HCP : La croissance prévue à 3,8% en 2025    Shanghai Airlines inaugure officiellement une nouvelle liaison entre la Chine et le Maroc, une première pour la compagnie sur le continent africain    La Mauritanie attribue provisoirement un marché de gestion des déchets à une entreprise marocaine pour 20 millions de dirhams    Le régime algérien insulte ouvertement des ministres français en multipliant les allusions antisémites    Vague de froid : le roi Mohammed VI ordonne une mobilisation de toutes les ressources officielles    Une tenancière d'un étal de poisson agressée à Casablanca : enquête ouverte    Ouarzazate: 120 millions de dirhams pour connecter des communes au réseau d'eau    Sur instructions royales, le ministère de l'Intérieur oeuvre pour lutter contre le froid dans plusieurs régions du Maroc    France : Le lycée Averroès fait condamner la région des Hauts-de-France    Etats-Unis : La CIA publie la carte du Maroc avec le Sahara    Ligue des Champions: Pas de miracle pour le Raja, éliminé malgré sa victoire face à l'AS Maniema Union    Bruno Retailleau fustige à nouveau l'Algérie et réclame la fin de l'accord de 1968    A Rabat, une manifestation d'opposition ferme au projet de loi sur le droit de grève    Le temps qu'il fera ce lundi 20 janvier 2025    Les températures attendues ce lundi 20 janvier 2025    L'administration pénitentiaire de Laâyoune réfute les allégation de la mère d'un détenu mineur    Essaouira: Les "Guerrières de la Paix" nominées au Nobel de la Paix 2025    France : Le magistrat Youssef Badr décoré chevalier de l'Ordre national du mérite    Le Maroc continue ses victoires : accueil du siège de l'Association des Clubs Africains face à l'échec du régime algérien    Ministre des Affaires étrangères d'Israël : Le Hamas ne pourra pas reprendre le contrôle de Gaza et les Etats-Unis soutiennent cette position    Ambassadeur de la Chine au Maroc : L'ouverture du vol direct entre Shanghai et Casablanca renforcera les liens culturels et humains entre les deux pays    Dans un communiqué sur le naufrage d'une embarcation au large des côtes de Dakhla, le Pakistan reconnaît la marocanité du Sahara    Vague de froid : Sous impulsion royale, un plan d'urgence déployé pour protéger plus de 872.000 citoyens    CCAF: La Renaissance de Berkane qualifiée en maître !    Pressions algériennes sur Kaïs Saïed entravent les efforts de la Tunisie pour rompre ses relations avec le Polisario et rétablir les relations avec le Maroc    L'Union des Comores célèbre le 5è anniversaire de l'ouverture de son consulat à Laâyoune    Températures prévues pour le lundi 20 janvier 2025    Arabie Saoudite : signature d'un accord pour développer des solutions numériques innovantes destinées aux pèlerins    Port de Tan-Tan : chute de 45% des débarquements de la pêche côtière et artisanale en 2024    Botola D1: Le MAS revient de loin face au HUSA !    Rêve d'une trêve durable    L'ambassade du Maroc au Burkina Faso intervient après la disparition de 4 routiers marocains    Le cessez-le-feu à Gaza entre en vigueur après un retard de 3 heures    LDC: Les Militaires sereins, les Rajaouis stressés avant les matchs de cette fin d'après-midi!    L'humeur : Hajib compte nous laisser tomber    MAGAZINE : Adil El Fadili, plomb âge    Dominants et dominés    Un enseignant marocain distingué aux Global Teacher Awards    Balde victime d'insultes racistes à Getafe    Le PSG frappe fort en s'offrant Kvaratskhelia    La FIFA finance la construction d'un nouveau centre technique de football en Cote d'Ivoire    Une tragédie nationale en Azerbaïdjan et un tournant historique    Une exploration littéraire signée Charles de Mont Fort Mabicka    L'ARMCDH plaide pour une harmonisation avec la constitution des droits de l'Homme et libertés    Le Dirham s'est apprécié face à l'Euro et stable face au Dollar    Le Maroc, « un partenaire important » pour l'Allemagne et pour l'UE    Casablanca : L'Ambassadeur de Chine au Maroc inaugure les célébrations du Nouvel An chinois    Interview avec Leyna Kayz « Je travaille déjà sur un hymne pour encourager nos Lions lors de la CAN »    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le débat sur l'avortement, à Rabat, comme si vous y étiez
Publié dans PanoraPost le 28 - 09 - 2017

Lundi 16 mars 2015, Bibliothèque nationale, Rabat. Il est 14h30. Dans quelques instants, le débat sur l'avortement et sur l'amendement de la loi s'y rapportant va démarrer. Tout le monde est sur le qui-vive, dont et surtout le professeur Chafik Chraïbi en tête. Il est le plus stressé de tous, même s'il essaie de le masquer. Normal, toutes sortes d'émotions se bousculent dans son cerveau. C'est pour lui un jour historique, comme il l'a noté sur son profil Facebook le matin même, à quelques heures de la conférence.
