Acteurs de la société civile ou simples citoyens prévoient de se joindre à des rassemblements, prévus samedi et dimanche, à l'appel de la famille de Younes El Boussetaoui qui a été tué par un représentant de la Ligue, dans la commune italienne de Voghera. En Italie, cette fin de semaine sera marquée par une mobilisation de la société civile, après le cri de détresse de la sœur de Younes El Boussetaoui entendu par des acteurs associatifs. Samedi, un premier rassemblement se tiendra à Voghera, où le Maroco-italien de 39 ans a été tué par balles, mardi soir, par un conseiller municipal à la sécurité, membre de la Ligue du nord. Jeudi, la jeune femme a lancé un appel à l'opinion publique et aux citoyens pour se rassembler en hommage à la victime et pour demander justice, alors que le traitement médiatique de l'affaire a tendu jusque-là à présenter son frère comme un élément dangereux. A l'appel de Black Lives Matter (BLM) à Bologne ainsi que l'Association des travailleurs marocains en Italie, une manifestation est prévue dès demain à Voghera, en présence de la famille de la victime. Dimanche à Bologne, plusieurs associations de la société civile et des citoyens de différentes régions sont appelés à rejoindre un rassemblement d'envergure, pour dénoncer le drame en tant que crime raciste et appeler à ce que les faits ne restent pas impunis. Un crime raciste qui ne doit pas rester impuni Ce vendredi, le mis en cause est entendu par la justice, tandis que la presse de droite présente les faits comme «légitime défense» plutôt que «meurtre raciste». Contacté par Yabiladi, Reda Zine parmi les organisateurs au sein de BLM-Bologne indique que la mobilisation autour de la famille du défunt vise à «faire valoir les droits de la victime et de ses proches, ainsi qu'à déconstruire le récit médiatique qui a été fait jusque-là de l'affaire, notamment en mettant en avant certains aspects procéduraux qui n'ont pas été respectés et en répondant aux prétextes idéologiques de l'extrême droite, selon lesquels il s'agissait d'un 'Marocain' qui aurait pris à partie le responsable de la Ligue, car le cliché veut que Younes soit d'une communauté soi-disant 'violente'». «Il faut rappeler que le tireur a menti, c'est lui l'agresseur. Il aurait contacté un numéro privé au sein du commissariat et non pas la ligne téléphonique mise à la disposition de tout le monde pour signaler un meurtre ou un accident grave qui nécessite l'intervention urgente de la police et des secours, ce qui suggère qu'il aurait souhaité une éventuelle couverture, d'autant que c'est un ancien policier», a souligné à Yabiladi le membre de BLM-Bologne. Selon lui, «la famille n'a pas été informée de l'autopsie, une vidéo circule dans les médias italiens de droite pour soutenir l'hypothèse de la légitime défense, sous prétexte que Younes a donné un coup de poing au tireur, qui a donc répondu en lui tirant dessus. On n'est pas au Far West», a-t-il dénoncé. Dans ce sens, les militants ayant appelé au rassemblement ont déploré que des images soient partagées sur les réseaux sociaux et diffusées dans certains supports, au lieu d'être transmises à la police et au parquet pour l'enquête. Frère du défunt, Amin El Boussetaoui a apporté son témoignage, sur les réseaux sociaux. Rappelant que son frère souffrant de troubles mentaux «devait être assisté et non pas tué», il a indiqué que «Younes avait un cœur en or et a toujours aidé son prochain, a toujours fait preuve de politesse et il est père de deux enfants». «Mon frère n'a jamais été un danger pour personne. Malheureusement il y a longtemps, il a pris un mauvais chemin parce qu'il n'arrivait pas à trouver du travail et aussi à cause des mauvaises amitiés, mais il n'a jamais été violent. Et mon frère n'était pas un sans-abris.» Amin El Boussetaoui Vivant en Suisse, Amin a rappelé que les antécédents judiciaires, mis en avant par les défenseurs de son tireur, ne seraient pas liés à des faits de violence mais à la consommation de drogues. «Mes parents ont essayé plusieurs fois de le ramener à la maison mais il se sentait étouffer et s'enfuyait. Nous cherchions un centre de rééducation pour le faire soigner mais malheureusement, il lui a tiré dessus volontairement pour une simple dispute», a-t-il déploré. Younes aurait réagi par un coup de poing évoqué dans des vidéos, probablement après s'être senti menacé et intimidé par l'homme armé. Pour les associations, c'est «le crime de trop» Président de l'Association marocaine des travailleurs en Italie, Adil Lasry a rappelé auprès de Yabiladi que «le responsable local mis en cause dans cet assassinat raciste est connu pour son hostilité envers les étrangers et particulièrement les Marocains. Les habitants locaux ont été nombreux à témoigner qu'il se prenait souvent pour un shérif dans la commune et qu'il circulait régulièrement avec son arme bien apparente». «Nous ne pouvons pas rester silencieux devant ce qui s'est passé et quand bien même les défenseurs du tireur invoquent les troubles mentaux de Younes, c'est une circonstance aggravante. Un responsable local doit venir en aide aux personnes en situation de vulnérabilité qui ont besoin d'assistance ou d'accompagnement, mais non pas les exterminer», a dénoncé l'associatif. Adil Lasry rappelle également que «le parti dont le mis en cause est militant est connu pour sa xénophobie». «Nous sommes devant une formation qui n'a aucun projet politique pour l'Italie et pour les Italiens dont la communauté marocaine fait partie intégrante. Ce parti vise à diviser la société et à jouer sur une idéologie raciste pour gagner des électeurs», a dénoncé le militant, pour qui «la couverture médiatique a été partiale et n'a pas considéré le tueur en tant que tel». «On essaye de montrer les points faibles de Younes, quitte à diffuser des imprécisions, puis on met en avant le CV du tueur en tant que formateur à l'école de police, ancien policier et à la tête d'un cabinet d'avocats.» Adil Lasry En dehors du drame familial, ce crime raciste est «le crime de trop et le point de non-retour», selon Reda, qui insiste que «ce drame ne passera pas, surtout après le témoignage poignant de la sœur de Younes». Les acteurs de la société civile sont appelés à «mobiliser différentes franges de la société, un mois après l'assassinat du syndicaliste marocain Adil Belakhdim». Pour Reda Zine, «c'est le moment d'insister sur l'ensemble des revendications en tant qu'Italiens issus de l'immigration, sur le plan éducatif, économique et social pour une meilleure inclusion des communautés qui sont aujourd'hui constituées de citoyens à part entière, mais qui sont à la marge depuis 30 ans, alors qu'ils contribuent au développement de l'Italie».