette initiative s'inscrit en effet dans le cadre de la dynamique #HarmonizationNow, portée par des organisations féministes et de droits humains au Maroc. Elle intervient aussi après le dépôt par le Maroc des instruments d'adhésion au Protocole facultatif à la CEDEF auprès du Secrétaire général des Nations unies, le 22 avril dernier. L'ADFM rappelle que cette action parachève l'adhésion à ce protocole et sa publication au Bulletin officiel du 17 août 2015. Il s'agit d'un «outil essentiel», selon Amina Lotfi, qui plaide incessamment pour «renforcer la défense des droits des femmes et faire face aux violations individuelles et collectives qui les affectent». «Bien que cette décision constitue une réponse tardive aux nombreuses interpellations du mouvement des femmes qui appelle depuis plusieurs années à la levée des réserves du Maroc à la Convention et l'adhésion à son Protocole facultatif, et malgré que le Maroc n'ait pas encore retiré ses déclarations interprétatives sur des dispositions clés de la Convention», Harmonization Now salue la décision. Pour elle, c'est «une avancée aussi bien pour les droits des femmes marocaines que pour le Maroc». Maroc : Le droit à la terre illustre l'addition des inégalités que vivent les femmes [Interview] Dans ce même contexte, la dynamique a appelé l'exécutif marocain à «lever ses déclarations interprétatives sur le quatrième paragraphe de l'article 15 et le deuxième paragraphe de l'article 2 et à harmoniser les lois nationales avec les dispositions et l'esprit de la Convention à travers la mise en place de mesures et de procédures juridiques, institutionnelles et réglementaires». Une approche globale pour éliminer les inégalités Auprès de Yabiladi, Amina Lotfi fait part de son optimisme, tout en sachant raison garder. «Nous n'avons pas beaucoup avancé, ces dix dernières années et nous avons connu le pire. Les petites réformes de cette dernière décennie sont incomplètes et ne protègent pas les femmes assez, à commencer par la loi 103.13 dans sa formule actuelle», indique la militante. «Nous restons optimistes, car nous avons un cadre de référence – la Constitution – qui prône la primauté du droit international et des engagements internationaux du Maroc. Il y a un Nouveau modèle de développement, au sujet duquel nous avons formulé nos remarques exhaustives. Mais il faut être conscient du fait que, comme nous le réitérons à plusieurs reprises, il ne peut y avoir de développement durable sans le respect des droits des femmes et de l'égalité hommes-femmes.» Amina Lotfi - présidente de l'ADFM-Rabat Maroc : La consécration des droits des femmes n'efface pas encore les disparités de genre Dans le même registre, le rapport parallèle insiste aussi sur la mise en œuvre de «mesures provisoires spéciales destinées à garantir l'équité et l'égalité hommes-femmes, en conformité avec la Constitution et l'article 4 de la CEDEF». La lutte contre ces inégalité passera, entre autres, par une reconnaissance aux femmes du «droit de transmettre leur nationalité à leur époux étranger dans les mêmes conditions exigées pour les hommes». Il s'agit également d'abroger les dispositions discriminatoires du Code pénal, ainsi que de réformer globalement le Code de la famille, pour en faire un texte égalitaire. Outre les volets relatifs aux différentes formes de violences faites aux femmes, le rapport s'est saisi de la question de la participation politique des femmes, de l'accès à l'éducation et à la formation, à l'emploi, aux services de santé, à l'autonomie financière et aux inégalités au regard des textes de loi.