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Abdellah EL Fergui : 2024 s'annonce difficile pour les TPE-PME et les auto-entrepreneurs
Publié dans Maroc Diplomatique le 20 - 02 - 2024

Dans une interview accordée à Maroc diplomatique, Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine de TPE-PME, dresse un état des lieux alarmant de la situation des petites et moyennes entreprises au Maroc, qui subissent de plein fouet les conséquences de la pandémie de Covid-19, de la sécheresse, de la hausse des prix et de l'absence de mesures spécifiques en leur faveur dans la loi de Finances 2024. Il appelle les autorités du pays à prendre des mesures immédiates pour soutenir ces entreprises, qui représentent le tissu économique et social du pays, et à mettre en œuvre la loi qui leur réserve 20% des commandes publiques.
l Maroc diplomatique : Quels sont les principaux défis et opportunités auxquels le secteur des TPE/PME au Maroc fait face dans le contexte des réformes économiques ?
– Abdellah EL Fergui : Les TPE-PME au Maroc font face à plusieurs défis, tant internes qu'externes. Les défis internes sont liés à la prolongation des effets de la crise causée par le Covid-19. Jusqu'à aujourd'hui, de nombreuses petites entreprises sont confrontées aux conséquences de cette crise qui s'est étendue de 2020 à 2021. Plus spécifiquement, elles font face à l'accumulation des loyers impayés et aux menaces d'expulsion, étant donné le grand nombre de plaintes déposées devant les tribunaux. De plus, ces entreprises doivent faire face à la sécheresse persistante d'année en année, à l'inflation et à l'augmentation des prix des matières premières, du carburant et du taux directeur. Le secteur informel exerce également une concurrence déloyale envers les TPE-PME, et les seuls programmes de financement, tels que «Forsa» et «Intelaka», destinés à ces petites entreprises, ont été interrompus. Il convient également de mentionner que l'impôt sur les sociétés (IS) a augmenté de 10 à 20%.
Sur le plan international, l'augmentation des produits importés en raison de l'inflation et de la crise en Ukraine, ainsi que la crise mondiale et le conflit entre Israël et les Palestiniens, ont également constitué des défis pour les TPE-PME au Maroc.
Tous ces éléments ont entraîné une augmentation du nombre d'entreprises affaiblies à la fin de l'année 2022, avec plus de 25.000 TPE-PME ayant fait faillite. Le taux de chômage a atteint 13,5% à la fin de l'année 2023, ce qui signifie qu'un jeune sur deux est au chômage (50% de nos jeunes sont au chômage). De plus, le secteur informel représente 77,3% de la main-d'œuvre au Maroc, ce qui signifie que sur trois emplois créés au Maroc, deux se trouvent dans le secteur informel. Il convient également de noter que 70% des TPE opèrent dans l'informel.
Afin de promouvoir les investissements et de réduire ce taux de chômage très élevé, il est nécessaire d'engager une large concertation avec le secteur privé, en impliquant notre Confédération marocaine de TPE-PME, les fédérations et associations professionnelles, les chambres professionnelles et les experts. L'objectif est de mettre en place un plan d'urgence visant à relancer notre économie en misant sur l'entrepreneuriat des jeunes, le développement des TPE-PME et des Auto-entrepreneurs, ainsi que la création d'un véritable Observatoire des TPE-PME et des Auto-entrepreneurs, où tous les partenaires seront représentés. Sans cela, le gouvernement ne pourra pas résoudre ces problèmes uniquement grâce aux méga-projets, car ces derniers n'ont créé que 17.500 emplois en 2023, pour un investissement total de 107 milliards de dirhams sur 58 projets. Autrement dit, il faut investir 6,1 millions de dirhams pour créer un emploi. Or, tout le monde sait qu'avec 100.000 dirhams du programme Forsa, nous avons créé un emploi, voire plus, et Intelaka également. Il est donc nécessaire que le gouvernement revoie ses réformes et ses priorités accordées aux méga-projets, en se concentrant ou en partageant son intérêt entre les grands et les petits projets. Il faut aussi que le gouvernement accélère les procédures et les décrets d'applications pour appliquer des lois sorties il y a plus de 10 ans comme cette loi des commandes publiques sortie en 2023 qui octroie un quota de 20% des marchés publics aux TPE-PME
l Comment le secteur des TPE/PME se positionne-t-il par rapport à ses concurrents régionaux et mondiaux ?
