Le plan de sauvetage proposé par le fonds d'investissement italien prêt à soutenir la Comanav n'a toujours pas été réalisé, faute de conditions réunies. Les dirigeants de la Comarit perdent patience et ont décidé de recourir à un redressement judiciaire afin de poursuivre les négociations dans un climat plus serein. Le dénouement de l'Affaire Comarit tarde à se réaliser et Ali Abdelmoula, PDG de la Comarit, estime que «cette situation d'attente n'est plus acceptable». La compagnie a engagé une demande de mise en redressement judiciaire. Cette procédure permettra «de mettre les sociétés Comarit et Comanav Ferry sous la protection de la justice, et après la désignation d'un administrateur judiciaire, de mettre en place un plan de continuité», explique Ali Abdelmoula dans sa dernière lettre adressée à l'ensemble de ses collaborateurs le 27 juillet dernier. Ce plan de continuité pourrait s'appuyer sur l'offre du fonds d'investissement italien formulée dernièrement, mais toujours pas concrétisée. A défaut, il pourrait se baser sur un «projet indépendant qui devrait être proposé par un groupe de fournisseurs disposés à capitaliser leurs créances et monter un tour de table selon des modalités à définir», indique Abdelmoula dans sa lettre. Mais cette dernière hypothèse s'avère peu fiable. Les banques jusqu'ici ont refusé de se prêter à tous les plans de sauvetage proposés, vu que les dettes de l'entreprise sont déjà extrêmement importantes. Patrimoine réduit en miettes L'actif et le passif de la Comarit, tels que publiés par le site Maritime News, comptent principalement : - 11 navires immobilisés : Al Mansour, Marrakech, Marrakech Express, Mistral Express, Ibn Battouta, Boughaz, Banassa, Bni Ansar, Berkane, Biladi, Bissat, Boraq - 7 mois de retard dans le paiement des salaires et de cotisations sociales pour plus de 1800 salariés (cette période ne représente qu'une moyenne, sachant que de nombreux employés n'ont pas perçu leurs salaires depuis novembre 2011 et les cotisations sociales de certains n'ont pas été versées depuis près de deux ans. - 400 Millions de DHS de dettes fournisseurs - 1,2 Milliards de DHS de dettes Bancaires En plus de tout cela, le groupe fait également face à une autre menace, celle de se voir retirer par l'autorité compétente des autorisations d'exploitation des lignes dont il détient la jouissance, et cela pour défaut du respect de l'engagement de performance souscrit dans le cahier des charges. Pas de sortie de crise «avant l'automne prochain» Pour une fois, Ali Abdelmoula semble vouloir jouer la carte de la franchise avec ses collaborateurs. Dans sa lettre, il reconnait que le rétablissement de la Comarit ne se fera pas tout de suite. «[…] Je me dois de vous dire que, compte tenu de la complexité du dossier, la sortie de crise ne devrait pas intervenir avant l'automne prochain», écrit-il. Donc les hommes de mer vont devoir prendre encore leur mal en patience. Après le rapatriement des marins bloqués à Sète, ceux d'Algeciras ont pu retourner au Maroc en juillet. Il ne reste plus à présent que ceux d'Alméria qui sont toujours à quai dans le port espagnol. Tous espèrent un dénouement heureux de la situation au risque de voir leur carrière professionnelle voler en éclats. Aziz Rebbah, ministre des transports pensait à attribuer les différentes lignes maritimes marocaines à des compagnies étrangères à conditions qu'elles récupèrent les marins de la Comarit. Mais ceci reste encore une question difficile. Déjà, GNV qui assure actuellement les lignes entre la France et le Maroc avait refusé de prendre les membres d'équipage de l'armateur marocain. Actuellement, le plus important pour la Comarit c'est de réaliser son redressement judiciaire afin de poursuivre les négociations dans un climat plus serein. Le tribunal de commerce de Tanger statuera sur l'ouverture de la procédure au plus tard dans les 15 jours suivant sa saisie, après avoir recueilli les témoignages nécessaires des dirigeants. Taoufik Ibrahimi épinglé par un anonyme Une lettre anonyme a été déposée sur le pas de porte du domicile de Taoufik Ibrahimi, ex-DG de la Comanav, deux semaines après son arrestation. La lettre, dont L'Economiste détient la copie en français, parle de fond en comble de la crise Comarit sans citer explicitement l'actuel propriétaire du groupe. L'auteur accuse M. Ibrahimi d'avoir « manœuvré pour alimenter les foyers de tension » dans le secteur maritime. Il évoque de supposées manigances en vue de maintenir le statu-quo via le blocage des ferries Biladi, Marrakech et Bni Nsar au port de Sète. L'auteur accuse également Taoufiq Ibrahimi d'avoir « servi les intérêts des compagnies espagnoles qui trustent » le transport maritime liant le Maroc à l'Espagne, en fournissant des informations aux opérateurs ibères sur l'évolution de l'affaire Comarit. Main invisible des services de sécurité ou règlement de compte ? L'on ne saurait le dire. Taoufik Ibrahimi est actuellement poursuivi dans le cadre de sa gestion du port de Tanger, lorsqu'il en était le président du directoire entre 2010 et avril 2011. Selon les avocats de la défense, il faudrait éviter tout « amalgame ». Ces derniers considèrent qu'il n'existe aucun « lien avéré » entre Comarit et Tanger Med. D'autant que « le dossier d'accusation ne remet pas en cause la gestion de la Comanav par Ibrahimi : ni malversation, ni détournement ».