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Le débat sur l'avortement, à Rabat, comme si vous y étiez
Publié dans PanoraPost le 28 - 09 - 2017

Lundi 16 mars 2015, Bibliothèque nationale, Rabat. Il est 14h30. Dans quelques instants, le débat sur l'avortement et sur l'amendement de la loi s'y rapportant va démarrer. Tout le monde est sur le qui-vive, dont et surtout le professeur Chafik Chraïbi en tête. Il est le plus stressé de tous, même s'il essaie de le masquer. Normal, toutes sortes d'émotions se bousculent dans son cerveau. C'est pour lui un jour historique, comme il l'a noté sur son profil Facebook le matin même, à quelques heures de la conférence.
Les intervenants, les invités, les curieux… tout le monde se dirige vers l'auditorium. Le journaliste Rachid Hallaoui est tout aussi stressé. Mais il était loin d'imaginer la tournure du débat et surtout la fébrilité des femmes présentes. Le débat commence, puis est parti dans tous les sens… ça hue, ça crie, ça gesticule…. Le modérateur ne peut réprimer de lancer un « c'est chaud ! ». Oui c'est chaud, et même brulant.
Lors le premier panel : « l'avortement vu par les experts », le public composé d'acteurs sociaux, d'artistes, d'étudiants, est plus ou moins calme. Sur le podium, c'est le ministre de la Santé Houssaine El Ouardi qui ouvre le débat. Après avoir démis le professeur Chraïbi de son poste et être revenu (après vive polémique) sur sa décision, bien de l'eau a coulé sous les ponts. « Vous savez, tout le monde pense que nous sommes ennemis. Je sais que les gens auront du mal à le croire, mais nous sommes en réalité de vrais amis », nous dira un Chafik Chraïbi souriant, quatre heures après un débat vif et intense. Les relations se sont assainies… Alors, plus de frictions entre le ministre et Chafik Chraïbi ? « Oui, ça s'est réglé. Je suis invité à reprendre mon poste de chef de service. Mais j'hésite encore ». Pour l'ancien/futur chef de service de la maternité des Orangers, cet épisode où sa dignité a été bafouée est en quelque sorte un mal pour un bien. « Ce qui s'est malheureusement passé a pu finalement donner naissance à ce débat et ça, c'est positif », explique, philosophe, le professeur.
Revenons à la conférence. Houssaine El Ouardi a dit et redit les propositions pour réguler l'avortement. Des propositions qui ont déjà été révélées lors de la rencontre organisée la semaine dernière par son département, mais des idées et mesures tranversales. Accéder à l'information sur la santé, communiquer sur la pilule du lendemain, et amorcer le débat sur la loi autour de l'avortement médical, c'est-à-dire en cas de viol, d'inceste et de malformations fœtales. C'était là les mots clé du discours du ministre de la Santé, qui a quand même tenu à remercier deux fois Chafik Chraïbi pour l'avoir invité à ce débat.
Le Pr Chraibi est, lui, entré dans le vif du sujet. « Nous voulons amender l'article 453 du code pénal qui existe depuis longtemps et qui autorise déjà l'interruption de la grossesse lorsque la santé de la mère est menacée ». Le professeur, président de l'association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC) est clair : « L'avortement ne doit pas être puni quand il vise à sauvegarder la vie et la santé de la femme !».
Si, au deuxième panel, la majorité des politiques présents sont favorables à l'avortement en cas de viol, d'inceste et de malformations fœtales, pour Chafik Chraïbi en revanche, cela ne va régler que 5% ou 10% du problème. C'est pour cette raison que le président de l'AMLAC propose de créer une commission d'éthique dans chaque hôpital provincial. Cette commission doit être composée du médecin-chef, d'un gynécologue, d'un psychiatre, d'un psychologue, d'une assistance sociale et d'un représentant du conseil des oulémas de la ville.
Cette instance aura pour rôle d'étudier tous les cas qui lui seront exposés et devra rendre sa réponse dans la semaine. L'âge maximal de l'interruption de grossesse ne dépassera pas douze semaines, sauf pour les malformations fœtales pour lesquelles il faut prévoir 20 semaines. Ces interruptions de grossesse se feraient alors à l'hôpital public ou, éventuellement, dans une clinique privée, après accord du comité d'éthique. Ledit comité, suggéré par le professeur Chraïbi, n'a pas réellement emporté l'unanimité de l'assistance… Amina Tazi, députée USFP, intervient alors : « Je partage la proposition du docteur Chraïbi, je suis pour tout ce qu'il a proposé, mais je ne suis pas d'accord sur la commission d'éthique. C'est au médecin et à la patiente de décider ». Avant de livrer son avis, celui de l'USFP, pour ou contre l'avortement, il lui a fallu du temps. Elle est même bousculée par les femmes dans la salle, furieuses de l'écouter parler du programme politique de l'USFP et de ses réalisations au lieu d'aller dans le vif du sujet et de répondre à la question du jour.
