Selon plusieurs sources, le premier conseil de gouvernement de l'année 2018 s'apprête à adopter une loi cadre relative à la réforme du système éducatif marocain dont certaines dispositions qui mettraient fin à la gratuité de l'enseignement public qualifiant et supérieur. Consciente que le sujet est clivant, surtout qu'une polémique commence à émerger dans le débat public, on a pris soin de choisir, avec beaucoup de précautions, les termes utilisés : l'Etat garantit la gratuité dans l'enseignement primaire et collège, mais au lycée et à l'université, les familles devront payer des frais «symboliques». Les responsables du ministère de l'éducation ont tenu à préciser que ce seraient des frais d'inscription et que la gratuité n'est aucunement remise en cause, surtout pour la scolarisation obligatoire (4-15 ans). Et pour atténuer davantage l'intensité du lever du bouclier suscitée par cette mesure, au sein même du Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique lors de sa session de novembre, l'avis émis par le conseil précise que le paiement de frais de scolarité doit prendre en compte l'exemption « automatique » des familles nécessiteuses dans le cadre de la mise en œuvre de la solidarité sociale . Le président du Conseil, M .Omar Azziman avait souligné lors de la tenue de l'assemblée générale de cette institution, que la loi-cadre a gardé l'esprit de la vision stratégique de l'éducation 2015-2030. D'ailleurs le texte approuvé par le Conseil a statué sur les langues d'enseignement, les manuels scolaires, la formation professionnelle et bien sûr le financement du système dont la gratuité de l'enseignement. Mais force est de constater que c'est le dernier sujet qui a cristallisé les débats lors de l'assemblée. Le sujet a suscité une polémique au-delà même du conseil pour sa charge historique et symbolique. Historique d'abord parce qu'au lendemain de l'indépendance. L'enseignement et la scolarisation des marocains sont devenus une problématique importante et urgente. En 1957, quatre principes émergent des travaux d'une commission Royale instituant la marocanisation, l'arabisation, la généralisation et l'unification de l'enseignement avec son corolaire, la gratuité. Depuis toute évaluation du système éducatif était basée sur l'atteinte ou non de ces objectifs. Si la marocanisation a été atteinte, l'arabisation est plus que problématique actuellement, la généralisation est plutôt assez satisfaisante pour les tranches d'âges du primaire même si elle est mise à mal par la déperdition et le décrochage à l'entrée du collégial. Quant à l'unification, force est de constater que par exemple l'enseignement supérieur est pluriel : Payant pour les plus aisés comme Al Akhawaine, sélectif et à accès limité pour les enfants ayant réussi le qualifiant comme les ENCG et l'ESCAE et gratuit, ouvert et fondamental, pour le reste. La gratuité a été conçue pour permettre au système de jouer son rôle d'ascenseur social et de favoriser la cohésion sociale autour de valeurs partagées par tous les citoyens depuis l'enfance. La gratuité porte toujours une charge symbolique confirmée par l'article 31 de la Constitution qui stipule que l'Etat doit, ainsi que les institutions publiques et les collectivités locales, mettre en place des mécanismes pour garantir l'égalité d'accès à une éducation moderne, accessible et de qualité . On comprend donc qu'aucun élève ou étudiant ne doit être privé de la poursuite de ses études pour des raisons purement financières, s'il remplit les conditions requises. C'est donc sur l'égalité des chances, l'atténuation des inégalités que repose l'argumentaire des contestataires de la mise en jeu de la gratuité. Et pourtant la gratuité absolue est vraiment un leurre. Les parents de toute catégorie sociale prennent déjà en charge la scolarisation de leurs progénitures dans le préscolaire. Le ministère de l'éducation s'est complètement désengagé de ce niveau. La scolarisation au primaire, collégial et qualifiant et est assujettie à des frais d'inscription (Assurance, association sportive, association des parents d'élèves...) et plusieurs parents ont préféré, surtout dans les villes, à orienter leurs enfants vers le privé pour un enseignement de « qualité ». Les étudiants s'acquittent de frais d'inscriptions dans le supérieur. Ce qui serait nouveau en cas d'adoption de cette loi cadre, c'est le montant des frais d'inscription et les modalités de leur mise œuvre. Ce qui est problématique, c'est comme toujours les critères du choix pour l'exonération. Comme toujours, les principes sont cohérents et parfois justifiés, mais c'est la mise en œuvre réelle et pratique qui risque de décevoir. Le diable est dans les détails. Hassan BENMAHMOUD