Dans le pré-Sahara, un projet porté par le Centre Jacques Berque soutient la recherche archéologique et la valorisation du patrimoine. L'intérêt est porté particulièrement sur six sites phares dans trois régions, avec l'espoir que cette expérience inspire dans la gestion d'autres sites dont regorge cette zone du pays. Depuis 2019, le Centre Jacques Berques (CJB) est impliqué dans le projet de «La Route des empires» pour le soutien à la recherche et à la valorisation du patrimoine dans le pré-Sahara marocain. Ce travail financé par le ministère français de l'Europe et des affaires étrangères, dans le cadre du «Fonds de solidarité pour les projets Innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain», voit désormais le bout du tunnel. Il permet de redonner vie à ces régions, en capitalisant sur leur richesse culturelle et patrimoniale pour qu'elle profite aux habitants de la région, aux touristes et à l'enrichissement des études réalisés sur l'histoire médiévale du royaume. «Ce projet a pour ambition de relier les sites médiévaux majeurs du sud du Maroc à savoir Sijilmâsa, Igîlîz, Tazagourt, Tamdoult, Nul Lamta et Agadir Ouffella et de créer un circuit de visite articulé autour de centres d'interprétation», a expliqué le CJB dans ses premières communication sur la finalisation de ce processus. Coordinatrice du projet au sein du CJB, Oumaima Chadli a souligné auprès de Yabiladi que ce projet capitalise sur le rayonnement du patrimoine ces six premiers sites, dans une démarche qui pourrait inspirer différents intervenants pour revaloriser la multitude d'espaces similaires dont regorge le pré-Sahara marocain. Le Route des empires s'articule autour de trois axes principaux, à commencer par «la création de centres d'interprétation du patrimoine» (CIP) regroupant Draaâ-Tafilalet, Guelmim-Oued Noun et Souss Massa. Ce travail vient en résonance avec la coopération franco-marocaine, mais aussi «en résonance avec le plan de la régionalisation avancée et l'autonomisation des différentes régions, notamment dans le secteur du tourisme, à travers l'aide aux régions pour créer une réelle offre touristique qualitative culturelle», selon la spécialiste. Une valorisation du patrimoine à dimension éducative et sociale «Ces six sites ont bénéficié de la création de 600 centres d'interprétation du patrimoine qui leur sont adossés. Ils mettent en valeur le patrimoine du site mais aussi de la région à travers une petite exposition qui a été montée, en collaboration avec les équipes de recherche sur place. On a créé aussi des panneaux explicatifs qui mettent en valeur le patrimoine de la région», nous explique la chercheuse. Le second volet porte sur «la création d'une plateforme interactive et d'une application permettant la visite virtuelle de ces sites». «Nous avons déjà procédé, en collaboration avec un spécialiste à la captation en drones de tous ces sites-là et à la modélisation 3D en réalité augmentée. Ces visites seront proposées au public à travers une application qui va permettre de visiter les sites, de n'importe où dans le monde, d'avoir accès à toutes les informations nécessaires pour pouvoir parvenir à ces sites-là, d'avoir des vidéos et des ressources documentaires», souligne-t-elle encore. Concernant l'application, cette dernière permettra de développer «un volet pédagogique qui va permettre aux institutions éducatives de s'en servir comme des supports». Pour Oumaima Chadli, l'idée à terme est de «créer des kits pédagogiques autour de disciplines différentes», comme l'Histoire, les sciences de la vie et de la terre ou les arts plastiques, où il peuvent être «réexploités dans le cadre de cours dans les établissements, à travers aussi la visite virtuelle de ces sites». En effet, ce projet revêt plusieurs dimensions à la fois : éducative, culturelle historique, de recherche, touristique, mais aussi sociale et économique. Pour cause, ce processus a été conçu avec l'implication des autorités locales, de manière à ce que la gestion à terme leur revienne et que la dynamique créée autour des sites soit maintenue par les populations locales. Pour la coordinatrice, «ce projet doit être bénéfique aux riverains, en partenariat avec les communes qui prennent en charge ces lieux-là et les font vivre en les valorisant encore plus». Une démarche duplicables dans les autres régions du pré-Sahara Un troisième volet lié porte sur la médiation culturelle, avec la formation et l'intégration de la population locale dans la gestion des CIP. «Tout cela a été fait en adéquation et en collaboration avec les autorités et populations locales. Il s'agit de former des jeunes de ces régions qui sont intéressés par le patrimoine et la valorisation de leur histoire, pour qu'ils occupent des postes dans ces centres d'interprétation du patrimoine en tant que médiateurs culturels», nous explique Oumaima Chadli. Cette démarche s'inscrit dans «tout le projet en résonnance avec la politique d'échange et de collaboration entre la France et le Maroc, dans une approche qui a pour but la valorisation et l'aide à la recherche». Au-delà des aspects pratiques, «une grande aide a été fournie aux équipes de recherche, sur le volet financier ou autre pour avancer en termes d'études archéologiques sur ces sites», nous explique la chercheuse. Ainsi, plusieurs stagiaires ont été pris en charge, des boursiers, des publications ont été subventionnées et des équipes de fouilles soutenues. La restauration n'a par ailleurs pas été intégrée au projet. Toujours est-il que «tout site archéologique fouillé ou en cours de fouille par les équipes marocaines et françaises est un site qui fait partie du patrimoine national, protégé par les lois marocaines en la matière», précise la chercheuse. En collaboration avec l'Institut national des sciences de l'archéologie et du patrimoine (INSAP) à Rabat et la direction du patrimoine au sein du ministère de la Culture, ces sites ont été sélectionnés avec les équipes de recherche. Dans ce sens, Oumaima Chadli précise qu'il existe des sites satellites autour de ces lieux principaux et qui ont aussi une grande importance. «Il y a énormément de sites surtout dans le pré-Sahara marocain, certains ont peut-être été répertoriés, prospectés, fouillés ou observés. Nous avons désigné à notre niveau des sites modèles et on aimerait bien que ce soit étendu, mais pour faire un projet, il faut délimiter son champ, au risque de se perdre en fonction du temps imparti à ce travail et à son enveloppe budgétaire». Pour la chercheuse, l'idée est d'initier un élan à partir de ces sites modèles et que l'expérience soit dupliquée ou qu'elle inspire la valorisation d'autres espaces.