Une première ! Abdelilah Benkirane était l'invité, jeudi soir, des anciens de Sciences-Po à la Bourse de Casablanca. L'occasion pour lui de séduire une frange de la société, habituellement hostile aux idées des islamistes. Abdelilah Benkirane a eu une heure pour convaincre les financiers de Casablanca. Le secrétaire général du PJD a fait une entrée remarquée. Passant en revue tous les sujets, même ceux qui fâchent, le dirigent islamo-conservateur a axé son discours sur le pragmatisme de sa formation. Pour lui, la priorité est de réhabiliter la politique et la confiance entre hommes politiques et citoyens. Quand aux libertés individuelles, tout en restant dans son rôle, le chef du parti de la Lampe a assuré que ses positions ont bien évolué. Les produits financiers Pour Benkirane, la réforme du système financier est impossible. « Ces produits, personne ne peut les toucher. Le PJD est un parti réaliste, on ne peut pas imaginer que le PJD puisse créer un nouveau système économique », déclare-t-il. Pour lui, l'objectif du PJD est autre : « Nous souhaitons instaurer plus de sérieux dans la gestion des affaires publiques. Ce dont le Maroc a besoin en priorité, ce sont des hommes qui gèrent la chose publique en toute transparence », assure-t-il. Interdiction de l'alcool Benkirane a assurément mis de l'eau dans son vin. Non seulement il réfute toute idée de vouloir interdire l'alcool « Si jamais l'alcool est interdit, nous allons créer le phénomène d'Al Capone (allusion faite à la période de prohibition aux Etats-Unis), où des circuits mafieux prendront les règnes de ce commerce», explique-t-il, mais il s'essaie aussi à l'Ijtihad, « le Coran a d'ailleurs rendu la consommation d'alcool pêchée (haram), mais non prohibée (mamnou3) », poursuit-il, au grand étonnement de l'assistance. « Si le PJD est au pouvoir, nous n'allons pas interdire l'alcool. Par contre, nous allons faire en sorte de convaincre les gens à diminuer leur consommation. Légiférer dans ce domaine est désormais impossible», tient à conclure Benkirane. Liberté de la femme Non, le PJD n'obligera pas la femme à porter le voile, ni à lui interdire d'aller à la plage. « Soyez tranquilles, l'humanité ne reviendra pas en arrière. Personne n'a le droit d'obliger une femme à porter le voile… », s'explique-t-il. Sur l'héritage par contre, le secrétaire général du PJD se veut intransigeant en déclarant : « l'héritage est inscrit dans le Coran, c'est Dieu et non pas l'homme qui connaît le mieux l'intérêt de la femme. En plus de cela, Dieu a obligé l'homme à prendre en charge les dépenses de la femme ». Le G8 Pour le dirigeant du PJD, le G8 n'est qu'une manœuvre diligentée par le PAM. « Comme le PAM n'a plus de crédibilité, on lui a rajouté des couvertures : au début ils étaient quatre, il semble qu'il avait toujours froid, on lui a donc rajouté quatre autres, et je crois qu'il aura besoin d'autres encore », déclare-t-il non sans ironie. « Les personnes qui sont en train de concocter toute cette affaire mettent en danger la stabilité de l'Etat Marocain », s'alarme-t-il. Ses rapports avec le roi Sur ce point, Abdelilah Benkirane est demeuré ambigü mais conciliant. « Sur le plan symbolique, le roi est intouchable. Je suis un monarchiste convaincu… sans la monarchie, on ne sait pas ce qu'on sera ». Concernant le câble de wikileaks dans lequel le roi se serait montré méfiant vis-à-vis des islamistes, embarrassé, Benkirane répond que « les rapports entre le roi et moi sont basés sur le respect, et si le roi ne m'aime pas, ce n'est pas mon problème, il finira certainement par nous aimer lorsqu'il verra notre travail. ».