En 1972, le roi Hassan II et le président Houari Boumediene annonçaient la création d'une société mixte pour l'exploitation de la mine de fer de Gara Djbilet. Ce projet faisait partie du package de la convention du tracé des frontières entre les deux pays. L'Algérie a vite oublié ses engagements, et le Maroc n'a pas insisté. Ce mardi 30 mars, l'Algérie a signé un mémorandum d'entente avec un consortium chinois pour «cofinancer» le projet de mine de Ghar Djebilet (ou Gara Djebilet), située à l'ouest de Tindouf. «Le coût de cet investissement n'a pas été fixé à ce jour et ne devrait pas dépasser les 2 milliards de dollars selon les estimations préliminaires», a indiqué dans des déclarations à la presse le ministre algérien de l'Energie, Mohamed Arkab. «Le lancement de l'exploitation de la mine prévu en trois étapes, jusqu'à 2025, qui verra la première production de fer au niveau de la zone exploitée», rapporte l'APS. Une échéance qui pourrait être reportée de quelques années. Le gisement en fer souffre d'une teneur en phosphore trop élevée pour être exploité. Une société russe travaille sur la déphosphoration du minerai de fer, comme a révélé l'ambassadeur de Moscou à Alger, Igor Beliaev, dans une interview à un média local en octobre dernier. Au-delà de ce problème, ce projet remet en lumière un pan de l'histoire contemporaine au Maghreb. En effet, l'exploitation de la mine aurait dû être confiée à une société mixte maroco-algérienne, conformément à la Déclaration maroco-algérienne faite à Rabat le 15 juin 1972 portant sur le tracé des frontières, publié par le Journal officiel de la république de l'Algérie dans son édition du 15 juin 1973. En revanche, le royaume ne s'acquittera de cette procédure que par dahir royal du 22 juin 1992. La société mixe maroco-algérienne oubliée Dans le document, le roi Hassan II et le président Houari Boumediene déclaraient que «la qualité des relations de fraternité qui existent entre l'Algérie et le Maroc ne saurait ériger la frontière en obstacle, mais en faire au contraire un lieu d'interpénétration des sentiments et des intérêts». Cet engagement avait été pris en présence d'une quarantaine de représentants de pays africains venus assister au sommet de l'Organisation de l'Unité Africaine organisé à Rabat. Les deux leaders avaient affirmé que «par la conclusion et la signature de la convention définissant la frontière algéro-marocaine et la convention de coopération de la mise en valeur de la mine de Gara-Djbilet, nous entendons établir une paix permanente pour les siècles à venir». Hassan II portait en effet un intérêt particulier à l'exploitation de la mine Gara Djbilet, soulignait Abdelhadi Boutaleb alors ministre des Affaires étrangères. «A mon retour de Tunisie (juin 1972), le Roi Hassan II m'a chargé de suivre le dossier avec mon homologue Abdelaziz Bouteflika. Il m'a dit: "Traite cette question avec diligence pour que le point concernant la mine de Gara Djebilet arrive à sa phase d'application"», racontait-il. Mais ses tentatives d'organiser une réunion avec son homologue Abdelaziz Bouteflika sont restées vaines. Les Algériens n'ayant jamais accepté le partage, l'exploitation mixte de la mine est mort née. La question du Sahara occidental leur a donné un autre argument pour se dérober de leurs obligations. Presque cinq décennies après la signature de l'accord sur le tracé des frontières, le pouvoir algérien a passé sous silence cette coopération avec le Maroc pour l'exploitation de Gara Djbilet. Pourtant cette même convention de 1972 a été invoquée par Alger pour justifier l'expulsion de fermiers marocains de l'oasis d'El Arja (Figuig) il y a quelques semaines. Une amnésie qui n'a pas épargné le Maroc qui ne reparle plus de Gara Djbilet. Article modifié le 2021/04/01 à 13h29