Depuis plus d'une année, le Maroc est confronté à une fuite des cerveaux dans l'informatique. Les responsables du secteur dénoncent les effets pervers du visa French Tech qui simplifie les procédures pour le recrutement à l'étranger d'informaticiens. Zakaria Daanoune soupire au téléphone. Depuis plusieurs mois, le DRH de GFI Afrique, une entreprise de services du numérique française installée au Maroc voit partir ses meilleurs cadres. « Le mois dernier c'était quatorze personnes, et au mois de janvier c'était sept personnes, sur un effectif de 300 personnes. » En cause, les cabinets de recrutements français qui viennent débaucher les ingénieurs informatiques. Ainsi, selon Saloua Karkri-Belkeziz, depuis le début de l'année, chaque samedi dans un grand hôtel de Casablanca, sont organisées par ces cabinets des sessions de recrutement express. « Ils reçoivent une centaine de candidats, et en fin de journée, il y a entre quarante et cinquante contrats de recrutements qui sont faits sur place. Ils s'occupent de toute la logistique par la suite, à tel point que l'on constate des phénomènes de départ sans même accomplir les préavis dans les sociétés où ils sont, ce qui pose des problèmes pour ces sociétés. » Saloua Karkri-Belkeziz dirige l'Apebi, la Fédération des entreprises du secteur de haute technologie. Pour elle, les pratiques de ces cabinets de recrutement mettent en péril les délocalisations. Depuis 2005, le Maroc a ouvert ses portes aux sociétés européennes du numérique qui peinent désormais à trouver sur place les bons profils. Selon elle, le visa French Tech mis en place par le gouvernement Macron pour faciliter le recrutement de talents étrangers a bel et bien des effets pervers. « Ce que l'on regrette en fait, c'est que ce label n'est pas maîtrisé par la France. C'est-à-dire qu'il n'est malheureusement pas octroyé aux seules entreprises de la technologie. Les entreprises que l'on voit venir n'ont parfois rien à voir avec les technologies, certaines sont des cabinets de recrutements purs et simples. » Mounir Madjoubi, le secrétaire d'Etat français en charge du numérique qui vient de démissionner du gouvernement, récuse cette vision des choses. « Le visa French Tech ne va rien changer à l'état actuel des migrations de ces talents. L'enjeu pour le Maroc, c'est de former plus de personnes. » Justement le Maroc forme chaque année 8 000 ingénieurs de haut niveau et va donc développer encore davantage cette filière afin de pallier au manque de main-d'œuvre. L'autre solution, de plus en plus préconisée par les entreprises marocaines est d'aller recruter en Afrique subsaharienne.