Par Luis Felipe Lopes Tavares, ancien ministre des Affaires étrangères du Cap Vert Patrick Rajoelina, ancien ministre des Affaires étrangères de Madagascar Fahmi Saïd Ibrahim, ancien ministre des Affaires étrangères des Comores « L'Afrique est l'avenir du monde. Avec ses ressources naturelles inégalées, sa jeunesse et ses opportunités, elle est la promesse d'un avenir plus équitable et durable ». Le nouveau paysage géopolitique mondial offre une opportunité unique à l'Afrique de s'affirmer comme un acteur clé sur la scène internationale. Ce continent, riche de ses ressources naturelles, de ses vastes espaces et de sa jeunesse dynamique, peut et doit revendiquer une place centrale dans la gouvernance mondiale. Certes, l'Afrique est confrontée à des défis majeurs : des conflits régionaux qui plongent des millions de personnes dans la misère, une contribution modeste de 2,5 % au PIB mondial malgré 18 % de la population mondiale. Et surtout, une pression croissante pour respecter des normes environnementales strictes tout en s'industrialisant alors que notre continent ne pollue qu'à hauteur de 4%. Cependant, ces défis peuvent être transformés en opportunités si l'Afrique s'unit et adopte une vision stratégique à long terme. Dans un monde où les relations internationales sont souvent perçues sous le prisme du « choc des civilisations », tel que théorisé par Samuel Huntington, l'Afrique, en tant que partie intégrante du Sud global, émerge comme un acteur clé. Une Afrique unie face aux défis globaux « L'unité africaine n'est pas une option, mais une nécessité face aux défis globaux » Face à l'insécurité alimentaire, aux crises sanitaires et aux dérèglements climatiques, l'Afrique ne peut plus être perçue comme un simple réservoir de ressources. Elle doit devenir un partenaire à part entière, capable de proposer des solutions globales. Lire aussi : Réforme du Conseil de sécurité : le Maroc est le mieux placé pour représenter l'Afrique Cela passe par une réforme en profondeur des institutions internationales, notamment le Conseil de sécurité des Nations Unies, où l'Afrique doit avoir une place légitime et permanente. À ce titre, nous sommes convaincus que le Maroc notamment, puissance émergente au développement exemplaire, peut représenter dignement et justement l'Afrique et saura défendre notre continent au sein de cette institution. Il est impératif de renforcer la solidarité africaine « L'Afrique doit compter sur ses propres forces pour construire une économie prospère, solidaire et inclusive. » Les initiatives telles que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) doivent être soutenues pour stimuler les échanges intra-africains et favoriser une « préférence continentale » dans le commerce et l'industrie. Des alliances stratégiques entre nations africaines, combinées à des politiques communes, permettront de mieux défendre les intérêts du continent sur la scène mondiale. Pour ce faire, les initiatives de coopération Sud Sud doivent être accélérées et mieux structurées comme le défendent de nombreux dirigeants africains. L'industrialisation comme levier de développement « L'Afrique n'a pas le choix : elle doit s'industrialiser pour se développer». Le développement de l'Afrique passe inévitablement par son industrialisation. Mais cela soulève une question cruciale : comment s'industrialiser sans compromettre l'environnement? Tandis que l'écologie est érigée en dogme dans les pays occidentaux, l'Afrique doit certes trouver un équilibre entre développement économique et respect de l'environnement, mais elle ne doit pas se ligoter avec les normes antipollution. Pour cela, des communautés spécialisées doivent être créées, telles qu'une Communauté africaine de l'énergie ou une Communauté africaine de la sécurité alimentaire, afin de mutualiser les moyens de production et d'assurer une autonomie stratégique. Ces initiatives permettraient à l'Afrique de répondre aux besoins essentiels de sa population. Une voix africaine forte et proactive « Divisés, nous sommes faibles. Unis, nous sommes invincibles. » L'Afrique doit apprendre à parler d'une seule voix, agir avec autorité et protéger ses ressources et ses populations. Cela implique de coter ses matières premières dans des bourses transnationales africaines, de créer de puissantes centrales d'achat pour défendre les prix de ses productions et de bâtir des conglomérats africains dans des secteurs stratégiques comme l'eau, l'énergie, la santé, les télécommunication ainsi que la production et la diffusion audiovisuelle. De grandes entreprises africaines ont déjà prouvé que le panafricanisme économique est possible, l'exemple des banques marocaines, mauriciennes, nigérianes et panafricaines notamment est éloquent. Il est temps d'étendre cette vision à d'autres secteurs essentiels. En adoptant une doctrine de protectionnisme éclairé, l'Afrique peut non seulement protéger ses ressources naturelles et humaines, mais aussi poser ses propres règles dans ses relations avec le reste du monde. L'Afrique, la fiancée du monde « L'avenir de l'Afrique dépend de sa capacité à unir ses forces et à prendre son destin en main. » Aujourd'hui, les grandes puissances ont un besoin vital des ressources africaines, qu'il s'agisse de matières premières stratégiques ou de ressources humaines face à leur déclin démographique. L'Afrique doit profiter de cette position pour imposer ses conditions et accélérer son développement en s'appuyant sur la coopération Sud Sud. Le nouveau contexte géopolitique mondial est une chance inespérée pour l'Afrique. Mais cette chance ne se concrétisera que si le continent s'unit, défend ses intérêts avec fermeté et s'affirme comme un acteur incontournable dans la construction d'un monde plus équitable et durable. « C'est à nous, Africains, de redistribuer les cartes et de devenir les maîtres de notre destinée. » Pour ce faire, nos institutions africaines doivent se réformer afin de devenir les leviers permettant de concrétiser cette vision renouvelée de l'Afrique que nous appelons de tous nos vœux.