Le Conseil de l'Europe va examiner un projet de loi visant à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs saisonniers non-ressortissants de l'UE. Des droits, tels qu'un salaire minimum ou l'accès à un logement décent, pourraient leur être reconnus. Approuvé par la Commission des libertés civiles, ce projet de loi concernerait plus de 100 000 travailleurs venant de pays tiers de l'UE, parmi lesquels quelques dizaines de milliers de saisonniers marocains. Dans un bulletin d'information publié sur le site HF Conwatch la semaine dernière, le rapporteur du Parlement Européen, Claude Moraès, annonçait qu'il venait de soumettre à la Commission des Libertés Civiles, de la Justice et des Affaires Intérieures du Parlement «un rapport sur la protection des travailleurs saisonniers». C'est donc enthousiaste qu'il a vu son projet adopté, le 25 avril, de façon quasi-unanime (52 voix pour, aucune voix contre et une abstention) par la Commission. «Nous voulons lutter contre l'exploitation de travailleurs non qualifiés de pays tiers dans l'UE, en assurant un ensemble de droits fondamentaux et des conditions de travail minimales », a-t-il déclaré. Il s'agit de la première tentative d'encadrer par la loi l'emploi saisonnier au niveau de européen. Parmi les règles annoncées dans le projet, cinq retiennent particulièrement l'attention : - Contrat de travail et logement décent : toute demande d'un «permis de travail saisonnier» devra inclure un contrat ou une offre de travail ferme, ainsi que la garantie de la mise à la disposition du travailleur d'un logement décent. - Droits sociaux et frais de déplacement : des conditions minimales de travail et de droits sociaux (adhésion à un syndicat, accès à la sécurité sociale ou aux services publics) seront assurées par la signature du contrat entre les deux parties (saisonniers et employeurs). Les titres de séjours seront accordés en fonction de la durée du séjour et les frais de déplacement devront être pris en charge par l'employeur. - Durée du permis et extensions : Dans un délai de six mois, les travailleurs qui en font la demande pourront prolonger leur contrat ou changer d'employeur. Durant la même période, s'ils déposent plainte contre leur employeur, ils seront autorisés à rester dans l'Etat membre, tout en cherchant un autre emploi saisonnier. - Permis pluri-saisonnier : Pour faciliter les flux de travailleurs en provenance des pays tiers et à destination de l'UE, les saisonniers pourront bénéficier soit d'un «permis multi-saisons» couvrant une période de trois années consécutives, soit d'une simplification des procédures de demandes de retour dans le pays de l'Union dans lequel il travaille - Sanctions, inspections et plaintes : En cas de violation de ces règles, les employeurs seront soumis à «des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives», allant de l'indemnisation du travailleur concerné à l'interdiction pure et simple d'en employer pendant plusieurs années. A cette fin, l'inspection et le contrôle du respect des quatre règles sus-établies reviendra à chacun des Etats membres de l'Union. Mises en rapport avec la législation française, ces règles représentent une avancée. Parmi celles convergeant avec les règles du projet de loi Moraès, la rédaction d'un contrat de travail dans lequel sont spécifiées la rémunération, les primes, les conventions collectives applicables et la période d'essai, sont déjà imposées à l'employeur français, selon le site de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration «Comme tout salarié, le saisonnier marocain travaille 35 heures par semaine, peut effectuer des heures supplémentaires rémunérés [et a droit à des] conditions de travail, de rémunération minimum (SMIC) et de logement proposées répondant aux normes en vigueur en France» précise l'OFII. A contrario, le site précise que c'est l'OFII qui «assume la charge de l'acheminement des saisonniers du Maroc vers la France, et vice-versa» et non pas l'employeur, comme le voudrait le projet de loi Moraès. En outre, aucune mention n'est faites des droits sociaux accordés aux saisonniers Marocains en France, ni même de leur droit à la couverture maladie universelle (CMU). La question du recours judiciaire en cas de litige avec l'employeur n'est quant à elle même pas abordée, alors qu'elle constitue l'un des droits essentiels que veut reconnaitre le projet de loi européen. Enfin, aucune sanction n'est évoquée sur le site de l'OFII à l'encontre des employeurs ne respectant pas les lois en vigueur. Dérives : L'affaire « Aït Baloua » L'ignorance des sanctions, ou bien leur simple inexistence, peut expliquer pourquoi les dérives en matière de recrutement de saisonniers, marocains ou autres, sont nombreuses aujourd'hui. En témoigne l'histoire de Baloua Aït Baoula, saisonnier marocain qui a travaillé entre 1982 et 2005 sur une exploitation de pommes à Charleval, en France avec des contrats OMI (Office des migrations internationales) systématiquement renouvelés. Le renouvellement et l'allongement systématique de la durée de ses contrats permettaient à ses employeurs d'éviter de régulariser sa situation, les exonérant ainsi du paiement des charges sociales. Mr. Baoula ne pouvait donc bénéficier d'aucune prestation sociale, qu'il s'agisse d'allocations chômages ou bien du minimum vieillesse. Heureusement, Mr. Baoula a porté l'affaire devant les tribunaux, et en 2008, il a fini par obtenir gain de cause. L'Etat français lui a alors délivré une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » et versé 3 000 euros d'indemnités en compensation du préjudice moral subi.