Attaché au Maroc, Smail Akdim se considère en mission permanente pour représenter son pays, ses traditions, sa haute-couture et son artisanat et ce, depuis le début de sa carrière en tant que designer entamée il y a 22 ans. Smail Akdim n'a pas choisi la mode par hasard. Outre son envie de «représenter le Maroc, son artisanat et ses traditions» dans le monde, dès son plus jeune âge, il a toujours été «admiratif des belles choses et de tout ce qui est charismatique et esthétique». Il intègre ainsi le monde de la mode, dès l'âge de 18 ans, en tant que mannequin avant d'opter pour une école de mode. Mais ce choix n'a pas toujours été soutenu par sa famille basée à Rabat. Son père, qui espérait un parcours scientifique, parvient à convaincre son fils d'étudier l'économie. «Mon père me disait : "Si tu veux faire de la couture, vas dans un coin de la maison". Il ne considérait pas ça comme un métier mais plutôt un hobby», se remémore-t-il. Le jeune homme finira par imposer son choix de carrière, en intégrant une école et en se spécialisant en stylisme et modélisme. Smail Akdim entame aussi des stages à l'international pour étoffer son savoir-faire. En 2006, un événement viendra propulser sa carrière. Il est choisi parmi des centaines de designers marocains pour représenter le Royaume à l'émission de télé-réalité «Mission Fashion» diffusée sur la chaîne LBC et rencontrer un designer de renommée internationale, le Libanais Elie Saab. «J'ai alors réalisé que j'ai le potentiel pour ouvrir ma boutique et mon atelier de Haute-couture à Casablanca. J'étais en même temps en train de mélanger et mixer les cultures marocaine et occidentale pour présenter le patrimoine artisanal et le savoir-faire du royaume», confie-t-il. Mission : représenter le Maroc, son artisanat et ses traditions A l'époque, l'histoire du caftan marocain était entre les mains d'une poignée de designers qui a lutté et innové pour sa renaissance. «Nous avons créé "Caftan du Maroc", un événement qui a joué un rôle essentiel pour l'industrie de la mode au Maroc», explique le designer marocain. Modernisé en «s'inspirant des borderies et de thèmes venant des quatre coins du monde», cet habit traditionnel a établi les bases de la «Moroccan Touch» dans le monde de la mode, avant d'effectuer un «retour aux sources, avec les designs et les broderies des années 1930 et des sfifa et laaqad difficiles à faire», raconte-t-il. «Ce retour à la tradition a permis de nous inspirer de notre patrimoine et notre histoire. Je suis personnellement fier de cette promotion qui a promu le caftan et l'artisanat marocains.» Smail Akdim De 2008 à 2015, le designer marocain entame une nouvelle expérience, avec des défilés à travers le monde, en s'associant à des ONG pour des missions humanitaires. «J'ai travaillé en Afrique de l'Ouest pendant 10 ans, pour promouvoir l'artisanat. Les événements étaient surtout pour aider des personnes ou des associations, avec plusieurs thèmes. C'était un partage et cela m'a permis d'exposer aux gens les accessoires du Maroc, la soie que nous brodons, les finitions,…», déclare-t-il. «Durant mes 22 ans de carrière, j'étais toujours en mission de représentation de mon pays et ses traditions, sans être mandater. C'est pour l'amour de qui je suis, d'où je viens et ce qu'on fait. Il suffisait qu'on me demande d'où je venais pour commencer à parler de Rabat, des Oudaya, du tannage du cuir,…» Smail Akdim En 2013, le designer tombe alors sous les charmes de Montréal, où il décide de s'installer. «Je suis un citoyen du monde et je voulais conquérir les Amériques», confie-t-il à propos de ce choix. «J'ai un peu tout vu au Moyen Orient et en Europe, je cherchais autre chose, comprendre et découvrir en m'inspirant de nouvelles cultures, tout en parlant du Maroc dans un autre environnement», enchaîne-t-il. Heureux de son choix, il souligne que ses créations sont demandées au Canada et que son «business marche bien». Côté mode, «on est plus stylé qu'à Paris» Malgré l'éloignement, «la plupart des produits viennent du Maroc» par souci de qualité, bien qu'il commence à former ses collègues au Canada sur la façon de faire des caftans et de la couture traditionnelle marocaine. «Je suis fier de voir quelqu'un faire la sfifa ici à ma manière. C'est formidable que des personnes qui n'ont pas cette culture s'y mettent. Toutefois, il ne va pas le faire comme les Maalems au Maroc, qui eux, peuvent le faire les yeux fermés», ironise-t-il. Et si la conception de ses créations est faite à Montréal, le produit est envoyé au Maroc, pour la broderie et le perlage avant un retour au Canada pour la finition. Quant à ces dernières collections, «elles ont été faites de A à Z à Montréal». Pour le designer marocain, l'évolution de la mode, surtout dans son pays d'origine, reste impressionnante. «Je suis très fier qu'il y ait de plus en plus de jeunes marocains talentueux et de plus en plus d'écoles de mode. Ils n'ont pas le même problème que j'ai eu avec mes parents car les mentalités ont évolué. Ils ont aussi Internet alors que nous avions tendance à louer des magazines de mode, qui coutait chères, pour voir les dernières créations», témoigne-t-il. «Aujourd'hui, nous avons tout pour créer au Maroc, je constate même qu'on est de plus en plus "fashion". On est même plus stylé qu'à Paris.» Smail Akdim Quant à ses projets, le designer vient d'ouvrir son nouveau showroom à Montréal, où il présente la haute-couture marocaine et occidentale. Le Marocain travaille aussi sur un «jumelage d'art et de culture canado-marocaine» dans le but de rapprocher les deux peuples à travers un événement dédié à l'art, la poésie, le design et l'artisanat. «J'aimerai bien que les Marocains viennent au Canada pour voir comment ça se passe et faire des échanges». En fonction de la situation épidémiologique, Smail Akdim devrait revenir en 2022 avec deux présentations, à Paris et à Madrid, pour exposer sa touche marocaine et ses nouvelles collections.