Depuis que le Ministre de l'enseignement supérieur a annoncé la fin de la gratuité de l'enseignement supérieur, nous assistons à une levée de boucliers de tous bords : politiques, associatifs et syndicaux. Haro sur le Ministre indélicat qui porte atteinte à ce droit sacré : le droit à l'enseignement gratuit, l'obligeant à venir sur nos écrans pour exempter la classe moyenne après avoir exempté les démunis. A l'occasion, il nous a appris une expression pour désigner l'utilisation démagogique de la nouvelle : manger l'ail avec la bouche de l'autre, ce condiment étant connu pour son goût très fort. Merci Monsieur le Ministre. Pour revenir à notre propos, un simple coup d'œil autour de nous nous permet de voir que la gratuité de l'enseignement au Maroc est un leurre. A commencer par les garderies et les écoles maternelles. Pour avoir droit à leurs services, les parents doivent payer. Nous savons tous que les riches n'ont pas l'exclusivité de la procréation, loin s'en faut. Ainsi, les pauvres et la classe moyenne paient pour la garde et l'éveil de leur progéniture, l'Etat ayant déserté ces domaines. Qu'en est-il du droit à un enseignement obligatoire et gratuit de l'âge de 6 ans jusqu'à 15 ans? Fatigués de voir leurs enfants jouer le rôle de cobayes lors des différentes réformes plus démagogiques que pédagogiques, les parents, toutes classes confondues, optent pour un enseignement privé qui n'est pas forcément meilleur faute de contrôle sérieux. Hormis dans les campagnes, Ils paient l'école primaire et le collège de leurs enfants. Même les simples «smigards» se saignent pour cela. Il faudra interroger le Haut Commissariat au Plan sur les statistiques des familles qui envoient leurs enfants dans les écoles et les collèges privés. Ils seraient certainement édifiants. Peut-on parler de gratuité à ce niveau ? Seuls, les lycées voient leur gratuité appréciée par les parents qui n'ont pas les moyens de payer la scolarité du secteur privé qui, comme chacun le sait, va crescendo ou ceux qui n'ont pas pu franchir la forteresse des missions étrangères au pied desquelles ils étaient prêts à laisser piétiner leur dignité. Les parents se trouvent, alors, confrontés aux différentes grèves des enseignants, à leur absentéisme et à la dictature des cours particuliers. Nous voilà arrivés à la gratuité de l'enseignement supérieur qui elle est une réalité mais j'allais dire à quel prix ? Un enseignement devenu quasiment indigent suite à l'hémorragie causée par un départ volontaire favorisé par une décision gouvernementale irresponsable. Les meilleurs professeurs partis, sont restés des enseignants à de rares exceptions sans grande envergure et complaisants envers le «copier-coller» des étudiants qui fait des ravages dans nos universités. Ces dernières connaissent une autre tare : l'absentéisme des enseignants qui préfèrent consacrer leur temps aux expertises «sonnantes et trébuchantes» qu'aux cours pour lesquels ils sont rémunérés, quelques uns poussant l'outrecuidance jusqu'à s'absenter le jour des examens. S'inscrire en doctorat dans notre contrée, à son tour, relève d'une gymnastique douloureuse : passer à travers le tamis d'une école doctorale très souveraine qui fait de l'inscription presque une fin en soi et escamote ainsi l'aptitude à mener à bien une recherche scientifique. Cette école doctorale est une véritable entrave au développement de la recherche. Donc gratuité ou pas, l'enseignement supérieur au Maroc est en état de grande décomposition finissant de déformer les bacheliers qui y arrivent ne possédant ni l'arabe ni le français. Il en fait des personnes inaptes à s'adapter à la vie active moderne. Imposer des frais d'inscription pourrait peut-être aider à construire de nouveaux locaux universitaires ou à entretenir les anciens mais pourrait-il améliorer la qualité de l'enseignement ? Clairement non. Ne peuvent l'améliorer qu'une sérieuse évaluation des enseignants, l'encouragement, la valorisation et la promotion des meilleurs ainsi que la pénalisation de ceux qui ne respectent pas leur contrat, avec la publication de l'ensemble des résultats. La reddition des comptes devrait aussi viser les administratifs qui se cachent souvent derrière leur statut de fonctionnaire qu'ils pensent les exempter de toute obligation. Ils passent de grève en grève laissant les établissements livrés à leur sort. Les étudiants devraient, à leur tour, faire sienne la charte d'éthique que l'université est en droit de leur imposer à l'exemple d'autres pays. Ainsi, leurs obligations et leurs droits seraient clairement connus. Imposer uniquement des frais de scolarité dans l'enseignement supérieur n'améliorera en aucune manière cet enseignement ni d'ailleurs l'enseignement en général. On ne saurait assez dire que les frais de scolarité existent déjà, qu'ils sont imposés aux parents depuis les garderies mais ne sont pas garants de qualité.