L'avortement illégal au Maroc était au centre d'un débat très animé lors de l'émission télévisée « Milaf Li Nikach » transmise par la chaine de télévision Médi Sat 1 le Mardi 14 Septembre 2010 à partir de 21 heures. Pour débattre de ce grand dossier d'actualité, Jawhara Lakehal, présentatrice de ce grand rendez-vous hebdomadaire a réuni des invités de marque de divers horizons. Le Professeur Chafik Chraïbi, chef de service à la maternité des Orangers au CHU de Rabat qui est président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC. Le professeur Khamlichi directeur de Dar Al Hadith Al Hassania Rabat, Le docteur Dialmi Abdessamad sociologue et Hicham Bellaoui juge au ministère de la justice. Une pratique dangereuse Parler de l'avortement au Maroc n'est pas chose aisée car cette pratique est entourée de plusieurs interdits, de tabous et autres barrières enchevêtrées et complexes. On trouve côte a côte la religion qui bannie l'avortement, la loi qui l'interdit, le regard de la société et celui du voisinage… Des éléments qui ont de tous temps handicapé et paralysé un débat que l'on aurait voulu serein , constructif , ouvert , sincère et surtout honnête .Un débat que réclame depuis des lustres notre société car les enjeux de l'avortement clandestin qu'il soit médicalisé ou non sont énormes et lourds de conséquences. L'avortement à risque, c'est celui qui est pratiqué par des individus peu scrupuleux, qui n'hésitent pas à utiliser pour leur vil besogne du matériel hors d'usage, non stérilisé, des objets pointus effilés ou des produits caustiques qu'ils introduisent dans l'utérus des femmes enceintes pour les faire avorter dans des conditions d'hygiène déplorables. Ce genre de pratique se passe dans des locaux sales, des arrières boutiques, des maisons d'habitation et parfois malheureusement dans certains cabinets médicaux. Pourtant cette pratique est interdite par la loi, celles et ceux qui pratiquent l'avortement s'exposent à des peines d'emprisonnement et a des amendes conformément à la législation en vigueur. Et pourtant rien n'y fait, l'avortement clandestin est une pratique courante, c'est le dernier recours pour des femmes qui veulent échapper à la honte d'une naissance illégitime. Nombreuses sont celles qui optent pour une clandestinité parfois périlleuse qui met en danger leur propre vie. Le Professeur Chafik Chraïbi, chef de service à la maternité des Orangers au CHU de Rabat qui est président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC). Des chiffres qui interpellent Intervenant lors de cette émission, le professeur Chafik Chraïbi, président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC), a donné des chiffres qui donnent une idée sur l'ampleur du problème « Chaque jour, près de 800 avortements clandestins sont pratiqués au Maroc dont 600 médicalisés et 200 non médicalisés » C'est énorme, c'est prés de 300.000 interruptions de grossesses par an. Si on fait un petit calcul pour faire la part entre les avortement dits médicalisés et ceux qui ne le sont pas, on obtient 220.000 avortements médicalisés, c'est-à-dire ceux qui sont pratiqués par des médecins au sein des cabinets médicaux et de certaines cliniques privées réputées pour cette pratique .Quand aux avortements pratiqués par des apprentis sorciers, leur nombre est estimé à 73.000. Tous ces chiffres ne sont pas officiels, ce sont ceux présentés par Le Professeur Chafik Chraïbi, chef de service à la maternité des Orangers au CHU de Rabat qui est président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC. Ces chiffres restent bien entendu à être vérifiés. Un réel problème de santé publique Le Pr Chraibi a tenu à rappeler que dans l'exercice de ses fonctions en tant que chef de service à la maternité des Orangers de Rabat , il reçoit chaque jour des femmes victimesd'avortements clandestins qui sont réalisés dans des conditions d'hygiène catastrophiques . Souvent ces femmes sont admises au service des urgences dans un état de choc avec de fortes hémorragies, après une tentative d'avortement non réussie. Si nous arrivons à traiter et à sauver celles qui arrivent à temps. Malheureusement Certaines femmes décèdent des suites de ces pratiques dangereuses. On comprend pourquoi le taux de mortalité maternelle est élevé au Maroc (227 / 100.000 naissances vivantes), 13% de ces cas de décès sont liés à l'avortement, selon l'Organisation mondiale de la santé. Dés lors, on peut dire que l'avortement clandestin est un réel problème de santé publique, un drame humain qui ne peut laisser personne indifférente. C'est aussi un phénomène social très complexe. Sa prévalence en termes de cas et de complications inhérentes à cette pratique est telle qu'aucune femme ne sort indemne à la suite d'un avortement clandestin. Les séquelles de l'avortement clandestin sont lourdes tant sur le plan psychologique que sur le plan physique. Par ailleurs, il faut savoir qu'un avortement mal pratiqué est la cause directe de la stérilité de la femme. Point de vue du Professeur Khamlichi Directeur de Dar Al Hadith Al Hassania Pour ce grand spécialiste des questions religieuses, il ne faut pas tout mettre sur le dos de la religion et prétendre ou sous-entendre que celle – ci oppose un niet catégorique et définitif à l'interruption de la grossesse. Bien au contraire la religion est ouverte, très compréhensive, elle peut permettre une interruption de grossesse dans certains cas et situations précises. Une grossesse non-désirée est une situation pénible pour une femme ou un couple, mais l'avortement n'est pas licite en Islam. Mais il y a des exceptions parmi lesquelles on peut citer Une malformation décelée du fœtus; la présence chez lui d'une déficience importante; le fort risque qu'il soit atteint par une maladie génétique grave héritée des parents. Néanmoins, dans ce genre de cas, la décision éventuelle d'une interruption de grossesse devra être basée sur un diagnostic médical fiable et digne de confiance, et non pas sur de simples suppositions. Quand la présence du fœtus met en danger la vie ou la santé mentale de la future mère; la femme étant handicapée physiquement ou mentalement, elle ne pourra pas élever correctement un éventuel enfant, et il n'y a personne non plus de sa famille pour le faire à sa place; la femme est tombée enceinte à la suite d'un viol, d'inceste et qu'elle refuse de garder cet enfant. Dans tous les cas de figure, un avis médical dument reconnu est nécessaire, le mari doit être au courant et donner son accord, mais la vraie question n'est de savoir s'il faut ou non interdire, car quoique l'on fasse une femme qui ne désire pas sa grossesse fera tout pour interrompre celle –ci et tous les moyens sont bons. Il faut savoir que 40 % des couples ont ou ont eu recours à l'interruption volontaire de la grossesse (avortement). Le point sur lequel nous devons faire tous plus d'effort, c'est l'éducation de notre population afin de diminuer le nombre des grossesses non désirées.