A trois semaines du scrutin présidentiel, les cinq candidats briguant, le 24 février, la magistrature suprême au Sénégal ont entamé, dimanche, la campagne électorale sur fond d'alliances et contre-alliances et de débats autour des procédures ayant régi le processus des présidentielles de 2019. En effet, le Conseil constitutionnel a validé définitivement, le 20 janvier écoulé, la liste des présidentiables, comprenant, outre le président sortant, Macky Sall, de la majorité présidentielle réunie autour de la coalition Benno Bokk Yakaar, l'ancien Premier ministre Idrissa Seck (Rewmi-opposition), Ousmane Sonko (Pastef/ Patriotes du Sénégal pour le Travail, l'Ethique et la Fraternité), l'ancien ministre des Affaires étrangères Madické Niang (dissident du Parti démocratique sénégalais/PDS) et le député Issa Sall (Parti de l'unité et du rassemblement/PUR). Sur une trentaine de candidats au départ, 22 ont été recalés à l'étape du parrainage et deux autres, sous le coup de condamnations judiciaires, ont été écartés de la course. Il s'agit, pour ces deux derniers cas, de l'ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, et de l'ex-ministre Karim Wade, poursuivis et condamnés respectivement pour les délits d'escroquerie, faux et usage de faux en écriture publique et privée sur des derniers publics, pour le premier, et pour enrichissement illicite, pour le second. Ce processus nouveau ayant instauré, notamment, le système de parrainage, passage devenu obligé pour toute personne désireuse se porter candidate, est contesté par l'opposition et dénoncé par les candidats malheureux rassemblés au sein d'un Collectif dit des vingt-cinq (C25). En effet, adoptée le 19 avril dernier par l'Assemblée nationale (parlement), la loi sur le parrainage oblige désormais tout candidat à la présidentielle, comme aux législatives et aux communales, de recueillir au minimum 0,8% et 1% au maximum de signatures des électeurs inscrits sur le fichier électoral au moins dans sept régions. Défendu par la majorité qui y voit un procédé pour « sauver » la démocratie et un moyen efficace pour écarter les candidatures « fantaisistes », le parrainage est dénoncé par l'opposition et la société civile qui le qualifient de manœuvre anticonstitutionnelle pour disqualifier de potentiels candidats. Pour le chef de l'Etat, Macky Sall, la réforme constitutionnelle introduisant le parrainage électoral à la présidentielle « a pour vocation de prévenir les risques de blocage du système électoral ». Comme argument, le président sénégalais avait rappelé les difficultés enregistrées lors des législatives du 30 juillet 2017, élection à laquelle avaient participé 47 listes et coalitions de partis, ce qui avait induit des problèmes d'organisation et dans le déroulement de cette consultation dans les conditions souhaitées. Selon lui, si des mesures ne sont pas prises pour prévenir cette « anarchie », d'ici quelques années, il serait impossible d'organiser des élections au Sénégal. → Lire aussi : Présidentielle au Sénégal : le Conseil constitutionnel confirme la liste définitive de 5 candidats Rejeté, cet argumentaire n'a rien de fondé pour l'opposition qui voit dans le système du parrainage un stratagème qui vise à disqualifier de potentiels candidats. C'est sur fond de ce débat, attisé notamment par les souteneurs des candidats écartés, Khalifa Sall et de Karim Wade, que la campagne qui se poursuivra jusqu'au 22 février promet d'être houleuse et que la bataille s'annonce rude entre cinq candidats qualifiés pour l'épreuve finale. Candidat à sa propre succession et favori de cette présidentielle, Macky Sall, 58 ans, en poste depuis 2012, brigue un second mandat de 5 ans. Son principal atout, selon ses proches, c'est d'être le candidat sortant, « qui a fait ses preuves et qui n'a plus besoin de prêcher pour convaincre, vu son bilan très satisfaisant ». Ce qui marque sa présidence est, certainement, le lancement en 2014 du Plan Sénégal émergent (PSE) : un vaste chantier d'infrastructures pour favoriser le développement économique. Qualifié par les médias du « plus redoutable challenger » de Macky Sall, Idrissa Seck (59 ans), ancien Premier ministre d'Abdoulaye Wade, en est à sa troisième candidature à la présidentielle. Il est à la tête d'une des plus grandes coalitions (Idy-2019). A 45 ans, « le candidat révélation » Ousmane Sonko pourrait compter sur le soutien du Parti démocratique sénégalais (PDS), dont le candidat Karim Wade a été recalé, quoique la formation de l'ancien président Abdoulaye Wade, partagée entre Idy et Sonko, n'a pas encore tranché. « Outsider », l'ancien ministre des Affaires étrangères Madické Niang est la surprise de la présidentielle 2019, selon les observateurs. Cacique du Parti démocratique sénégalais/PDS dont il assurait la présidence du groupe parlementaire à l'Assemblée nationale, il a pris de court tout le monde en se portant candidat. Quant au cinquième candidat, Issa Sall, il est le coordonnateur national du Parti de l'unité et du rassemblement/PUR, dont le président est Serigne Moustapha Sy, guide moral de la confrérie tidjane des Moustarchidines Wal Moustarchidaty. C'est à ce titre qu'il bénéficie du vote de cette communauté qui lui aurait permis d'arriver quatrième au niveau national aux Législatives de juillet 2017. Le jeu sera ainsi serré entre des candidats confirmés qui auront trois semaines pour décortiquer, défendre et convaincre les électeurs de leurs visions pour un Sénégal démocratique et prospère tel que présentées dans leurs programmes respectifs. Le 24 courant, les Sénégalais qui auront fait leur choix passeront aux urnes pour élire leur Président. Un exercice démocratique qu'ils sont désormais habitués à accomplir puisqu'il s'agira de la onzième présidentielle depuis l'indépendance du pays en 1960.