La République démocratique du Congo semble s'engager dans la voie d'une alternance historique avec l'annonce jeudi de la victoire à la présidentielle d'un opposant, Félix Tshisekedi, cependant aussitôt contestée par une partie de l'opposition et par l'Eglise, et déjà marquée par le sang. Actant la première transition démocratique depuis l'indépendance du pays en 1960, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a déclaré Felix Tshisekedi, 55 ans, vainqueur de la présidentielle avec 38,57% des voix, devant l'autre tête de l'opposition divisée, Martin Fayulu (34,8%) selon des résultats provisoires. Annoncée après une longue attente aux premières heures de l'aube, la nouvelle a été accueillie par des foules de jeunes en joie, dans les rues de Kinsasha ou Goma (est) – « On remercie le bon Dieu ! « – et des concerts de chants et de klaxons. Mais le mécontentement des pro-Fayulu s'est également fait entendre et certains de ses fiefs ont été le théâtre de violences. En particulier à Kikwit (ouest) où deux policiers et deux civils sont morts dans la répression de la contestation des résultats. De fait, Martin Fayulu a immédiatement rejeté les résultats et dénoncé un « véritable putsch électoral ». « Ces résultats n'ont rien à voir avec la vérité des urnes », a-t-il affirmé à Radio France internationale (RFI). La puissante Eglise catholique, qui avait déployé 40.000 observateurs, le jour du scrutin, et appelé la commission électorale à ne pas trahir « la vérité des urnes », a également mis en doute ces résultats. « Tels que publiés par la Céni (ils) ne correspondent pas aux données collectées par notre mission d'observation », a déclaré le porte-parole de l'épiscopat, l'abbé Donatien Nshole. →Lire aussi: RDC : la Céni annonce la victoire de l'opposant Felix Tshisekedi Fait notable cependant, les évêques n'ont pas donné le nom de celui qu'ils pensent avoir gagné et ont officiellement pris acte de la publication des résultats « qui, pour la première fois dans l'histoire de notre pays ouvre la voie à l'alternance au sommet de l'Etat ». La France, elle, est étonnamment montée au créneau. « Il semble bien que les résultats proclamés (…) ne soient pas conformes aux résultats » réels et que M. Fayulu est « a priori » le vainqueur du scrutin du 30 décembre, a déclaré son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian à la télévision CNews, assurant s'appuyer sur les chiffres de la mission d'observation de l'Eglise catholique. La RDC, plus grand pays d'Afrique sub-saharienne, vit une double situation historique. C'est la première fois qu'un opposant est proclamé vainqueur d'une élection présidentielle après les deux élections de M. Kabila en 2006 et 2011. C'est aussi la première fois que le président sortant accepte de se retirer sous la pression de la Constitution selon laquelle Joseph Kabila ne pouvait pas briguer un troisième mandat d'affilée. Mais ce scrutin à un tour, reporté trois fois depuis 2016, n'efface pas, non plus, le souvenir de sa réélection en 2011, entachée de violences et de fraudes. Dès jeudi matin, le chef de l'ONU Antonio Guterres a exhorté à « s'abstenir d'actes violents » dans un pays marqué par de nombreux conflits internes et deux guerres régionales. L'union européenne et l'Union africaine ou l'Afrique du Sud ont appelé au calme. La Cour constitutionnelle doit publier les résultats définitifs, qui peuvent encore faire l'objet de recours, dans les dix jours. Une possibilité évoquée par la coalition au pouvoir même si celle-ci a « pris acte » des résultats provisoires.