Les communautés marocaines d'Espagne et d'Italie sont en train de manger leur pain noir. Dans un contexte de durcissement de la crise économique européenne, les conditions de vie des travailleurs marocains résidants dans les péninsules ibériques et italiennes se sont en effet considérablement détériorées au cours des dernières années. Hier, une réunion du CCME à Rabat faisait le point sur leur situation. Etats des lieux. Un parterre de spécialistes marocains et espagnols se réunissait hier à Rabat pour débattre autour du thème «Les Marocains en Espagne et en Italie et les défis de la crise». Organisée à l'initiative du CCME (Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger), cette rencontre visait, entre autres, à établir le bilan des «conséquences économiques et sociales de la crise sur les migrants» et à élaborer «une vision concertée sur les éventuels mécanismes et stratégies à adopter» pour leur venir en aide. Car il faut dire que depuis le début de la crise en 2008, la situation des migrants marocains, en particulier dans les péninsules ibériques et italiennes, n'a cessé de se détériorer : chômage en hausse vertigineuse, précarisation importante de l'emploi et des conditions de vie, basculement dans l'irrégularité ; autant de facteurs d'aggravation de leur situation qui, en se combinant, ont fini par venir peser lourdement sur l'activité économique du royaume au travers d'une baisse importante du volume de devises. D'où la conscientisation rapide des autorités marocaines quant à la nécessité d'agir vite et efficacement. Espagne : le nombre de MRE au chômage a presque quadruplé en 4 ans Les Marocains représentent l'une des plus importantes communautés en Espagne et en Italie, avec plus de 800 000 personnes légalement établies dans le premier pays et 600 000 dans le second. En Espagne tout d'abord, le taux de chômage des Marocains (50,7%) était le plus élevé parmi les communautés étrangères en 2011. Alors que la péninsule ne comptait que 42 600 chômeurs hommes et 31 300 chômeurs femmes en 2007, elle en compte respectivement 183 000 et 99 400 selon les dernières estimations. Le nombre de travailleurs marocains au chômage a donc presque quadruplé (multiplié par 3,8) dans le pays au cours des quatre dernières années. Pour les experts présents à la rencontre d'hier, ceci s'explique en grande partie par le fait que ces derniers «sont nombreux à occuper des emplois peu qualifiés, souvent à caractère manuel et temporaire» dans le BTP, l'hôtellerie, la restauration et le secteur agricole ; des secteurs touchés de plein fouet par la crise. Effet domino, la précarisation de la situation des travailleurs marocains en Espagne se traduit par une baisse importante des transferts de devises : entre 2007 et 2010, ceux-ci ont diminué de 33% selon les données de la Banque d'Espagne. Cette situation alarmante ne se limite malheureusement pas qu'à la péninsule ibérique mais concerne également l'Italie – dans une moindre mesure toutefois. Selon les chiffres de l'Institut national de la prévoyance sociale d'Italie, le taux d'activité des hommes est passé de 79,3% en 2008 à 75,2% en 2009 et celui des femmes de 27,8% à 23,7% sur la même période. Fait singulier, le taux de chômage de la communauté marocaine dans la péninsule italienne est aussi largement supérieur à celui des autres communautés étrangères : les statistiques montrent ainsi que 24,9% des travailleuses marocaines sont au chômage contre seulement 13% chez les autres femmes étrangères. Les MRE, premières victimes collatérales de la crise Dans les deux pays, les travailleurs marocains semblent donc être les premières victimes collatérales des dégâts engendrés par la crise. «L'emploi, les restrictions économiques et budgétaires, la révision des politiques migratoires sont des éléments qui accentuent la vulnérabilité des migrants, jusqu'à parfois leur faire perdre leurs acquis et les faire basculer dans l'irrégularité, et les exposer à des pratiques discriminatoires et xénophobes» énumèrent les experts du CCME. Mais si la vulnérabilité des migrants inquiète autant ces spécialistes, en particulier les représentants de l'autorité publique marocaine, c'est évidemment moins par sollicitude touchante que pour ce que leur «vulnérabilité» représente comme manque à gagner pour le Maroc : les devises des MRE constituent en effet le nerf de la guerre de l'économie marocaine et une condition sine qua non de sa relance. Le pouvoir politique en a conscience et fera donc certainement tout son possible pour atténuer «les effets de la crise sur l'ensemble des travailleurs, dont les migrants». Le mieux-être de son économie en dépend.