Au deuxième panel, il s'agissait en effet de connaitre l'avis de quatre partis de l'opposition (l'UC a brillé par son absence) et de quatre partis de la majorité. Amina Tazi lanterne et tergiverse… « Mais que pense l'USFP de l'avortement ? Vous êtes pour ou contre ? », râle l'assistance ; les femmes du public n'arrivent plus à se maîtriser en deuxième partie du débat...
La pause café qui était prévue après le premier panel a été reportée à la fin. Tout le monde, ou presque, était déchaîné. Les politiques qui devaient intervenir étaient bousculés, harcelés, vilipendés, malmenés. Au lieu d'attendre la fin des interventions pour poser leurs questions, les femmes présentes étaient impatientes, et Rachid Halloui, le modérateur, n'arrivait plus à les suivre, et encore moins à les contrôler. Il les laissait faire, complètement dépassé. Mais au fond il le savait, le débat allait être chaud…
Mustapha Ibrahimi du PJD dira que son parti est contre la légalisation de l'avortement. C'était prévisible. En revanche, il s'est dit favorable à l'avortement dans certains cas : inceste et viol. Et les malformations fœtales ? Pas vraiment, appuyant sa position sur un débat qui a lieu en ce moment en Espagne. « Je pose une remarque pour le professeur Chraïbi. En Espagne se tient en ce moment un débat sur le diagnostic des malformations fœtales. C'est difficile de connaître la nature de la malformation ». Chafik Chraïbi a une réponse toute faite, toute prête : « Non. Le médecin, dans 90% des cas, peut déterminer la malformation, avec une marge d'erreur très réduite». Mustapha Ibrahimi, qui est aussi médecin, n'abandonne pas et lui lance : « Et pour les trisomiques, vous faites quoi et comment ? ». Réponse de Chraïbi : « Le cas des trisomiques reste à l'appréciation du couple ; c'est à lui de savoir s'il veut et s'il peut garder l'enfant, ou pas ». C'est clair. Le débat est très houleux...
Mais il y a eu indéniablement deux moments forts lors de ce débat, avec une salle archi comble. Le premier était l'hommage rendu à Moulay Ahmed Khamlichi, le directeur de Dar Al Hadith Al Hassani, qui a eu droit à une standing ovation impressionnante. « Ses mots justes et sa position très ouverte au sujet de l'avortement ont été appréciés », nous confie une femme dans le public. Qu'a donc dit le professeur Khamlichi ? Dans un arabe classique très châtié, le directeur de Dar Al Hadith proclame qu'il y a aucun texte religieux qui évoque clairement l'avortement. « Il n'y a nulle part dans le Coran un verset qui autorise ou qui prohibe l'l'interruption de grossesse ». Son intervention n'a duré que quelque minutes mais a laissé apparaître une position ouverte sur le sujet : « Il faut penser à l'enfant et à son identité. Si l'enfant n'est pas désiré, quelle identité aura-t-il ? Il faut penser, aussi, surtout, à cela ».
L'autre moment fort est bien entendu celui où le professeur Chraïbi va interrompre le débat. Non pas pour mettre fin à la conférence sur un coup de tête, mais pour lire un communiqué du palais royal. Le communiqué annonce de la réunion du roi Mohammed VI avec les ministres de la Justice et des Affaires islamiques, puis une autre avec le président du CNDH. Au menu des deux audiences royales : l'avortement clandestin.
Mohammed VI a donné ses instructions pour constituer une commission et pour livrer des recommandations aux fins de lutter contre l'avortement clandestin. Avec un délai d'un mois ! Chafik Chraïbi voit là une sorte de reconnaissance pour tout le travail qu'il a accompli durant toutes ces années. Il lit le texte avec des trémolos dans la voix. Il tremble, ses yeux s'embuent et il se retient pour ne pas pleurer. A ce moment précis, on entend des youyous dans la salle, on dirait un mariage. Les amis et proches de Chafik Chraïbi se lèvent de leur chaise et se dirigent vers lui pour l'embrasser et lui faire montre de leur solidarité. Emouvant.
Aicha Chenna, la présidente de l'association INSAF qui œuvre pour la défense des mères célibataires, était aussi impressionnante. Et son intervention depuis le public était intéressante à plus d'un titre. « Y en a marre, à la fin ! A vous écouter, vous les politiques au parlement, on dirait qu'il n'y a pas de problèmes sérieux dans ce pays. Pour éviter les avortements clandestins, il faut aider les citoyens de ce pays à pouvoir trouver un travail et les aider à se marier ». Aicha Chenna montre une fois de plus qu'elle n'est pas libérale. Elle n'est pas, et on le sait, favorable à l'avortement industriel. Elle défend l'avortement régulé dans des cas précis en écoutant la femme et en essayant de comprendre ce ce qu'elle veut au juste et pour quelle raison.
Un débat donc riche, émouvant, libéré… L'intervention du roi est décisive, et les choses sérieuses vont commencer.


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