À l'approche de l'Aïd Al-Adha, les familles marocaines se trouvent confrontées à un dilemme croissant : concilier la tradition sacrée avec les contraintes économiques imposées par la hausse des prix des moutons. À quelques semaines de l'Aïd Al-Adha, la traditionnelle fête du sacrifice, les familles marocaines sont confrontées à un dilemme exacerbé par une situation économique précaire. Les effets persistants de la crise économique et une baisse du pouvoir d'achat suscitent des inquiétudes croissantes face à l'escalade des prix des moutons, mettant à rude épreuve les finances des ménages. De surcroît, cette année, la célébration s'inscrit dans un contexte inédit marqué par une sécheresse persistante et des défis économiques croissants. Alors que les Marocains se préparent pour cette fête de sacrifice, de nombreuses questions et incertitudes se posent sur la manière dont les traditions seront respectées cette année. Les inquiétudes concernant la disponibilité des moutons pour l'Aïd Al-Adha se sont intensifiées en raison de la sécheresse qui a gravement affecté les pâturages et la production locale. En réponse, le ministère de l'Agriculture a pris des mesures significatives pour rassurer la population. Parmi celles-ci, l'importation de 600.000 têtes de moutons afin de garantir un approvisionnement suffisant sur le marché. Or, malgré cette initiative qui vise à éviter une pénurie qui pourrait exacerber la tension sociale en cette période de célébration, le coût élevé des moutons pour l'Aïd Al-Adha suscite déjà un vif débat. D'un côté, d'aucuns proposent d'annuler carrément la fête pour alléger les charges économiques des familles. De l'autre, les défenseurs de cette célébration traditionnelle expriment leur indignation, considérant le sacrifice comme un pilier incontournable de leur foi. Pour ces derniers, maintenir le rite est essentiel, même en dépit des difficultés économiques. Si la disponibilité semble assurée, la question du prix des moutons reste préoccupante. La sécheresse et l'inflation font peser une menace sur les prix, qui pourraient connaître une hausse par rapport à l'année dernière. Une hausse de 15% attendue Les sécheresses répétées ont sévèrement affecté les ressources en eau et en fourrage, rendant la nourriture pour le bétail plus rare et donc plus chère. Les éleveurs se voient contraints d'acheter des aliments de substitution plus coûteux pour nourrir leurs animaux, ce qui se répercute inévitablement sur le prix de vente des ovins. Cette année, les professionnels du secteur prévoient une augmentation des prix d'environ 15%, ce qui portera le coût du mouton de race Sardi, très prisée pour cette fête, entre 70 et 75 DH le kilogramme. L'année dernière, ce même mouton se vendait entre 60 et 65 DH le kilogramme, et il y a seulement quelques années, il coûtait environ 49 DH le kilogramme. Outre les coûts de production en hausse, le marché est également confronté à une relative pénurie. Actuellement, environ 3 millions de têtes de moutons ont été numérotées, tandis que l'objectif est d'en identifier près de 6,8 millions pour satisfaire la demande d'ici les prochaines semaines. Cette différence significative entre l'offre et la demande crée une pression supplémentaire sur les prix. Les consommateurs doivent donc s'attendre à payer plus cher pour leurs moutons cette année, ce qui pourrait impacter le budget des ménages, surtout ceux à revenu moyen et faible. La hausse des prix pourrait également influencer les comportements d'achat, avec certains ménages qui peuvent être contraints de revoir à la baisse leurs attentes en termes de qualité ou de quantité. Les éleveurs locaux, confrontés à des coûts de production plus élevés, n'ont d'autre choix que de répercuter ces coûts sur les consommateurs. Cette situation risque de rendre le mouton, élément central de la fête, moins accessible pour de nombreuses familles marocaines, déjà éprouvées par la conjoncture économique difficile. 