Condamné vendredi dernier sur la base d'une plainte pour harcèlement sexuel, le journaliste Soulaiman Raïssouni refuse de faire appel, selon ses avocats. Plusieurs acteurs de la société civile l'ont appelé une nouvelle fois à suspendre sa grève de la faim. Trois jours après sa condamnation en première instance pour 5 ans de prison, le journaliste Soulaiman Raïssouni refuse d'interjeter appel. «L'action en appel reste de son plein droit. Pour l'heure, il refuse de l'intenter et nous n'avons donc pas décidé des suites, puisque nous agissons en harmonie avec les volontés de notre client», a déclaré ce lundi à Yabiladi l'avocat Miloud Kandil. Ce dernier estime que «c'est pour la première fois que nous assistons au jugement d'un citoyen marocain, devant la chambre criminelle, en son absence alors qu'il est placé en détention préventive». «Cette détention a été faite sur décision du Parquet, qui a argué qu'il s'agissait d'une mesure pour garantir sa présence. Donc on décide de la garder en prison, mais on ne décide pas de le ramener le jour de sa comparution, sous prétexte qu'il refuse alors que ce n'est pas le cas, selon les déclarations de Soulaiman à sa défense», a souligné Miloud Kandil. Celui-ci insiste que «rendre un verdict sans la présence du concerné, pourtant placé en détention préventive, est une violation flagrante et sans précédent du Code de la procédure pénale au Maroc». «Il y a eu une volonté de ne pas le présenter Raïssouni, parce que son corps est extrêmement affaibli. Dans le cas échéant, on aurait mis l'assistance à témoin, y compris les observateurs venus suivre le procès, sur l'état de santé lamentable du journaliste.» Me Miloud Kandil Des appels à la médiation pour éviter le drame A son 96e jour de grève de la faim ce lundi, Soulaiman Raïssouni est «affaibli et extrêmement amaigri, avec une voix à peine audible», insiste Miloud Kandil. Acteur associatif, Kamal Lahbib a pour sa part mené une médiation informelle. Il a indiqué auprès de Yabiladi qu'«étant en contact permanent avec les avocats, [il sait] aussi que Raïssouni n'était pas au tribunal, les jours des audiences, car il tenait difficilement debout». Ce lundi, un appel public destiné à Raïssouni pour mettre fin à sa grève a été signé par des avocats, des universitaires ainsi que des acteurs associatifs au Maroc, en Europe et dans les pays arabes. Cette initiative intervient après que les proches du journaliste ont indiqué avoir épuisé tous les moyens pour le convaincre de susprendre la grève. Kholoud Mokhtari : «C'est désormais aux institutions de décider du destin de Soulaimane Raïssouni» Kamal Lahbib a d'ailleurs déploré que «les requêtes de la défense de Raïssouni n'ont pas été entendues et les appels des citoyens pour obtenir des poursuites en liberté n'ont pas trouvé de répondant». «Des acteurs de la vie publique, y compris des politiques, ont estimé que dans la situation où le journaliste se trouvait, il devait être écouté en état de liberté. Il n'y a pas eu de faits avérés pour le condamner», a-t-il indiqué. «Dans ce cas-là et comme il est d'usage, même dans d'autres pays, la justice indique qu'il y a un non-lieu pour manque de preuves, sans pour autant porter préjudice à la parole de la victime, qui apporte ses arguments aussi. De ce fait, il y a eu des irrégularités au niveau de la procédure et j'en conclus qu'il n'y a pas d'autre alternative que de libérer Raïssouni, pour ne pas avoir une responsabilité de l'Etat dans la mort d'un gréviste de la faim.» Kamal Lahbib En plus de la question de la protection du droit à la vie, Kamal Lahbib, rappelle que «le Maroc doit œuvrer pour améliorer son image sur le plan international et nous n'avons donc pas besoin de nous confronter à un drame qui va rester». Dans ce sens, il a plaidé pour une «modération politique dans le juridique», croyant «fermement en l'importance de développer des circuits de médiation pour sortir de la crise». «En tant qu'acteur de la société civile, je pense avoir fait ma part de contribution dans ce sens, mais j'espère que l'Etat prendra pour sa part les bonnes décisions qui protègent les droits humains et le respect des procédures pénales», a-t-il souligné.