Si le rêve français existe, il y en a bien une qui doit le vivre. Partie de rien – ou plutôt de nulle part, la porte-parole de François Hollande durant sa campagne, Najat Vallaud-Belkacem, vient d'être nommée ministre des droits de la femme et porte-parole du gouvernement au sein du gouvernement Ayrault. De sa campagne rifaine à la consécration politique, retour sur le parcours d'une MRE qui n'a pas dit son dernier mot. Beni Chicker, 4 Octobre 1977. Dans ce petit village situé à la périphérie de Nador, en plein cœur du Rif, née Najat Belkacem. Origines, études et débuts professionnels Cadette d'une fratrie de sept enfants, Najat coule paisiblement les quatre premières années de son enfance dans les montagnes rifaines. Puis, en 1982, alors que son père exerce depuis quelques années déjà le métier d'ouvrier du bâtiment en France, elle, sa mère et sa grande sœur, Fatiha, décident de l'y rejoindre. La famille s'installe alors à Amiens. En Picardie, loin du bouillonnement de la capitale française, Najat Belkacem réalise un parcours scolaire exemplaire. A 18 ans, et en dépit d'un contexte de durcissement des lois sur l'immigration, elle obtient sa nationalité française. C'est alors que, motivée par les conseils de sa mère et de sa sœur aînée, devenue avocate, la Française fraîchement naturalisée décide de monter à l'assaut des grandes écoles parisiennes. Son ambition avouée : devenir «autre chose qu'une ouvrière ou qu'une mère de famille ». Après deux tentatives infructueuses visant à faire l'ENA, la franco-marocaine intègre Sciences Po où elle rencontre Boris Vallaud, son futur mari, et fait la connaissance de Me. Caroline Collomb, épouse du maire socialiste de Lyon. Par son intermédiaire, elle intègre alors un poste dans le cabinet du maire-sénateur, Gérard Collomb, une figure éminente du PS, qui lui inocule «le virus de la politique». Un virus dont elle ne guérira plus. Une ascension fulgurante : Dix ans de politique et déjà ministre En dix années de militantisme au sein du PS, l'ascension de NVB est fulgurante : en avril 2002, elle intègre le parti socialiste en tant que chargée de mission ; en mars 2004, elle est élue conseillère régionale Rhône-Alpes ; en 2005, elle devient conseillère nationale au Parti socialiste ; en 2007, après avoir été pendant un an l'assistante parlementaire de Béatrice Marre, députée de l'Oise, elle rejoint en février l'équipe de campagne de Ségolène Royal en tant que porte-parole de la candidate à l'élection présidentielle ; en mars 2008, elle est élue conseillère générale du Rhône lors des élections cantonales ; en 2011, elle est à nouveau promue porte-parole de Ségolène Royal lors de sa candidature à la primaire socialiste ; en novembre de la même année, François Hollande, tout juste désigné comme candidat du Parti socialiste à la présidentielle de 2012, la nomme porte-parole pour sa campagne présidentielle ; enfin, en mai 2012, alors que François Hollande vient d'être élu Président de la République Française, arrive pour Najat Vallaud-Belkacem l'heure de la consécration : elle est nommée ministre des Droits des Femmes et porte-parole du gouvernement dans le gouvernement Ayrault. Un parcours semé d'embûches Bien qu'exemplaire, l'ascension de Najat Vallaud-Belkacem n'en a pas pour autant été une promenade de santé. Même si elle se dit chanceuse d'avoir réussi à «passer entre les gouttes de la discrimination», la jeune maghrébine a dû batailler ferme pour se faire sa place au soleil. Ses origines maghrébines ne lui ont effectivement pas toujours été de précieux apport. «Aussi étrange que cela puisse paraître, c'est au moment où j'ai commencé à faire de la politique que mes origines et ma différence ont refait surface», confie-t-elle à la MAP. Mais le moment où ses origines lui ont peut-être porté le plus préjudice, c'est lors de la dernière campagne présidentielle. Avec un UMP en perte de vitesse, et qui cherchait coûte-que-coûte à charmer l'électorat d'extrême-droite, les racines maghrébines de la jeune rifaine sont devenues l'argument ad hominem par excellence d'une opposition qui préférait agiter l'épouvantail de l'immigration plutôt que d'aborder les ratés de son propre bilan. Parmi les critiques montées en épingles, et qui lui ont été adressées par le camp adverse durant la campagne, celle «d'être contre la nationalité française et la préférence nationale» en France mais «pour la défense de l'identité» du Maroc, «démontrée » par son appartenance au CCME (Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger), a été la plus marquante. Démentant ces allégations, la jeune Rifaine est malgré tout restée impavide, convaincue que ses origines n'étaient pas un handicap, mais au contraire bel et bien ce qui faisait sa force. Et l'avenir a finit par lui donner raison. Car de fait, si François Hollande déclare l'avoir «choisie pour son expérience de 2007, [...] parce qu'elle a une pensée claire [...] sait l'exprimer, [...] qu'elle aime réussir, sans arrogance, sans écraser personne», il ne dément pas non plus de l'avoir «choisie aussi pour être une femme, jeune et issue de l'immigration».