Prévu de se produire au Festival Jazz à Vienne en France, à Copenhague puis à un deuxième évènement dans l'Hexagone, le mâalem, compositeur et multi-instrumentiste marocain Abdelmajid Bekkas a dû annuler sa tournée européenne. Jusqu'à ce mercredi, alors que son vol était prévu en matinée, sa demande de visa est demeurée «en cours de traitement». Plus grand festival de jazz en France, le Jazz à Vienne prévu du 23 juin au 10 juillet se tient finalement sans M'jid Bekkas, attendu pour un concert jeudi 1er juillet. Jusqu'à ce 30 juin, sa demande de visa est restée en cours de traitement, alors que son vol était prévu ce matin. Dépité, le musicien et compositeur a dû annuler sa tournée européenne où il comptait présenter son dernier album, «Magic Spirit Quartet», classé parmi les meilleurs enregistrement jazz de 2020. L'occasion était aussi de rendre hommage au compositeur américain Randy Weston, ami de l'artiste et du Maroc. En pleine désillusion, M'jid Bekkas a annoncé aujourd'hui l'annulation de sa participation sur les réseaux sociaux, annonçant que c'est pour la première fois qu'il est contraint de ne pas participer à un grand évènement en France, faute de visa. «Ma demande est toujours en cours de traitement, mais comme c'est trop tard pour ma tournée et surtout pour mon vol, je ne compte plus y aller. Cela fait presque un mois que j'ai commencé les démarches en essayant d'abord d'obtenir un rendez-vous et c'était impossible», a-t-il confié à Yabiladi. Des interlocuteurs quasiment absents L'artiste nous raconte avoir pensé que l'Institut français au Maroc pourrait l'aider à trouver un contact pour décrocher seulement un rendez-vous, d'autant que cela fait plus de trente ans qu'il voyage partout dans le monde et notamment en Europe. «Pendant 15 jours, je n'ai pas eu de réponse et ça a commencé à devenir stressant, à l'approche de l'événement. J'ai donc contacté la directrice des Institut français du Maroc, qui m'a répondu le lendemain. J'ai eu recours à l'adresse qu'elle m'a envoyée, mais pas de réponse. Je l'ai envoyée aussi à mon manager en France et aux organisateurs qui m'ont invité, car j'ai commencé à m'inquiéter faute d'interlocuteur et que je n'arrivais pas à déposer mon dossier», a-t-il rappelé. Les invitations ont été envoyées, les billets et le séjour ont été pris en charge, mais il n'a réussi à avoir un rendez-vous que vendredi 25 juin. Ce n'est que le 28 juin que M'jid Bekkas dit avoir été appelé, car «il manquait des pièces à déposer le lendemain, soit mardi». «J'ai demandé si je pouvais les fournir tout de suite, mais on m'a répondu qu'on fermait. Le 29, j'ai fourni ma carte d'artiste et mes relevés bancaire ; j'ai été étonné qu'on m'ait demandé ce que je faisais dans la vie et que je devais justifier de mes moyens de subsistance», nous confie-t-il. «J'ai insisté pour que les pièces soient transmises au consulat de France. J'ai demandé à parler à une responsable à TLS, qui m'a affirmé comprendre la situation, mais qu' "on n'a pas d'instructions". En gros, on m'a dit que si je connaissais quelqu'un à l'ambassade, je devais lui en parler pour qu'il demande à réceptionner les documents rapidement. Lorsque ça commence comme ça, j'ai l'habitude de tout annuler.» Un statut d'artiste mis entre parenthèses par l'administration Finalement, sa participation au Jazz à Vienne et son hommage à Randy Weston n'auront pas lieu. «Les services consulaires ne se rendent pas compte que c'est trop tard. Ils ont toujours mon passeport, alors que le concert est prévu jeudi 1er juillet et que je suis censé être déjà en France», déplore-t-il. «J'avais tout payé (frais de visa, assurance de voyage, test PCR…) et j'ai dû annuler aussi ma participation au Festival de Copenhague, qui intervenait à une date proche». Retour sur la vie de Randy Weston, le pianiste amoureux du Maroc M'jid Bekkas s'interroge particulièrement sur la raison pour laquelle les services consulaires ont insisté sur les moyens de subsistance, «alors qu'ils ont l'invitation du festival avec prise en charge totale». «C'est frustrant, déjà qu'on vit des moments difficiles, alors ils compliquent les choses au moment où ils sont censés avoir l'historique de mes précédents voyages», a estimé l'artiste. Face à cette situation dont il dénonce le «mépris et l'humiliation», il a déclaré qu'il continuerait à «faire de la musique au Maroc et dans le monde, étant un citoyen du monde et un musicien-chanteur depuis 40 ans». Un point de presse est prévu le jour du concert, sur les lieux du festival, pour expliquer au public et aux partenaires les raisons de cette triste absence.