Alors que des Marocains appellent au boycott de certaines marques d'huile de table suite à une hausse des prix qu'ils considèrent comme «soudaine» et «injustifiée», les associations de protection du consommateur exigent une intervention de l'Etat et l'activation des mécanismes prévus pour protéger le pouvoir d'achat des citoyens. La flambée des prix de l'huile de table au Maroc, impactée par la hausse des prix des intrants à l'international, n'inquiètent pas que les consommateurs qui multiplient, sur les réseaux sociaux, les appels au boycott de certaines marques. Du côté des associations de protection du consommateur, l'heure est également à la dénonciation d'une décision qui impactent les Marocains à un moment où ils sont plus vulnérables. «Notre position est claire et nous dénonçons toute augmentation de prix non justifiée économiquement, d'autant plus qu'elle arrive à un moment crucial ; celui de la crise sanitaire durant laquelle le pouvoir d'achat du consommateur marocain atteint son plus bas niveau enregistré depuis très longtemps», regrette Bouazza Kherrati. Le président de la Fédération marocaine des droits des consommateurs (FMDC) estime que «l'augmentation du prix de l'huile de table, malgré les justifications des sociétés qui évoquent la hausse des prix de produits de base à l'international, ne doit pas être traduite par deux dirhams le litre». Des soupçons sur une entente entre les professionnels «Augmenter les prix de l'huile de table ou d'autres produits de première nécessité, notamment à la lumière de la pandémie qui a affecté le pouvoir d'achat des Marocains, est arbitraire et unilatérale», affirme pour sa part Abdessadeq Lafraoui, président de l'Association marocaine pour la protection et l'orientation du consommateur (AMPOC), basée à Marrakech. «Le consommateur n'a pas été informé de la décision jusqu'à ce qu'il se heurte à la réalité. Il fallait au moins respecter l'un des droits octroyés par la loi 31.08, qui prévoit des mesures de protection des consommateurs, dont le droit à l'information.» Abdessadeq Lafraoui Pour sa part, le président de l'Association de protection du consommateur Uniconso, et secrétaire général de la Fédération nationale des associations des consommateurs au Maroc (FNAC), Ouadie Madih rappelle que l'huile de table est un produit essentiel dans le panier de la ménagère. Ainsi, «si le prix de l'huile est augmenté, il impacte directement le pouvoir d'achat du consommateur, quelle que soit sa catégorie socio-économique». Mais si elles s'accordent à dénoncer l'augmentation des prix, certaines ONG de protection du consommateur vont jusqu'à pointer du doigt une «entente présumée» sur cette hausse coordonnée. «Les prix sont libres, mais nous contestons l'entente présumée entre les différentes sociétés pour appliquer cette augmentation», fustige le président de la FMDC qui sollicite dans ce sens le Conseil de la concurrence afin d'«intervenir pour enquêter sur cette entente présumée et en même temps le monopole existant dans ce secteur». «Si cela se confirme, la loi de libéralisation des prix et de concurrence, qui empêche les entreprises de s'entendre et impose la liberté de production et d'écoulement des produits pour que le consommateur se retrouve face à une large sélection, doit être activée», complète de son côté le président de l'AMPOC. Maroc : Appel au boycott des huiles de table après une «augmentation soudaine des prix» Une intervention de l'Etat pour réguler les prix Les ONG appellent, dans ce sens, à une intervention de l'Etat. «Normalement, le gouvernement doit veiller à ce que le consommateur puisse avoir accès à ce produit, au moment où le marché mondial connait actuellement une fluctuation des prix des matières premières», explique le président d'Uniconso. «Si le prix a augmenté chez tous les professionnels, le gouvernement devait intervenir en prenant en charge la différence, conformément à l'article 4 de la loi 114-12 sur la liberté des prix et de la concurrence. Cet article lui permet de réguler le prix s'il constate qu'il y a une nécessité pour maintenir l'équilibre du marché, pour une période de six mois renouvelable une fois.» Ouadie Madih Plaidant donc une «intervention du gouvernement» pour baisser le prix de l'huile de table, il rappelle que l'exécutif «l'a déjà fait récemment pour les masques contre la Covid-19 et les gels hydroalcooliques, en régulant leurs prix». «Le gouvernement dispose d'un ensemble de mécanismes qui lui permettent de sanctionner les entreprises qui ont tendance à nuire aux consommateurs marocains», ajoute de son côté Abdessadeq Lafraoui. Ouadie Madih rappelle également que le dernier mot reste celui du consommateur, qui aura le choix du produit à acheter. «Le consommateur doit aussi jouer son rôle en tant que régulateur du marché. Malheureusement, nous n'en avons pas encore pris conscience», regrette-t-il. «Si ni le conseil de la concurrence ni le consommateur n'intervient, cela sera au profit du professionnel qui peut ainsi faire ce qu'il veut dans un contexte où il n'y a personne qui l'oblige à respecter les règles du jeu», conclut-il. D'ailleurs, le PAM a adressé lundi une question écrite au chef du gouvernement, l'interrogeant sur les mesures à prendre pour revoir les prix de l'huile de table et «lutter contre les pratiques qui sapent gravement le pouvoir d'achat des citoyens marocains». Article modifié le 2021/02/23 à 22h43