La célébration traditionnelle de l'Aïd El Adha au Maroc traverse une période critique, marquée par une série de défis économiques et sociaux. Facteurs tels que la hausse spectaculaire des prix des moutons et d'autres produits essentiels, en tandem avec une inflation généralisée, ont profondément affecté la préparation et la participation des Marocains à cette fête religieuse. Au cœur de cette crise, la question de l'accès aux ressources économiques essentielles se pose de manière pressante. De nombreux ménages marocains éprouvent des difficultés croissantes à joindre les deux bouts, alors que les prix des moutons, indispensables pour les rituels de l'Aïd El Adha, ont doublé dans de nombreuses régions. La mainmise des intermédiaires sur les marchés de vente a exacerbé cette flambée des prix, suscitant l'indignation parmi les citoyens. Au fil des années, la tendance à une célébration réduite de l'Aïd s'est accentuée. La situation atteint aujourd'hui un point critique ; jamais auparavant autant de citoyens n'avaient renoncé à cette tradition. Malgré l'absence de données chiffrées exactes, le sentiment d'une crise commune est palpable. «Même au plus fort de la sécheresse, il y a vingt ou trente ans, quand le Roi Hassan II avait autorisé la population à ne pas sacrifier de mouton, nous n'avions pas de flambée de prix comparable», se remémore une source contactée par Maroc Diplomatique. La question de cette hausse spectaculaire des prix reste sans réponse claire. La responsabilité semble diffusée, incitant à un examen rigoureux des nombreux facteurs contributifs. Parmi ceux-ci, l'approvisionnement du cheptel par le Plan Maroc Vert (PMV) devait permettre de stabiliser les prix du bétail. Or, cette initiative semble n'avoir pas à prévenir le déficit de cheptel actuel. «Le Maroc, autrefois autosuffisant, doit désormais importer des moutons et des bovins, ce qui pointe vers un échec du PMV à atteindre ses objectifs», déplore notre interlocuteur. En sus de la crise agricole, un autre facteur aggravant cette hausse des prix réside dans le rôle des intermédiaires. Ces agents, cherchant à maximiser leurs profits, imposent des marges substantielles sur les prix des moutons, les rendant inabordables pour la moyenne des citoyens. La situation a suscité une vive indignation et un sentiment d'impuissance parmi la population. Des exemples poignants, tels que celui « des femmes à Imouzzer, à Agadir, qui ont pleuré leur incapacité à acheter un mouton, illustrent le désarroi des familles les plus démunies », dénonce la source. Avant d'ajouter que cette situation interpelle sur la nécessité d'une régulation stricte de ce secteur. Face à ces obstacles, une fraction de la population, celle des familles aisées, adopte des méthodes alternatives pour marquer cette fête. Préférant célébrer l'Aïd en vacances loin de domicile, ces familles voient en l'acquisition d'un mouton une sunnah (tradition) non obligatoire qu'elles peuvent se permettre d'ignorer, se distanciant discrètement de cette pratique. Ce phénomène divergeant révèle une scission sociétale accrue. Tandis que certains accentuent leur lutte économique, tentant péniblement de conserver la tradition, d'autres se tournent vers des pratiques nouvelles, perçues comme moins contraignantes. L'Aïd El Adha, jadis homogène dans sa célébration, traverse ainsi une transition qui reflète une mosaïque de réalités marocaines en transformation. La symbolique de l'Aïd El Adha puise ses racines dans l'acte de foi et de communauté. Toutefois, la crise actuelle expose une interrogation fondamentale : comment préserver les traditions dans un contexte de fragilité économique ? Pour de nombreux citoyens, l'impossibilité de pratiquer le sacrifice d'un mouton, au-delà d'un constat économique, représente une crise identitaire et sociale. La capacité à perpétuer cette célébration soulève désormais des questions sur l'équité économique sociale.