Un mois après sa nomination comme commissaire au gouvernement auprès de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, la Belgo-marocaine est contrainte de démissionner. Si elle a été victime de traitements violents et injustes en raison de son voile, de nouvelles informations ont surgi sur ses liens présumés avec les Frères musulmans, jetant de l'huile sur un feu déjà hors de son contrôle. Ihsane Haouach a présenté sa démission, vendredi auprès du gouvernement, selon une information relayée de bonne source par Le Soir. La Belgo-marocaine, qui avait été nommée fin mai commissaire du gouvernement auprès de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, a donc mis fin à ses fonctions après seulement un mois en raison de vives polémiques. Tout a commencé avec la nomination même d'Ihsane Haouach, du fait qu'elle porte le voile, ce que le Premier ministre a défendu, avançant son «CV en béton» comme seul argument pertinent. La seconde vague de polémique est arrivée mercredi dernier, durant l'exercice de ses fonctions, lorsqu'un membre du Conseil d'administration de l'Institut pour l'égalité des hommes et des femmes, Corentin de Salle, lui a demandé de retirer son voile en pleine séance. Haouach a alors donné une interview à Le Soir, samedi dernier, pour expliquer sa situation. Questionnée sur son foulard et sa religion, elle répond : «C'est une partie de mon identité qui n'a pas à être débattue publiquement ni à être justifiée. Je ne viens pas parler de religion, moi.» Elle est revenue après sur le principe de neutralité des représentants de l'Etat : «On pense qu'il existe une neutralité d'apparence, elle n'existe pas, on véhicule tous quelque chose : on a une façon de s'habiller, une couleur de peau, un sexe, une couleur de cheveux.» «Je me suis sentie agressée, j'envisage de porter plainte» Ihsane Haouach L'interview allant, la commissaire a estimé que l'interdiction de port de signes religieux est «discriminatoire» et «inefficace», avant de dire sur leur prétendu bouleversement pour la société et les principes de l'Etat que «les principes fondateurs ne sont pas mis en danger par l'apparence mais par la montée des réactions d'extrême droite. La discussion n'est pas : est-ce qu'on remet en cause la séparation de l'Eglise et de l'Etat ? C'est : comment la décline-t-on avec un changement démographique ?» La polémique de trop Les opposants à la commissaire n'ont pas manqué de reprendre cette dernière citation pour l'attaquer. Le président du Mouvement réformateur (MR) Georges-Louis Bouchez a qualifié ses propos comme «extrêmement dangereux» et a demandé une audition de la commissaire, ce qui lui a été refusée. En réponse à la polémique grandissante, Haouach a publié sur sa page Facebook. Le Premier ministre, Alexander De Croo, interrogé jeudi sur la question en séance plénière de la Chambre a rappelé à l'ordre la concernée en la prévenant : «Il n'y a pas de marge pour de nouveaux incidents.» Face à la pression subie depuis la séance où son voile a été attaqué, la jeune commissaire a décidé de mettre fin a ses fonctions. «Cette démission ne signe pas la fin de mon engagement pour l'égalité et les droits fondamentaux, que je continuerai à défendre sous d'autres formes.» Ihsane Haouach Dans sa lettre de démission, Haouach a indiqué que sa décision est prise notamment pour préserver ses proches, l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes et elle-même du cyberharcèlement. Elle n'a pas manqué de souligner que les débats sur la neutralité, certes légitimes, se sont fait dans son cas «dans une volonté de nuire», alimenté par des «violentes attaques personnelles». L'exercice de ses fonctions rendue impossible, elle a indiqué n'avoir d'autre choix que de démissionner. Ultime rebondissement : son lien présumé avec les Frères Musulmans Peu de temps après sa démission, Le Soir a publié de nouvelles informations la concernant, notamment des liens potentiels avec les Frères musulmans. Les éléments disponibles relatent que des «informations circulant au sein des services de renseignement sont remontées au gouvernement» après la séance à la Chambre, «suffisamment crédibles pour aller dans le sens d'une démission». Bien qu'Ihsane Haouach ait nié tout lien avec l'organisation, s'en tenant à sa version pour justifier sa démission, la révélation de ses rapports présumés pourrait expliquer sa décision, appuyée par un gouvernement souhaitant mettre fin aux polémiques. Le magazine français Marianne avait ressorti, il y a deux jours, une interview donnée par Ihsane Haouach au European forum of Muslim Women, union des organisations islamiques en Europe fondé par Ahmed al-Rawi «l'ambassadeur officiel des Frères musulmans en Europe».