‘Navires saisis dans les ports pour redevances non acquittées puis vendues aux enchères, salaires non payés depuis plus de deux ans et endettement bancaire entre crédits long terme et lignes de fonctionnement atteignant 2 milliards de DH. On comprend pourquoi la Comarit a fini par être liquidée.' Triste fin pour celle qui a été l'une des plus grandes compagnies maritimes du pays. Malgré tous les efforts entrepris, rien n'a pu sauver la Comarit du chavirement. En effet, les multiples délais accordés (15 mois au total) pour la mise sous redressement judiciaire n'ont pas permis au groupe présidé par Abdelali Abdelmoula de redresser la barre. Des rumeurs récurrentes ont circulé sur une éventuelle reprise de l'activité et sur l'arrivée d'investisseurs pour remettre la boîte à flot, mais aucun vrai plan de sauvetage n'a vu le jour. Le 17 juillet dernier, le tribunal de commerce de Tanger a rendu son verdict définitif dans l'affaire de redressement judicaire du groupe Comarit. Ainsi, la juridiction a déclaré la liquidation judicaire du Groupe Comarit-Comanav Ferry et de Abdelali Abdelmoula, 65 ans, PDG du groupe. « La liquidation judiciaire du gérant de la société veut dire la liquidation de ses biens personnels », explique Khalid Dahdouh, avocat des victimes de la Comanav ferry-Comarit. Le tribunal a fixé le début du délai de non-paiement à partir du 19 mars 2011. Il a aussi nommé un juge délégué et un syndic pour assister l'opération de liquidation. Le tribunal a aussi ouvert la voie pour les créanciers afin de déclarer leurs droits auprès du syndic nommé en soumettant les justificatifs et ce, dans les deux mois suivant la publication de l'avis de liquidation au Bulletin officiel. Pour rappel, la rapide descente aux enfers de la Comarit a commencé en janvier 2011 après la saisie conservatoire de son premier ferry au port de Sète en France. Un vent de panique a pris alors les créanciers et d'autres saisies ont suivi en Espagne et au Maroc aussi. La société a demandé et obtenu, en juillet 2012, à être placée en redressement judiciaire pour être finalement liquidée deux ans après. Selon certaines estimations, les créances de la Comarit pourraient atteindre le milliard et demi de dirhams, mais l'espoir de récupérer ne serait-ce une partie de ces dettes est bien faible. En effet, le gros des biens de la société est constitué de bateaux. Or la plupart font déjà l'objet de saisies conservatoires, certains ayant même déjà été vendus comme le Marrakech et le Bni Nsar... Parmi les autres biens figure le siège de la société, qui est situé en plein centre-ville. Il s'agit d'un bâtiment acquis il y a quelques années à 150 millions de dirhams et dont la valeur peut avoir doublé. Mais parmi les créanciers se trouvent des centaines de marins qui se sont retrouvés sans emploi et sans le sou, attendant une décision de justice qui tarde à venir. Vont-ils être enfin indemnisés ? « Nous disposons de presque 150 dossiers des marins de la Comarit déjà jugés et notifiés, mais non encore exécutés. D'autres sont en cours de jugement. Maintenant avec la liquidation de la Comarit, nous allons suivre la procédure », assure Dahdouh. Qu'en est-il alors des dossiers des employés de la Comanav ferry puisque ce n'est que la Comarit qui a été liquidée ? Dahdouh rétorque : « Presque 300 dossiers des marins issus de la comanav ferry ont été aussi jugés et notifiés contre Abdelmoula. Le problème c'est que nous n'avons pas trouvé de cahier de charges pour savoir si l'on peut poursuivre la maison mère. Ce document a disparu. C'est à Abdelmoula d'indemniser les personnes concernées ». En attendant, les marins, officiers et sédentaires de la Comanav ferry ne comptent pas rester les bras croisés. Ils viennent de créer une association en août dernier et comptent solliciter le ministère de tutelle ainsi que toutes les parties prenantes pour leur trouver une issue. Surtout que Rebbah leur a promis le lancement d'une nouvelle société d'armement nationale d'ici la fin d'année. « Nous continuerons à frapper toutes le portes pour voir si ces promesses vont être tenues ou pas », insiste Khalil. Ce dernier conclut, la mort dans l'âme : « Si on meurt et que le problème n'est pas résolu, ma fille pourrait défendre nos droits. Elle a 7 ans et veut devenir avocate pour me défendre dans cette affaire » ❚