Alors que la Direction générale des impôts (DGI) met en place une régularisation volontaire pour les contribuables n'ayant pas déclaré leurs revenus imposables avant 2024, une vague de désinformation suscitée par certains influenceurs, a semé la panique sur les réseaux sociaux. Cette campagne met en lumière la nécessité de promouvoir une véritable culture contributive au Maroc, où le paiement des impôts reste perçu par une partie de la population comme un fardeau plutôt qu'un acte citoyen. La récente campagne de sensibilisation lancée par la DGI pour encourager les contribuables à régler rapidement leur situation fiscale concernant leurs bénéfices et revenus soumis à l'impôt à compter du 1er janvier de l'année prochaine a viré, sous l'effet de certains influenceurs, à une sorte de « phobie fiscale ». Ceux-ci ont en effet suscité une véritable panique chez les redevables. Motivés par les gains financiers qu'engendrent les buzz, ils ont produit des centaines de vidéos et de publications contenant des données erronées sur « une nouvelle taxe sur les comptes bancaires! », « des saisies sur les comptes bancaires en 2025 sans préavis » et ont lancé des appels à ne pas déposer d'argent dans les banques. Et face à la prolifération des récits, interprétations et analyses de ces faiseurs de « buzz » sur les médias sociaux concernant le règlement volontaire de la situation fiscale, la Direction générale des impôts a tenu à préciser que cette régularisation volontaire de la situation fiscale concerne les personnes physiques au titre de leurs profits et revenus imposables au Maroc, n'ayant pas été déclarés avant le 1er janvier 2024, et constituant la source d'avoirs et de financement des dépenses. Il s'agit d'avoirs liquides déposés dans des comptes bancaires, d'avoirs liquides détenus en monnaie fiduciaire sous forme de billets de banque, d'acquisitions de biens meubles ou immeubles non destinés à usage professionnel et de la souscription d'avances en comptes courants d'associés ou en compte de l'exploitant et des prêts accordés aux tiers. La DGI souligne aussi que le montant des avoirs et dépenses déclarés ayant fait l'objet de paiement de la contribution, dont le taux est fixé à 5% de la valeur de ces avoirs et dépenses, ne sera pas pris en considération pour la rectification des bases imposables lors du contrôle fiscal du contribuable concerné, ainsi que pour l'évaluation du revenu global annuel dans le cadre de la procédure d'examen de l'ensemble de la situation fiscale des personnes physiques, visée à l'article 216 du Code Général des Impôts. La culture contributive remise en question Au-delà des efforts légitimes de l'État pour élargir l'assiette fiscale et accroître l'efficacité de la collecte des impôts, à travers des instruments réglementaires tels que la loi de finances, et permettre ainsi au Trésor de financer les coûts associés aux chantiers de protection sociale, à la lutte contre l'inflation et la sécheresse ou au développement d'infrastructures pour l'organisation de la Coupe du monde 2030, le problème chronique lié à la faible culture contributive au Maroc resurgit, étant donné qu'une bonne partie des contribuables s'efforcent toujours d'éviter de payer leurs impôts, alors que d'autres estiment que le respect de leurs obligations fiscales est un signe de citoyenneté et un moyen de contribuer au développement de la société. Le professeur et chercheur spécialisé en psychologie sociale, Azzedine Mehiaoui, indique à cet égard à Hespress que "le faible taux de contribuables au Maroc révèle un problème profond, dans lequel se chevauchent des facteurs psychologiques et sociaux". En fait, et malgré les efforts du gouvernement pour élargir l'assiette fiscale et améliorer la collecte des impôts, "une faiblesse persistante de la culture fiscale des individus est toujours observée", explique le professeur. L'un des principaux facteurs de cette situation, selon Mehiaoui, "est le manque de confiance dans les institutions gouvernementales, qui pousse les citoyens à l'évasion fiscale, car ils considèrent que l'argent qu'ils paient n'est pas investi dans l'amélioration de leur vie ou le développement des services publics". Et de souligner également que "le manque de solidarité sociale reflète des attitudes différentes à l'égard de la fiscalité : certains considèrent le paiement des cotisations fiscales comme un fardeau qui ne devrait pas être supporté, tandis que d'autres le considèrent comme un devoir et un moyen de contribuer à l'édification de la Nation". Dans le même contexte, le professeur fait remarquer que "la citoyenneté fiscale est un concept absent, dans la mesure où le paiement des impôts n'est pas considéré comme faisant partie de la responsabilité nationale collective et que souvent, l'idée de l'évasion fiscale devient socialement acceptable".