Décidément la grande mosquée Mohamed VI de Saint-Etienne fait couler beaucoup d'encre ces derniers mois dans la presse française. Après la polémique créée en juin au sujet de l'éviction de l'imam de la mosquée Mohammed El Adly (cf notre article), le lieu de culte stéphanois est la proie d'une nouvelle polémique. Cette fois-ci il s'agit de la décision de céder la gestion de la mosquée à l'Etat marocain, une décision qui crée la colère chez certains élus locaux et fidèles algériens. Ca y est c'est officiel. La grande mosquée Mohamed VI de Saint-Etienne est devenue entièrement marocaine. Inaugurée seulement le 19 juin dernier et d'une superficie de 1400 m2, le lieu de culte est devenu la propriété de l'Etat marocain, après avoir été cédé au ministère des Affaires islamiques. Une décision prise lors de l'assemblée générale de l'association centre socioculturel marocain de la ville française, rapporte ce samedi le Progrès.fr. La raison de cette cession est que l'association qui gère la mosquée n'a pas les moyens financiers nécessaires pour la faire fonctionner. Ces frais sont estimés par le conseiller du recteur de la mosquée à 500 000-600 000 euros par an afin de payer les frais d'électricité, l'eau, le chauffage, les impôts locaux, le salaire de 7 employés dont un imam mais aussi pour organiser des conférences et des rencontres internationales. C'est donc le ministère marocain des Habbous qui prendra en charge ces frais après que le Maroc ait financé une grande partie de la construction de cette mosquée, soit 5 des 8 millions d'euros injectés. Le reste a été financé par des dons provenant de fidèles stéphanois. Cette cession à l'Etat marocain est vécue comme un véritable soulagement pour l'association qui se voit retirer une épine du pied. Colère des fidèles algériens Néanmoins, tout le monde n'est pas ravi que le Maroc mette la main sur le lieu de culte. Certains craignent que cette mosquée devienne une enclave marocaine en plein Saint Etienne. Les premiers à s'insurger contre cette décision sont Stéphanois, notamment le groupe municipal d'opposition Union pour l'avenir des Stéphanois, composé de membres de l'UMP et du Parti radical. «Nous avons besoin de construire un Islam de France et non un Islam en France, il est donc indispensable de clarifier cette situation afin de comprendre l'étendue exacte des prérogatives accordées au Royaume du Maroc [...] Nous demandons à Monsieur le Maire de constituer rapidement une commission de travail, où seraient invités tous les Présidents des différents groupes politiques de notre conseil municipal et les représentants de l'Etat, afin que des réponses précises soient apportées aux élus de notre ville, garants de l'ordre républicain.», réclame Union pour l'avenir des Stéphanois. Cependant ces élus locaux de Saint-Etienne ne sont pas les seuls à craindre une main mise du Maroc sur la mosquée. Les fidèles d'origine algérienne n'en reviennent toujours pas car eux aussi ont contribué à la construction de la mosquée en versant des dons. Ils voient cette cession comme une trahison. Le Progrès.fr explique dans son article avoir reçu un témoignage d'un fidèle algérien confiant que plusieurs membres de la communauté algérienne de la ville vont exiger de se faire rembourser leurs dons versés pour la construction de la mosquée. Mosquée devenue enclave marocaine en France Certains recteurs des autres grandes mosquées sont également mal à l'aise à l'idée de voir un pays s'ingérer dans les affaires d'une mosquée située sur le sol français. Dans une interview parue hier 7 septembre, le Progrès a interrogé Kamal Kabtane le recteur de la grande mosquée de Lyon pour savoir ce qu'il pensait de cette cession. «C'est en fait assez gênant. La mosquée de Saint-Etienne va devenir une enclave étrangère sur le territoire français. Quel sera alors son statut juridique ? Quelles lois s'appliqueront pour cette institution ? On parle d'un Islam de France à construire. Ce n'est pas avec ce genre décisions que nous allons avancer dans la sérénité. Et puis, il faut penser à tous les fidèles qui ont donné de l'argent pour l'édification de cette mosquée. Peut-être des Algériens, peut-être des Turcs, à qui on dit aujourd'hui que le principal lieu de culte musulman du département de la Loire appartient au Maroc», a-t-il déclaré. A la question de savoir qui finançait la mosquée de Lyon, il répond que la mosquée est indépendante dans son fonctionnement. «Même si le roi d'Arabie Saoudite a financé la mosquée à hauteur de 80 % à l'époque. Il nous a beaucoup aidés en versant plus de trois millions d'euros, mais jamais le pays ne s'est immiscé dans la gestion.», a-t-il précisé. De son côté, la direction de la mosquée tempère affirmant que la Mosquée Mohammed VI restera «un lieu de prière pour tous» et que «tout le monde, quelle que soit sa nationalité, peut venir prier dans cette mosquée».