3 millions de moutons et caprins disponibles Lors d'une session à la Chambre des Représentants, le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohamed Sadiki, a dévoilé que trois millions d'ovins et de caprins ont été minutieusement répertoriés et préparés pour l'abattage en prévision de l'Aïd Al-Adha 1445/2024. Cette déclaration, en réponse à des interrogations portant sur la disponibilité du cheptel, a mis en lumière les démarches entreprises par le ministère en coordination avec les professionnels depuis novembre 2023 pour évaluer de manière précise les besoins et l'offre sur le marché. À ce jour, pas moins de 214.000 unités d'élevage et d'engraissement ont été consciencieusement enregistrées, illustrant les efforts soutenus déployés en amont de cette célébration majeure. Pour soutenir le marché pendant l'Aïd Al-Adha, le ministère a instauré 34 marchés temporaires et accordé des autorisations exceptionnelles d'importation. Ces mesures incluent des subventions de 500 DH par tête d'ovin importée et l'exonération des droits d'importation et de la TVA pour ces animaux. L'objectif principal de ces initiatives est de stabiliser les prix sur le marché et de préserver le cheptel national face à une demande accrue pendant la période de la fête religieuse. Le volet sanitaire est un aspect crucial dans la préparation de l'Aïd Al-Adha, et le ministre Mohamed Sadiki a mis en lumière l'importance accordée à la santé du cheptel. Il a assuré que l'état de santé actuel des animaux est satisfaisant, ce qui est essentiel pour garantir la sécurité alimentaire et la santé publique. Pour ce faire, plusieurs mesures préventives et de contrôle ont été mises en place. Tout d'abord, une surveillance sanitaire rigoureuse est assurée pour prévenir les maladies infectieuses qui pourraient menacer le cheptel. Des inspections régulières sont effectuées pour détecter tout signe de maladie et prendre les mesures nécessaires pour contenir sa propagation. Ensuite, un contrôle strict est exercé sur les aliments destinés aux animaux. Il est crucial de s'assurer que ces aliments sont de qualité et sûrs pour la consommation animale afin de prévenir toute contamination ou maladie liée à une alimentation inadéquate. Un Aïd Al-Adha différent ? Face à cette situation économique particulière, les Marocains pourraient devoir adapter leurs traditions pour l'Aïd Al-Adha de cette année. Plusieurs scénarios sont envisageables. Certains ménages pourraient se tourner vers des moutons de plus petite taille, moins onéreux, ou encore choisir de partager l'achat d'un animal avec d'autres familles pour répartir les coûts. D'autres pourraient privilégier des alternatives à l'achat de moutons, telles que faire un don à une association caritative. Cette option, bien que moins traditionnelle, permettrait de maintenir l'esprit de solidarité et de partage qui caractérise l'Aïd Al-Adha, tout en s'adaptant aux réalités économiques actuelles. Par ailleurs, l'évolution des modes de vie urbains et la montée de la conscience écologique pourraient également influencer les pratiques cette année. Certaines familles, notamment en milieu urbain, pourraient opter pour des célébrations plus modestes ou symboliques, en mettant davantage l'accent sur l'aspect spirituel et communautaire de la fête plutôt que sur le sacrifice animal. Importation de moutons : Incertitudes et attentes
Les professionnels et les acteurs du secteur des importations de moutons pour l'Aïd Al-Adha attendent avec impatience une nouvelle décision concernant l'extension des bénéficiaires des importations subventionnées de moutons en provenance du marché européen. Les entreprises qui se sont plaintes d'avoir été exclues de ce processus ont exprimé l'espoir de voir les opportunités se rouvrir pour elles, sous de nouvelles conditions. En réponse à l'accaparement du marché par quelques entreprises, les professionnels espèrent que la part initiale des moutons fixée à 300.000 têtes par le ministère sera doublée, favorisant une plus grande participation pour fournir des alternatives aux citoyens, stabiliser les prix et maintenir l'équilibre. Cependant, les entreprises ayant déjà monopolisé les importations ont rencontré des obstacles en raison de la pression sur le marché européen et de la forte demande provenant de pays arabes et islamiques. Alors que 100 grandes entreprises ont obtenu des licences d'importation pour au moins 4.000 têtes, 30 petites et moyennes entreprises n'ont pas reçu de clarification sur leurs demandes, notamment celles portant sur 1.000 têtes, soulignant ainsi une incertitude persistante dans le processus d'attribution des licences.