Trois semaines après l'appel du roi Mohammed VI à la mise en place d'un mécanisme de dialogue entre Rabat et Alger, cette dernière continue d'hésiter… la diplomatie algérienne, après quinze jours de silence émaillé de fuites officieuses, a pris l'initiative de demander la convocation d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union du Maghreb arabe. Mais non, ce n'est pas ce que demandaient les Marocains à leurs voisins et le diplomate en chef marocain Nasser Bourita a pris sur lui de rencontrer l'ambassadeur d'Algérie sur nos terres pour lui rappeler certains fondamentaux. Ainsi, en date du jeudi 22 novembre, 16 jours après le discours de Mohammed VI, le ministère des Affaires étrangères algériens a « saisi officiellement le secrétaire général de l'Union du Maghreb arabe pour l'appeler à organiser dans les délais les plus rapprochés une réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'UMA ». La réponse marocaine n'a pas tardé, elle… quatre jours après cet appel algérien, Nasser Bourita a rencontré l'ambassadeur algérien et lui a dit en clair ce que les diplomates marocains disent en « off » depuis longtemps. Et on apprend des choses… Ainsi, durant 10 jours, les Marocains ont tenté d'établir un contact avec leurs voisins au niveau ministériel, mais en vain semble-t-il. C'est cela qui aurait incité donc Alger à « botter en touche » en réclamant la tenue d'une réunion des pays de l'UMA. Alger reste donc dans la cohérence avec sa ligne de conduite de toujours, à savoir qu'elle n'est pas partie au conflit du Sahara, mais simplement voisin ; à ses yeux, accepter un dialogue avec Rabat équivaudrait à « reconnaître » son implication aux côtés des gens du Polisario… Mais cette implication, désormais, « tout le monde la sait », comme dirait le ministre des Affaires étrangères algérien Abdelkader Messahel. Or, le roi du Maroc avait bien pris soin d'éviter de citer le Sahara dans sa proposition de création d'un « mécanisme de dialogue franc, sincère, objectif, de bonne foi, sans exceptions ni conditions ». Cela signifie que le Maroc est disposé à parler de tout. Tout ? tout. Mais pas les Algériens, qui ne veulent parler de rien… Rien ? Rien. En effet, un officiel officieux d'Alger avait qualifié dans les médias de son pays que cette proposition était un « non-événement », une semaine avant que M. Messahel trouve la « parade » à l'offre du roi : Une réunion de l'UMA… Lors de sa rencontre avec l'ambassadeur d'Alger, M. Bourita lui a alors rappelé ceci : 1/ Après le discours de Mohammed VI, la diplomatie marocaine a assuré, en toute discrétion, le « service après-vente » par des tentatives de prise de contact avec le gouvernement algérien, mais en vain. 2/ La diplomatie de Rabat attend la réponse d'Alger, la mettant en quelque sorte au pied du mur, face à la grande adhésion et approbation que cette initiative marocaine a suscité dans le monde, ONU, Afrique, Europe… 3/ M. Bourita explique la position du Maroc à l'égard de la contre-proposition algérienne : a. Ce n'est aucunement une réponse à l'offre de dialogue bilatérale formulée par Rabat, par ailleurs toujours demandée par Alger. b. Si l'UMA ne fonctionne pas, c'est que le bilatéral entre les deux grandes puissances régionales est à l'arrêt, d'où l'intérêt d'amorcer des discussions directes entre Rabat et Alger. c. Le Maroc n'a rien contre une réunion de l'UMA, déjà proposée par les Tunisiens et déjà acceptée par le Maroc, mais il n'y croit guère. Pourquoi, en effet, une 35ème réunion quand les 34 précédentes ont été vouées à l'échec, pour la raison objet de l'offre royale… Puis le ministère des Affaires étrangères insiste encore et toujours, puissamment mais sereinement, fermement mais courtoisement, sur une réponse d'Alger à la proposition de création d'un mécanisme de dialogue direct, sans médiation. En guise de réponse… pas de réponse d'Alger. Généralement prompte à réagir au quart de tour à toute initiative marocaine, de quelque nature qu'elle soit, Alger observe aujourd'hui un silence que l'on ne peut qualifier que d'embarrassé. Botter en touche une offre de rapprochement, alors que le Sahel brûle (et pas uniquement à cause du climat), que le Maghreb piétine (seulement en raison d'absence de dialogue), que le phénomène de migration massive vers le Nord s'amplifie… est incontestablement une mauvaise décision. Mais à aller voir l'agence officielle algérienne, on ne lit que des panégyriques troublants d'émotion et tremblants de passion en faveur de la « lutte du peuple sahraoui », contre le « Makhzen » (toujours en majuscule, quand même…), et au nom des idéaux de la Révolution algérienne, grands certes mais largement obsolètes. Voici ce qu'écrit par ailleurs l'agence officielle bis d'Alger, le site algeriepatriotique : « Le ministère des Affaires étrangères sous-entend, à son tour, que si retard il y a dans l'édification de l'UMA, ce ne peut pas être à cause de l'Algérie, mais bel et bien en raison de l'attitude hostile du Makhzen. D'où la nécessité de relancer des réunions du Conseil des ministres de l'UMA qui sont de nature à introduire un effet catalyseur susceptible de redynamiser les activités des autres organes de l'Union du Maghreb arabe. La balle est donc désormais dans le camp marocain. Mohammed VI a voulu piéger l'Algérie en lui tendant une main fourbe, il se retrouve prisonnier de son propre piège. Il voulait dialoguer avec ses 'frères algériens', ceux-ci ont répondu que cela devra effectivement se faire dans le cadre de l'ensemble maghrébin ». Fort bien, mais voilà ce qu'est, par exemple, une réunion maghrébine… Selon une source marocaine qui avait participé à une réunion sur la crise libyenne à Tunis, il aura fallu pas moins de 5 heures de discussion pour… trouver un nom à la conférence de conciliation de Skhirat. Alger ne voulait pas entendre parler de Skhirat dans le nom de la conférence de paix, et Rabat de lui rappeler que comme « les accords d'Alger », « les accords de Paris », « le traité de Rome », ou même de Versailles, les conférences internationales portent généralement le nom de la ville qui les a abritées… Donc, Nasser Bourita a raison de douter de l'utilité d'une réunion maghrébine. Et tout cela se produit à quelques jours de la table ronde de Genève, qui devra réunir Marocains, Algériens, Mauritaniens et Polisariens sous le regard acéré et concentré de Horst Kohler qui, semble-t-il, commence à se faire une idée des responsabilités de chacun… M. Messahel devra peut-être expliquer le refus de rencontre formulée par Mohammed VI, car aujourd'hui, les pires ennemis du monde se rencontrent et discutent, ou du moins essaient de discuter. Le problème n'est pas tant de ne pas parvenir à un accord que de refuser tout rapprochement. Sous les regards de plus en plus énervés de la communauté internationale…