Depuis huit siècles, le Maroc déploie une diplomatie d'équilibre, alliant héritage monarchique, finesse géopolitique et influence mesurée. Une présence constante sur la scène internationale, entre fidélité et agilité. Dans l'histoire des nations, rares sont celles qui ont su conjuguer avec autant de constance leur souveraineté avec l'art de la diplomatie. Le Maroc, aux confins de l'Europe et de l'Afrique, à la lisière du monde arabe et de l'Atlantique, a fait de sa position géographique un levier stratégique, et de la parole négociée, une arme plus subtile que la conquête. Loin de se limiter à une fonction accessoire de l'Etat, la diplomatie marocaine est, depuis ses origines, un instrument d'existence, de stabilité et de projection. Elle n'est ni circonstancielle ni opportuniste, mais s'ancre dans une tradition pluriséculaire de négociation, de présence, d'intermédiation. Le Royaume n'a jamais été un simple spectateur de l'ordre mondial ; il en a été souvent le pont discret entre puissances, le recours consulté, et la voix écoutée. Des Idrissides à l'Empire mérinide : Naissance d'une diplomatie précoce La diplomatie marocaine ne naît pas avec les traités modernes, mais plonge ses racines dans l'époque médiévale. Dès le IXe siècle, sous les Idrissides, des échanges sont attestés avec les dynasties omeyyades de Cordoue. Mais ce sont les Mérinides (XIIIe – XIVe siècle) qui forgent un véritable appareil diplomatique. En 1276, le sultan Abû Yûsuf Ya`qûb fonde Fès el-Jedid, capitale administrative et siège du pouvoir, d'où partent de nombreuses ambassades vers la Cour de Castille, d'Aragon et de Gênes. Ces échanges visaient la paix, mais aussi le commerce maritime et la protection des communautés musulmanes en péninsule ibérique. Les Mérinides ouvrirent également des représentations auprès des cités-Etats italiennes, entretenant des relations soutenues avec Gênes et Venise, deux pôles névralgiques du commerce méditerranéen. À cette époque, la diplomatie marocaine servait autant à maintenir la paix qu'à s'assurer des débouchés pour les caravanes sahariennes. L'ère saadienne : Tanger, l'Atlantique et l'Empire ottoman Au XVIe siècle, les Saadiens, dynastie chérifienne, s'imposent comme interlocuteurs diplomatiques de poids. En 1578, la fameuse bataille des Trois Rois à Alcácer Quibir scelle la mort du roi portugais Sébastien, du roi Al-Mutawakkil, et du sultan Abdelmalek Saadi. Son successeur, Ahmed al-Mansour, dit « Addahbi-le Doré », établit des correspondances diplomatiques avec Elisabeth Ire d'Angleterre, le Saint-Empire et l'Empire ottoman. En 1600, l'ambassadeur Abdelwahid ben Messaoud est envoyé à Londres, où il rencontre la reine. Lire aussi : Le Maroc, pionnier de la parité en diplomatie Les lettres échangées évoquent aussi bien la coopération navale que la possibilité d'un front islamo-protestant contre l'Espagne catholique. Sous Ahmed al-Mansour, le Maroc entretient également des contacts avec l'Empire Songhaï et les royaumes du Soudan, élargissant ainsi son influence diplomatique au cœur de l'Afrique. Les Alaouites : Continuité et finesse dans un siècle d'instabilité Avec l'arrivée au pouvoir des Alaouites au XVIIe siècle, le Maroc renoue avec une diplomatie de stabilité. Moulay Ismaïl (1672–1727) échange des lettres avec Louis XIV. En 1682, il envoie une mission diplomatique à Versailles, conduite par l'ambassadeur Abdallah Ben Aïcha. Sous les règnes suivants, le Maroc entretient des relations avec les Provinces-Unies, la Suède, le Danemark, mais aussi les Etats-Unis naissants. En 1786, le sultan Mohammed III signe un traité d'amitié et de paix avec les Etats-Unis, faisant du Maroc le premier pays à reconnaître l'indépendance américaine. Le Royaume devient alors l'un des rares pays non européens à disposer d'un réseau consulaire actif, notamment à Gibraltar, à Londres et à Tanger. Le XIXe siècle : Entre pressions européennes