Un travailleur agricole marocain a obtenu gain de cause devant le Conseil d'Etat français, qui a ordonné au Préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire «vie privée et familiale» et qui a condamné l'Etat à payer 3000 euros d'indemnités au Marocain. Une première en France, mais des indemnités bien minces.. C'est en 2007 que M. Baloua Aït Baloua, 53 ans, a saisi la haute autorité de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE). Entre 1982 et 2005 il avait travaillé chaque année sur une exploitation de pommes à Charleval dans les Bouches-du-Rhône, et ce avec des contrats de saisonnier dits OMI (office des migrations internationales) délivrés par la Direction départementale du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle sous contrôle de la Préfecture, systématiquement renouvelés. Ces contrats permettent, en principe, d'être employé et de recevoir un titre de séjour et de travail pour la durée de 6 mois. A titre dérogatoire et exceptionnel, ces contrats peuvent être prolongés de deux mois, mais dans les Bouches-du-Rhône, cette prolongation «se serait généralisée», selon une délibération de la HALDE. Cette dernière estimait que «par son caractère systématique, le recours à des contrats d'une durée de huit mois constituerait un détournement de procédure qui aurait pour effet de pourvoir aux besoins permanents de travail agricole avec une main d'œuvre recrutée sous statut de saisonnier.» Ce statut libère les employeurs des charges sociales, ce qui veut dire que pendant ces 24 années pendant lesquelles M. Baloua Aït Baloua a passé au moins 8 mois en France, il n'avait pas d'assurance maladie, pas droits aux allocations chômage ni de retraite. Il était en emploi précaire sans droits aucuns, bien qu'il ait «fixé en France le centre de ses intérêts professionnels», comme le reconnaît le Conseil d'Etat dans sa décision du 25 mai. Pour en arriver à cette décision, le Marocain, soutenu par la HALDE, a dû passer bien des étapes administratives. Refus de titre de séjour, recours, appel,... pour que finalement, la HALDE saisisse le Conseil d'Etat qui décide d'annuler l'arrêt de la cour administrative de Marseille. De plus, il ordonne au Préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire «vie privée et familiale», qui lui accorde plus de droit que la carte de séjour «salarié» qu'il avait recu en 2009. Finalement, l'Etat doit payer 3000 euros d'indemnités au Marocain. C'est une première en France, comme l'indique le quotidien suisse Le Temps. Une première, certes, mais une première ratée, si l'on considère l'indemnité accordée. Le maintient dans la précarité d'un travailleur agricole pendant 24 ans ne vaut apparemment qu'un dédommagement à peine plus haut qu'un seul salaire net mensuel d'un cadre de la fonction publique..