– Heureusement, les produits marocains continuent de se positionner favorablement par rapport à leurs concurrents régionaux et internationaux. Cependant, si le gouvernement ne prend aucune mesure pour renforcer les TPE-PME, le pays risque de perdre sa position face à ses concurrents. En tant que président de la nouvelle Confédération africaine des TPE-PME, j'ai eu l'occasion de rencontrer nos homologues africains lors des visites et des réunions. Nos entreprises sont très sollicitées en Afrique, mais aussi au Proche-Orient et parfois même en Europe, en raison de notre main-d'œuvre qualifiée, de notre savoir-faire et de notre capacité à nous adapter aux situations les plus difficiles.
Cependant, ces dernières années, nos TPE-PME ont subi de nombreux revers qui ont limité leur champ d'action et affaibli leur croissance. Malheureusement, le gouvernement n'a pas apporté le soutien nécessaire pour les aider à sortir de cette situation difficile et à réussir leur relance. Au contraire, il a encouragé les grandes entreprises qui ont mis en avant leur objectif «Made in Morocco» pour convaincre plus le gouvernement à leurs apporter plus d'incitations, financières, fiscales et foncières.
Il est crucial que le gouvernement revoie sa stratégie et accorde une attention plus soutenue aux TPE-PME. Ces petites entreprises ont un énorme potentiel de croissance et de création d'emplois, et elles ont prouvé leur capacité à s'adapter et à innover. Il est donc nécessaire de mettre en place des mesures spécifiques pour soutenir leur développement, telles que des programmes de financement accessibles, des formations adaptées, des incitations fiscales et des politiques favorables à l'entrepreneuriat. En renforçant les TPE-PME, le Maroc pourra non seulement préserver sa position sur le marché, mais aussi stimuler l'économie, réduire le chômage et promouvoir une croissance durable et inclusive.
l Quelles sont les perspectives de croissance et de développement des TPE/PME pour l'année 2024 et au-delà ?
– Dans notre dernier communiqué de presse, nous avons souligné l'absence de mesures spécifiques en faveur des TPE-PME dans la loi de Finances 2024. En revanche, en 2023, le ministère des Finances a pris 292 mesures en faveur des grandes entreprises et du patronat et continue dans cet élan en 2024. Cette année s'annonce très difficile pour les TPE-PME et les auto-entrepreneurs, car les principaux programmes de financement destinés à ces petites entreprises, à savoir «Forsa» et «Intelaka», ont été interrompus. De plus, la loi qui prévoit un quota de 20% des commandes publiques pour les TPE-PME, adoptée en 2013, n'a toujours pas été mise en œuvre après plus de 10 ans en raison du retard dans la publication des décrets d'application.
Parallèlement, la sécheresse persistante et l'augmentation des prix des matières premières, du carburant et du taux directeur ont également un impact négatif. Rien qu'en région Casablanca-Settat, près de 9.000 cafés et restaurants ont dû fermer, ce qui soulève des préoccupations à l'échelle nationale compte tenu du nombre total d'établissements dans les 11 autres régions du Maroc, ainsi que dans d'autres secteurs.
Nous espérons que les autorités du pays prendront conscience que nos TPE-PME et Auto-entrepreneurs sont en train de lutter silencieusement, sans grèves ni perturbations de la vie quotidienne. Pourtant, ces petites entreprises contribuent à la création d'emplois et à la cohésion sociale, qui est menacée si rien n'est fait pour les sauver. Il est crucial de prendre des mesures immédiates pour soutenir ces entreprises, telles que la relance des programmes de financement et l'application effective de la loi sur les quotas de commandes publiques prendre des mesures en faveurs des TPE-PME et Auto-entrepreneurs comment il le fait pour le patronat. En agissant ainsi, le pays pourra préserver l'emploi, promouvoir la paix sociale et encourager le développement économique durable.


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