Les intervenants, les invités, les curieux… tout le monde se dirige vers l'auditorium. Le journaliste Rachid Hallaoui est tout aussi stressé. Mais il était loin d'imaginer la tournure du débat et surtout la fébrilité des femmes présentes. Le débat commence, puis est parti dans tous les sens… ça hue, ça crie, ça gesticule…. Le modérateur ne peut réprimer de lancer un « c'est chaud ! ». Oui c'est chaud, et même brulant.
Lors le premier panel : « l'avortement vu par les experts », le public composé d'acteurs sociaux, d'artistes, d'étudiants, est plus ou moins calme. Sur le podium, c'est le ministre de la Santé Houssaine El Ouardi qui ouvre le débat. Après avoir démis le professeur Chraïbi de son poste et être revenu (après vive polémique) sur sa décision, bien de l'eau a coulé sous les ponts. « Vous savez, tout le monde pense que nous sommes ennemis. Je sais que les gens auront du mal à le croire, mais nous sommes en réalité de vrais amis », nous dira un Chafik Chraïbi souriant, quatre heures après un débat vif et intense. Les relations se sont assainies… Alors, plus de frictions entre le ministre et Chafik Chraïbi ? « Oui, ça s'est réglé. Je suis invité à reprendre mon poste de chef de service. Mais j'hésite encore ». Pour l'ancien/futur chef de service de la maternité des Orangers, cet épisode où sa dignité a été bafouée est en quelque sorte un mal pour un bien. « Ce qui s'est malheureusement passé a pu finalement donner naissance à ce débat et ça, c'est positif », explique, philosophe, le professeur.
Revenons à la conférence. Houssaine El Ouardi a dit et redit les propositions pour réguler l'avortement. Des propositions qui ont déjà été révélées lors de la rencontre organisée la semaine dernière par son département, mais des idées et mesures tranversales. Accéder à l'information sur la santé, communiquer sur la pilule du lendemain, et amorcer le débat sur la loi autour de l'avortement médical, c'est-à-dire en cas de viol, d'inceste et de malformations fœtales. C'était là les mots clé du discours du ministre de la Santé, qui a quand même tenu à remercier deux fois Chafik Chraïbi pour l'avoir invité à ce débat.
Le Pr Chraibi est, lui, entré dans le vif du sujet. « Nous voulons amender l'article 453 du code pénal qui existe depuis longtemps et qui autorise déjà l'interruption de la grossesse lorsque la santé de la mère est menacée ». Le professeur, président de l'association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC) est clair : « L'avortement ne doit pas être puni quand il vise à sauvegarder la vie et la santé de la femme !».
Si, au deuxième panel, la majorité des politiques présents sont favorables à l'avortement en cas de viol, d'inceste et de malformations fœtales, pour Chafik Chraïbi en revanche, cela ne va régler que 5% ou 10% du problème. C'est pour cette raison que le président de l'AMLAC propose de créer une commission d'éthique dans chaque hôpital provincial. Cette commission doit être composée du médecin-chef, d'un gynécologue, d'un psychiatre, d'un psychologue, d'une assistance sociale et d'un représentant du conseil des oulémas de la ville.
Cette instance aura pour rôle d'étudier tous les cas qui lui seront exposés et devra rendre sa réponse dans la semaine. L'âge maximal de l'interruption de grossesse ne dépassera pas douze semaines, sauf pour les malformations fœtales pour lesquelles il faut prévoir 20 semaines. Ces interruptions de grossesse se feraient alors à l'hôpital public ou, éventuellement, dans une clinique privée, après accord du comité d'éthique. Ledit comité, suggéré par le professeur Chraïbi, n'a pas réellement emporté l'unanimité de l'assistance… Amina Tazi, députée USFP, intervient alors : « Je partage la proposition du docteur Chraïbi, je suis pour tout ce qu'il a proposé, mais je ne suis pas d'accord sur la commission d'éthique. C'est au médecin et à la patiente de décider ». Avant de livrer son avis, celui de l'USFP, pour ou contre l'avortement, il lui a fallu du temps. Elle est même bousculée par les femmes dans la salle, furieuses de l'écouter parler du programme politique de l'USFP et de ses réalisations au lieu d'aller dans le vif du sujet et de répondre à la question du jour.
Au deuxième panel, il s'agissait en effet de connaitre l'avis de quatre partis de l'opposition (l'UC a brillé par son absence) et de quatre partis de la majorité. Amina Tazi lanterne et tergiverse… « Mais que pense l'USFP de l'avortement ? Vous êtes pour ou contre ? », râle l'assistance ; les femmes du public n'arrivent plus à se maîtriser en deuxième partie du débat...
