Face au changement climatique, la souveraineté alimentaire du Maroc devra se redéfinir pour préserver l'équilibre économique et social du pays. Les mesures d'urgence, comme la prolongation des subventions, ne sauraient constituer une solution durable. En réponse à une sécheresse qui fragilise son secteur agricole, le Maroc a annoncé la prolongation des subventions à l'importation de blé jusqu'à la fin d'avril 2025. Cette mesure, décidée conjointement par le ministère de l'Economie et des Finances et le ministère de l'Agriculture, révèle l'ampleur de la crise céréalière qui touche le pays. L'Office National Interprofessionnel des Céréales et Légumineuses (ONICL), par le biais d'un communiqué daté du 16 décembre 2024, a confirmé cette décision, soulignant que des détails supplémentaires seraient communiqués ultérieurement. Cette décision s'inscrit dans un contexte de forte dépendance aux importations, amplifié par des conditions climatiques défavorables pour la troisième année consécutive. La production nationale de céréales pour la campagne 2023-2024 a chuté à seulement 31,2 millions de quintaux, soit une baisse de 43 % par rapport à l'année précédente, et de près de 70 % par rapport au record enregistré lors de la saison 2020-2021. Cette régression inquiète, car elle traduit un affaiblissement structurel de la résilience agricole nationale face aux aléas climatiques. Lire aussi : Intermédiaires d'assurances : 284 décisions émises par l'ACAPS en 2023 Les conséquences du déficit céréalier sont palpables dans les zones rurales où l'agriculture constitue le principal moyen de subsistance. La région de Casablanca-Settat, l'une des plus importantes zones agricoles du pays, a été particulièrement touchée par le stress hydrique. De nombreuses exploitations, confrontées à des pertes de récoltes significatives, peinent à maintenir leur activité. Cette situation accentue la précarité des populations rurales et soulève des interrogations sur la capacité du Maroc à assurer sa sécurité alimentaire. Face à ces défis, le gouvernement a mis en place une stratégie d'urgence visant à garantir un approvisionnement suffisant du marché national en farine de blé, produit de base dans la consommation des ménages marocains. Cependant, cette politique de subventions, bien qu'indispensable à court terme, pèse lourdement sur le budget de l'Etat, déjà fragilisé par les coûts engendrés par d'autres initiatives sociales et économiques. Une évolution des partenariats commerciaux Sur le plan international, la crise céréalière redessine les flux commerciaux. Historiquement, la France a été le principal fournisseur de blé du Maroc. Toutefois, la concurrence accrue des pays de la région de la mer Noire, notamment la Russie, a modifié cette dynamique. Alors que les parts de marché de la France reculent en Algérie, le Maroc est devenu un client stratégique pour les fournisseurs français. Mais les changements dans les réglementations marocaines, visant à diversifier les sources d'approvisionnement et à favoriser des offres à moindre coût, ont permis à la Russie de renforcer sa présence. Selon la Fédération Nationale des Négociants en Céréales et Légumineuses du Maroc, la Russie pourrait devenir le plus grand fournisseur de blé du pays dès la saison 2024-2025, supplantant ainsi la France. Cette évolution reflète l'adaptation du Maroc aux réalités du marché mondial, mais elle soulève également des questions quant à la dépendance accrue envers des pays tiers pour des produits stratégiques. La crise actuelle révéle les limites du modèle agricole marocain, dépendant des précipitations et vulnérable au changement climatique. Bien que le Plan Maroc Vert ait permis des avancées significatives dans certains secteurs agricoles, la production céréalière demeure un point faible. Les experts plaident pour une transformation profonde du secteur, notamment par le recours à des variétés résistantes à la sécheresse, une gestion optimisée des ressources en eau et une meilleure intégration des technologies modernes. En attendant, le Maroc devra continuer de compter sur les importations pour combler son déficit céréalier. Cette situation, bien que nécessaire, pose des enjeux stratégiques et financiers majeurs, tant pour le gouvernement que pour les consommateurs marocains, qui restent exposés à la volatilé des prix sur les marchés mondiaux.