et résistance diplomatique À mesure que l'Europe colonise l'Afrique, le Maroc multiplie les initiatives pour préserver son intégrité. En 1861, le traité de Wad Ras est signé avec l'Espagne. En 1880, lors de la conférence de Madrid, les puissances européennes débattent des privilèges consulaires au Maroc. La stratégie marocaine consiste à jouer sur la rivalité franco-britannique pour éviter toute domination exclusive. Moulay Hassan Ier, à travers ses ambassades à Paris, Londres et Istanbul, tente de préserver les marges de souveraineté dans un monde de plus en plus impérial. Le XXe siècle : Protectorat, indépendance, repositionnement La diplomatie marocaine connaît une interruption formelle avec le protectorat français en 1912. Elle est réactivée dès l'indépendance, en 1956, avec Feu Sa Majesté le Roi Mohammed V. Son fils, Feu Sa Majesté le Roi Hassan II, déploie une diplomatie stratégique. Il fait du Maroc un acteur central du Mouvement des Non-Alignés, se rapproche des Etats-Unis, et place la question du Sahara au centre de l'agenda international. En 1975, la Marche Verte marque un tournant décisif. Feu Sa Majesté le Roi Hassan II était reconnu à l'échelle internationale comme un diplomate chevronné, fin négociateur, à l'aise dans les sommets, les conférences internationales, et les médiations les plus sensibles. Il joua un rôle discret mais fondamental dans la médiation israélo-égyptienne avant Camp David. À travers des figures telles que Driss Slaoui à Washington, Ahmed Snoussi à l'ONU, et Abderrahmane Zniber à Pékin, la diplomatie marocaine de cette époque-là se distingue par son intelligence des équilibres globaux. La diplomatie sous Mohammed VI : Audace, agilité, rayonnement Sous le règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, la diplomatie marocaine gagne en souplesse et en rayonnement. En 2017, le Maroc réintègre l'Union africaine après 33 ans d'absence. Le Royaume établit plus de 100 accords bilatéraux avec des pays africains. Il joue également un rôle actif dans les négociations climatiques (COP22 à Marrakech), dans la sécurité régionale, et conclut en 2020 la normalisation avec Israël. Le Souverain donne une impulsion à la diplomatie économique, misant sur les partenariats Sud-Sud, les investissements bancaires, agricoles et énergétiques en Afrique. La diplomatie religieuse — portée par l'Institut Mohammed VI pour la formation des imams — devient aussi un outil d'influence soft dans le Sahel. Une diplomatie d'équilibre dans un monde fracturé Aujourd'hui, la diplomatie marocaine se distingue par son équilibre : partenariat stratégique avec l'Occident, présence en Afrique, proximité avec les monarchies du Golfe, dialogue avec la Chine, la Russie et Israël. Forte de son histoire, elle repose sur trois piliers : la continuité monarchique, la souveraineté nationale, et l'intelligence du temps long. Cette stratégie trouve son prolongement naturel dans l'héritage de Feu Sa Majesté le Roi Hassan II, dont l'intuition géopolitique se perpétue sous le règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI par une diplomatie à la fois audacieuse, stable et adaptable. Elle s'incarne aussi dans les parcours d'ambassadeurs de premier plan, comme Mohamed Benaïssa à Washington, Abdelkader Benslimane à Bruxelles, Bonn, Alger, Tunis, et auprès de la Communauté Européenne, Taieb Fassi-Fihri aux Affaires étrangères, Aziz Mekouar à Washington, Rome et Lisbonne, ou encore Omar Hilale à Genève et New York. Enfin, la continuité diplomatique s'est aussi incarnée, depuis 2017, dans la figure du ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, artisan des équilibres subtils entre fidélité historique et ouverture géopolitique. En 2024 encore, le Maroc s'illustre comme médiateur dans les tensions régionales au Sahel et entre certaines factions libyennes, renforçant sa stature d'acteur incontournable de la stabilité régionale.