Une étude sur les intentions de migration des étudiants marocains en dernière année de médecine a montré que les jeunes praticiens sont nombreux à envisager d'exercer à l'étranger. Cette tendance risque de creuser davantage le ratio médecins-habitants, qui est déjà en deçà de la moyenne recommandée. Au Maroc, le ratio de médecins par habitants est de 7,3 pour 10 000, soit près de la moitié de la moyenne mondiale recommandée qui est de 15,3. Plusieurs facteurs expliquent cette donnée, notamment le fait qu'un tiers des médecins marocains soient installés à l'étranger. Cette situation pourrait s'aggraver à l'avenir, si tous les étudiants qui songent à exercer hors du pays en fin de leur cursus migrent de manière effective. Une étude parue dans la revue scientifique European Journal of Public Health sur la prévalence des intensions de migration chez les futurs praticiens en dernière année de leur cursus a permis récemment d'estimer ce chiffre et de décrire le profil de celles et ceux qui souhaitent migrer. Elle a montré que 70,1% des futurs praticiens avaient l'intention de quitter le pays. Les femmes sont les plus nombreuses, représentant 63,6% du chiffre global. La majorité écrasante voit son avenir là où il y a de meilleures conditions Cette étude transversale a été menée du 1er au 31 janvier 2021 par cinq chercheurs du Laboratoire d'épidémiologie, à Faculté de médecine et de pharmacie relevant de l'Université Hassan II de Casablanca. Elle s'est basée sur les réponses de 251 étudiants de dernière année dans le même établissement. 97,6% des répondants ont expliqué leur ambition de faire carrière à l'étranger, en raison d'une meilleure formation disponible. 99% ont invoqué de meilleures conditions de travail et 97,2% expliquent leur choix par une meilleure qualité de vie dans le pays d'accueil. Dans un autre registre, 95,2% des étudiants ont eu l'intention de quitter le Maroc car ils se sont dits insatisfaits, tandis que 97% ont exprimé leur insatisfaction du salaire. Pour 83,6%, le dénigrement du corps médical dans les médias a expliqué leur choix. L'Allemagne a représenté la destination favorite pour 34% des futurs praticiens. Les chercheurs ont indiqué n'avoir trouvé «aucune association significative entre l'intention de migrer et le profil socio-économique des étudiants», ce qui doit constituer un signal d'alerte sur l'avenir des ressources humaines dans le système de santé au Maroc. En effet, «l'intention de migration des étudiants finaux en médecine est l'un des indicateurs clés de l'avenir du système de santé du pays», ont-ils noté. Pour eux, «la réduction de la migration des étudiants en médecine est cruciale pour construire et maintenir un système de santé solide». L'avenir du système de santé risque d'être impacté Dans leur étude, les cinq chercheurs ont insisté sur le fait que les décideurs politiques en charge du secteur de la santé «devraient améliorer les conditions de travail, la qualité de la formation et le salaire des professionnels médicaux afin de réduire la migration des étudiants en médecine». Ce constat rejoint les déclarations du ministre de tutelle, Khalid Ait Taleb, qui a prôné début janvier une augmentation progressive du budget de son département pour une réforme globale. Maroc : Khalid Ait Taleb promet une augmentation du budget de la santé Selon le ministre, les moyens humains manquent considérablement, dans un pays qui a déjà besoin de 32 000 médecins et de 65 000 infirmiers pour couvrir la pénurie en termes de ressources humaines. «Nous sommes en train de voir comment y remédier, lorsqu'on sait que les postes budgétaires ne sont plus attractifs et qu'on n'arrive plus à fidéliser nos lauréats», a-t-il indiqué, ajoutant que le ministère préconise «un statut particulier de la fonction sanitaire». Ait Taleb a par ailleurs prôné «une politique d'incitation et de décloisonnement entre le public et le privé, avec un régime de rémunération différent, un salaire fixe et un salaire variable pour ceux qui travaillent plus, une révision de la formation en quantité et qualité, ainsi que des indemnités d'éloignement et de garde». Dans cette configuration, il a notamment évoqué la possibilité de recourir à des capacités humaines étrangères ou au sein des Marocains du monde. Depuis août 2021, tout praticien exerçant l'étranger et souhaitant exercer dans le royaume doit seulement être déjà inscrit au conseil de l'Ordre des médecins dans le pays de résidence ou d'étude, sans seuil minimal d'années d'expérience.