Que signifie que nous ayons des discours qui ne reflètent pas nos comportements au quotidien ? Que signifie de brandir tous ces slogans, en agissant exactement à l'inverse tant que le public qui reçoit ces slogans ne nous regarde pas agir, après nous avoir entendu clamer et proclamer tant et tant de choses ? Il existe d'aussi nombreux que divers exemples de ce qui précède dans nos vies de tous les jours : Des associations, des organismes de défense des droits humains… qui piétinent allégrement les droits de leurs propres employés. Rien de plus « normal », pourrait-on dire puisque ces droits, et surtout leur respect, n'apparaissent pas en fin d'année dans les bilans d'activité, pas plus qu'ils ne se reflètent dans les discours et les proclamations. Voilà une institution de défense, au grand jour, des droits des personnes à besoins spécifiques, mais qui, derrière le rideau, refuse de reconnaître à une employée enceinte le droit de demander à ne pas prendre le train chaque jour pour aller à son travail. Cette femme propose pourtant des solutions qui lui permettraient de prendre soin de sa santé tout en arrivant aux mêmes résultats ; mais non, cette association ne veut pas admettre que l'état de grossesse peut engendrer, et engendre souvent, des besoins spécifiques que l'on doit prendre en considération, surtout quand la femme concernée préconise des formes de travail qui assure les performances et la productivité habituelles. Voilà encore des groupes ou entreprises de presse qui critiquent à tout va, brandissent des slogans rageurs quant au respect de la loi et de la démocratie, qui ne laissent rien passer à personne mais qui, vérifications faites, ne paient pas leurs cotisations sociales… et nous ne parlons même pas des retraites ou des assurances-maladies complémentaires, mais bel et bien des cotisations légales obligatoires… Oh bien évidemment, on critique le roi, on égratigne le gouvernement, on s'attaque au parlement, même si l'institution qui fait cela ne respecte aucunement ses propres obligations réglementaires et sociales. Il existe aussi des associations de la société civile et des médias qui portent haut les valeurs citoyennes, qui proclament leur modernité et qui disent défendre les libertés individuelles et collectives mais qui n'ont que très peu de considération pour leurs partenaires et/ou leurs salariés : mensonges récurrents, retard dans le respect des engagements, irresponsabilité à multiples facettes… Des gens qui nous assourdissent à longueur d'entretiens de leur amour pour leur patrie, de leur attachement indéfectible à l'intégrité territoriale, qui n'en peuvent plus de brandir les couleurs nationales… mais qui se gardent bien de payer leurs impôts le moment venu… Des militantes qui font de leur combat en faveur des femmes une raison de vivre, dont les noms deviennent quasi légendaires dans leurs domaines, mais qui n'ont que mépris pour les droits les plus élémentaires de leurs personnels de maison car à leurs yeux, les seuls droits des femmes qu'elles reconnaissent sont le quota et la discrimination positive qui permet des responsabilités effectives… Des défenseurs des droits qui passent leurs temps à parler modernité et à causer libertés mais qui, une fois dans leurs vies habituelles, oublient tout cela… Ils ne sont pas conservateurs – étant entendu qu'être conservateur n'est absolument pas une tare – mais plutôt profanateurs et mystificateurs. Ces gens soliloquent à longueur de journées sur les libertés individuelles mais, la nuit tombée, se trouvent offusqués de trouver face à eux des gens qui ne consomment pas d'alcools, comme si la dive bouteille était en elle-même un symbole de la modernité, alors même, on le sait, que la plupart des piliers de bars au Maroc sont plus conservateurs que quiconque… Et même quand ils causent de la chose, aucun de ces si vertueux personnages ne se résout à admettre que le respect des libertés individuelles passe aussi par celui d'un individu portant les valeurs de modernité mais qui n'aime pas boire de l'alcool. Et nous avons, bien évidemment, les gens pieux – du moins en apparence – mais qui ne crachent pas sur le matériel et le vénal, en piétinant au besoin les droits des faibles et des opprimés, proches ou lointains. Ils mentent et bonimentent, se faisant tour à tour hypocrites ou escrocs… en couvrant le tout d'un vernis de piété. Des groupes, des grappes de gens passent des heures entières de leurs saintes journées à vitupérer contre ces parents irresponsables qui gâtent leurs progénitures, qui exercent sur elles de si néfastes influences (à leurs yeux) ou qui les délaissent et s'en désintéressent…mais quand l'un d'eux, parmi ces preux et valeureux moralisateurs, déclare qu'il ne veut pas avoir d'enfant car il ne sent pas capable d'endosser cette responsabilité parentale pour une raison ou pour une autre, ses commensaux lui jettent des regards obliques ou le toisent de haut en lui disant sur un ton docte : « Tu verras, tu finiras par changer d'avis »… Et que de jeunes qui se plaignent des exigences de noces faites par les filles, avec toutes les dépenses et le tapage, mais qui, une fois qu'ils voient sur Facebook un jeune couple ayant affiché des photos de leur voyage de noce décidé en lieu et place d'un mariage princier, marquent leur désapprobation grincheuse et souvent réprobatrice. Que de couples ont marié leur fils dans une débauche d'argent, un argent qu'ils n'avaient pas et qu'ils ont dû rembourser des années après la noce mais qui, quand leur fille vient leur apprendre qu'elle veut convoler sans tapage ni vacarme, dans la discrétion et l'intimité avec son promis, la sermonnent et la mettent en garde contre cette déviance qui lui coûterait tant, à elle et aussi à eux…comme si le mariage à la marocaine était le passage obligé vers le bonheur ! Quelle candeur ! Des exemples comme ceux-là, on peut en dérouler à l'infini et nous en avons tous connu, d'une manière ou d'une autre, sur tel ou tel sujet, jusqu'à la nausée… Mais on en arrive, finalement, à la conclusion que le slogan est facile mais que sa mise en pratique n'est pas si aisée… Le plus difficile est de faire ce que l'on dit et de concrétiser nos slogans, loin de toute hypocrisie sociale… ou alors, que l'on se taise si on est incapables de changer en nos fors intérieurs. Les Français ont un dicton qui résume bien tout cela : « Pour donner des leçons d'hygiène, il faut avoir le cul propre ».