En troisième année de DES en cardiologie à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Dr Zakaria Naji Lamrani a fait l'exploit d'atteindre le mont Kilimandjaro (Tanzanie), où il a hissé les drapeaux du Maroc et du Sénégal. Médecin et aventurier, cet amoureux de la montagne considère chaque ascension comme une quête spirituelle. En août dernier, Zakaria Naji Lamrani, 29 ans, a troqué sa blouse de médecin résident à Dakar contre son sac de camping, pour prendre la direction de la Tanzanie et atteindre le Kilimandjaro. Nichée à près de 5 895 mètres d'altitude, la plus haute montagne d'Afrique est la destination dont il rêvait depuis 2019. Un mois après le début de cette aventure, il vient de rentrer à Dakar, où il est célébré en héro pour avoir hissé les drapeaux du Maroc sur «le toit de l'Afrique», mais aussi et pour la première fois, celui du Sénégal. Chez ce spécialiste en cardiologie à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, la passion pour la randonnée, la nature et particulièrement la montagne est une histoire de famille. Enfant déjà, vivant aux Emirats arabes unis, à Oman puis au Maroc, il s'émerveille pour les sciences de la vie et de la terre. «Mes deux parents ont enseigné la matière. Mon père est spécialisé dans la botanique, ma mère dans la géologie. Au collège, je me rappelle avoir toujours été fasciné par la notion de la tectonique des plaques, la formation des montagnes… Ça a grandi avec moi, dans mon imagination», raconte le médecin à Yabiladi. Au lycée, il s'intéresse encore plus aux montagnes, toujous aussi émerveillé par les récits de ses parents. «Mon père m'avait raconté avoir gravi une première montagne à l'âge de 11 ans. Elle faisait plus de 1 500 mètres d'altitude, dans son village d'origine dans la province de Taounate. La montagne est devenue pour moi un lieu exceptionnel, un espace d'évasion», confie encore l'aventurier. «Ma mère est fascinée par les chaînes montagneuses et volcaniques à travers le monde, particulièrement la cordillère des Andes dont elle me parlait toujours. Elle me parlait beaucoup aussi du Kilimandjaro et elle rêvait de le faire avec moi un jour. Des problèmes de santé l'en ont empêchée, mais je suis fier d'avoir fait ce parcours pour elle et d'avoir réalisé cette ascension que je lui dédie.» Zakaria Naji Lamrani Une mise à l'épreuve de soi-même Au fil des années, l'ascension des montagnes est devenue pour Zakaria une forme de quête spirituelle. «Lorsque je ne suis pas de bonne humeur, je pense toujours à la montagne. Au fur et à mesure qu'on grandit, on se confronte à des épreuves dans la vie et la montagne est une école : elle nous apprend la patience, la capacité de se surpasser, de relever les plus grands défis, de gérer les situations les plus extrêmes avec le calme nécessaire, tout en renforçant le contact avec la nature», explique-t-il. Pour lui, sa référence est l'alpiniste Adil Taïbi, qui prévoit avec l'Expedition Moroccan team une ascension de l'Everest en 2022. Le sportif lui fournit toutes les informations à propos des montagnes. Avant de franchir le pas pour entreprendre l'ascension du Kilimandjaro, Dr Naji Lamrani escalade une quinzaine de sommets au Maroc. A chaque fois, cet exercice sur le temp long l'appelle à sortir de sa zone de confort. «Quand on a des problèmes, quand on a mal, mais qu'on arrive au sommet de la montagne, on voit le soleil se lever, on a laissé toutes les souffrances derrière soi et c'est tout de suite un nouveau départ qui commence», souligne-t-il. Cette quête spirituelle le mène à entreprendre aussi un tour d'Europe en 2018, où il parcourt seul 17 pays différents. Champion d'arts martiaux, il s'entraine à travers la pratique du jiu-jitsu brésilien à gérer son physique et son mental à la fois. Après avoir réalisé l'ascension du Toubkal, il songe à prolonger l'aventure dans les autres régions du continent. «J'ai commencé à réfléchir à l'ascension du Kilimandjaro en 2019, mais je ne l'ai pas fait tout de suite car je suis parti au Sénégal pour continuer mes études en spécialité. Le Maroc et le Sénégal m'ont appris la reconnaissance et la gratitude. Le Sénégal est mon autre chez-moi, mon autre apprentissage qui m'a montré une meilleure version de moi-même.» Après trois ans de projections, Zakaria se décide à franchir le pas, en 2021. Mais avant cela, il se prépare rigoureusement pendant six mois d'entrainements intenses, afin de gagner en endurance et perdre 25 kilogrammes. Il prend la direction de la Tanzanie, déterminé à atteindre «le toit de l'Afrique», seul, sans agence de voyage, ni sponsors. Une leçon de vie appelée Kilimandjaro Plusieurs voies mènent vers le sommet du Kilimandjaro. L'ascension et la descente par la voie du Machame se font en moyenne en sept jours. Le médecin réussit son exploit en six jours. Pour voir le lever du soleil au sommet, il faut commencer la dernière étape de l'ascension la nuit, à 23 heures. Sur l'ensemble du parcours, les paysages, les saisons et les climats changent, donnant notamment à voir les glaciers de Furtwängler, menacés de disparition d'ici 2025 à cause du réchauffement climatique. «J'ai pu avoir cette chance de les contempler avant qu'il ne disparaissent, selon les prévisions des scientifiques», nous raconte fièrement Zakaria, qui retient sa fascination devant «les étoiles à perte de vue, les constellations clairement visibles avec l'altitude, où tout est tellement net et propre». Cette aventure est aussi une rencontre humaine et une leçon de vie. «Au cours de l'ascension, j'ai rencontré des personnes souffrantes, qui ont des problèmes psychiques, qui sont atteintes de cancers ou amputées des deux jambes et qui ont atteint le sommet à l'aide de leurs mains seulement… Leur rencontre pousse davantage à l'introspection.» Pour lui, l'arrivée au sommet le 1er septembre dernier a constitué «la transition entre la nuit et le jour, un aboutissement d'une infinité de sensations, l'accomplissement de la finalité de son travail, laissant derrière tous les obstacles». «En 2018 j'ai fait la Omra et de manière différente, je sens que le fait d'arriver au sommet de cette montage a été pour moi une forme de rapprochement avec Dieu. A travers ce long parcours, la montagne nous supporte lorsqu'on fait des erreurs, elle nous laisse la possibilité de nous rattraper, elle nous ouvre sur la grandeur du monde et on voit qu'il y a une main invisible qui fait que toutes le choses soient dans un certain ordre», nous confie-t-il. Après l'effort de l'ascension et de la descente, le réconfort de l'aventurier aura été un deuxième voyage, qui l'a mené à Zanzibar, avant de revenir à Dakar. Tout au long de son périple, Zakaria prend des images, filme à l'aide d'un drone et tient un journal intime, où il documente par écrit toutes ses sensations et ses étapes de voyage. Rêvant d'effectuer la «quête des sept sommets» à travers le monde, il envisage prochainement de nouvelles ascensions, qui devraient le mener au sommet d'Elbrouz, dit «toit de l'Europe» en Russie, et celui de l'Aconcagua, le «toit des Amériques» en Argentine.