L'année 2021 a été marquée par une détérioration des relations entre les deux grands voisins maghrébins, rapidement et sûrement. Il est vrai que depuis le spectaculaire rapprochement entre Rabat et Tel Aviv et la non moins spectaculaire reconnaissance de l'intégrité territoriale du Maroc par Washington, fin 2020, Alger ne décolère pas. Et tous les moyens sont bons pour sévir contre le Maroc, sauf que cela peut s'avérer, à terme, dangereux… Les relations entre Alger et Rabat n'ont jamais été bonnes, depuis que l'Algérie a obtenu son indépendance en 1962, puisque moins d'un an après, les deux armées s'affrontaient, avec une victoire militaire et politique du Maroc et une victoire diplomatique algérienne. Et dès l'année 1965, Alger a pris fait et cause pour les manœuvres diplomatiques espagnoles, engagées pour compliquer la récupération par le Maroc de son Sahara et facilitées par une forme de naïveté et d'impréparation de la diplomatie marocaine naissante. Par la suite, il y a eu 1976 et un affrontement direct entre les deux armées à Amgala, puis une éclaircie en 1988 avec la naissance de l'UMA à Marrakech, et ensuite une rechute en 1994 après l'attentat de l'hôtel Atlas Asni à Marrakech. Tout au long de cette période, on peut dire que chacune des deux capitales a eu sa part de responsabilité, car il faut être deux (au moins) pour entrer en conflit. 2019, Alger. Hirak, départ précipité du président Bouteflika, re hirak, annulation d'une présidentielle, fébrilité et nervosité des généraux, élection en décembre avec un taux de participation, dit-on, à un chiffre, et étrange mort du chef d'état-major Gaïd Salah. Abdelmajid Tebboune arrive donc, et Saïd Chengriha aussi, les deux étant peu préparés aux fonctions auxquelles ils ont accédé sans s'y attendre quelques mois auparavant. Le Covid ne faiblit pas, pas plus que le hirak et les emprisonnements répétés et accélérés. M. Tebboune ne dit rien ou bien, trop souvent, n'importe quoi, et Chengriha, plus guerrier que jamais, plus martial que tous, ne cesse de désigner le Maroc par le mot « ennemi ». Contrairement à leurs deux prédecesseurs respectifs, qui avaient une meilleure approche des enjeux maghrébins, MM. Tebboune et Chengriha brillent tous deux par leur médiocrité qu'ils masquent par de l'agressivité. Et arrive 2021, donc, avec son enchaînement d'actes inamicaux, puis hostiles. En mars, l'armée algérienne fait une intrusion dans la zone de Figuig et ordonne aux fermiers de quitter leurs exploitations, qu'elle déclare en territoire algérien. En mai, le président intime l'ordre à ses entreprises publiques, et même privées, de ne plus travailler avec leurs homologues marocaines. En juillet, Ramtane Laamamra arrive à la tête de la diplomatie, avec en bandoulière sa solide haine pour le Maroc, et le même mois, la revue el Djeich se fend de plusieurs longues pages d'insultes et d'attaques aussi virulentes que stupides contre le royaume. En août, on accuse le Maroc d'être responsable des incendies en Kabylie et M. Laamamra rompt les relations avec Rabat, après avoir décidé de ne pas reconduire l'accord d'acheminement du gaz vers l'Europe via la Maroc et, plus tard, de fermer les liaisons aériennes et d'interdire le ciel algérien aux aéronefs marocains. C'est ce que, en matière de relations internationales, on appelle escalade ! Et alors qu'en août, les usagers des autoroutes marocaines remarquaient des mouvements de blindés vers le sud et l'est et qu'en septembre, le roi Mohammed VI nommait un nouvel Inspecteur des FAR, des informations non confirmées faisaient état la semaine dernière d'une incursion militaire algérienne sur le territoire marocain, près de Boudnib. Que se passe-t-il aux frontières ? Doit-on craindre un conflit armé entre les deux pays ? Cela en a tout l'air car dans leur logique martiale, va-t-en-guerre et jusqu'au-boutiste, les généraux algériens semblent ne pas avoir de limite. Distancée de l'aveu même des Européens par le Maroc sur tous les plans, économique et diplomatique, politique et géopolitique, l'Algérie officielle le vit mal, et son état-major ne semble voir d'autre moyen que la fuite en avant, lui qui se réclame du parapluie russe et qui réclame – plus discrètement – l'aide de la France. Quel est le rôle de ce pays dans l'instabilité d'une région qu'il connaît bien pour l'avoir longtemps colonisée et pour l'avoir consciemment si mal décolonisée ? Certains diplomates disent déjà que la solution de la question du Sahara passera inévitablement par un affrontement entre les deux pays, ou ne sera pas. Mais le Maroc pacifique aura plus à perdre que l'Algérie, dont les dirigeants semblent plongés dans une spirale de démence anachronique qui aurait été risible si elle n'était effrayante. La période de tous les dangers est à venir, avec la nomination d'un nouvel Envoyé personnel et la réunion du Conseil de Sécurité fin octobre sur le Sahara, la première depuis la reconnaissance de la marocanité du Sahara par Washington. Tout pourra advenir et, de la part des militaires algériens, rien ne saurait surprendre…