La pause café qui était prévue après le premier panel a été reportée à la fin. Tout le monde, ou presque, était déchaîné. Les politiques qui devaient intervenir étaient bousculés, harcelés, vilipendés, malmenés. Au lieu d'attendre la fin des interventions pour poser leurs questions, les femmes présentes étaient impatientes, et Rachid Halloui, le modérateur, n'arrivait plus à les suivre, et encore moins à les contrôler. Il les laissait faire, complètement dépassé. Mais au fond il le savait, le débat allait être chaud…
Mustapha Ibrahimi du PJD dira que son parti est contre la légalisation de l'avortement. C'était prévisible. En revanche, il s'est dit favorable à l'avortement dans certains cas : inceste et viol. Et les malformations fœtales ? Pas vraiment, appuyant sa position sur un débat qui a lieu en ce moment en Espagne. « Je pose une remarque pour le professeur Chraïbi. En Espagne se tient en ce moment un débat sur le diagnostic des malformations fœtales. C'est difficile de connaître la nature de la malformation ». Chafik Chraïbi a une réponse toute faite, toute prête : « Non. Le médecin, dans 90% des cas, peut déterminer la malformation, avec une marge d'erreur très réduite». Mustapha Ibrahimi, qui est aussi médecin, n'abandonne pas et lui lance : « Et pour les trisomiques, vous faites quoi et comment ? ». Réponse de Chraïbi : « Le cas des trisomiques reste à l'appréciation du couple ; c'est à lui de savoir s'il veut et s'il peut garder l'enfant, ou pas ». C'est clair. Le débat est très houleux...
Mais il y a eu indéniablement deux moments forts lors de ce débat, avec une salle archi comble. Le premier était l'hommage rendu à Moulay Ahmed Khamlichi, le directeur de Dar Al Hadith Al Hassani, qui a eu droit à une standing ovation impressionnante. « Ses mots justes et sa position très ouverte au sujet de l'avortement ont été appréciés », nous confie une femme dans le public. Qu'a donc dit le professeur Khamlichi ? Dans un arabe classique très châtié, le directeur de Dar Al Hadith proclame qu'il y a aucun texte religieux qui évoque clairement l'avortement. « Il n'y a nulle part dans le Coran un verset qui autorise ou qui prohibe l'l'interruption de grossesse ». Son intervention n'a duré que quelque minutes mais a laissé apparaître une position ouverte sur le sujet : « Il faut penser à l'enfant et à son identité. Si l'enfant n'est pas désiré, quelle identité aura-t-il ? Il faut penser, aussi, surtout, à cela ».
L'autre moment fort est bien entendu celui où le professeur Chraïbi va interrompre le débat. Non pas pour mettre fin à la conférence sur un coup de tête, mais pour lire un communiqué du palais royal. Le communiqué annonce de la réunion du roi Mohammed VI avec les ministres de la Justice et des Affaires islamiques, puis une autre avec le président du CNDH. Au menu des deux audiences royales : l'avortement clandestin.
Mohammed VI a donné ses instructions pour constituer une commission et pour livrer des recommandations aux fins de lutter contre l'avortement clandestin. Avec un délai d'un mois ! Chafik Chraïbi voit là une sorte de reconnaissance pour tout le travail qu'il a accompli durant toutes ces années. Il lit le texte avec des trémolos dans la voix. Il tremble, ses yeux s'embuent et il se retient pour ne pas pleurer. A ce moment précis, on entend des youyous dans la salle, on dirait un mariage. Les amis et proches de Chafik Chraïbi se lèvent de leur chaise et se dirigent vers lui pour l'embrasser et lui faire montre de leur solidarité. Emouvant.
Aicha Chenna, la présidente de l'association INSAF qui œuvre pour la défense des mères célibataires, était aussi impressionnante. Et son intervention depuis le public était intéressante à plus d'un titre. « Y en a marre, à la fin ! A vous écouter, vous les politiques au parlement, on dirait qu'il n'y a pas de problèmes sérieux dans ce pays. Pour éviter les avortements clandestins, il faut aider les citoyens de ce pays à pouvoir trouver un travail et les aider à se marier ». Aicha Chenna montre une fois de plus qu'elle n'est pas libérale. Elle n'est pas, et on le sait, favorable à l'avortement industriel. Elle défend l'avortement régulé dans des cas précis en écoutant la femme et en essayant de comprendre ce ce qu'elle veut au juste et pour quelle raison.
Un débat donc riche, émouvant, libéré… L'intervention du roi est décisive, et les choses sérieuses vont commencer.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.